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KRUPP (LES)
KRUPP (LES)

KRUPP LES

L’ascension de l’entreprise Krupp au début du XIXe siècle, sa toute-puissance de 1870 à 1960 et sa dislocation en 1967 constituent un parfait symbole de l’évolution de la sidérurgie à l’époque contemporaine en Allemagne, ainsi que des armements et des guerres modernes.

Venue du commerce, la famille Krupp s’intéresse à la fonderie à la fin du XVIIIe siècle et y place ses avoirs. Friedrich Krupp installe lui-même une petite forge en 1811 près d’Essen. C’est son fils, Alfred Krupp (1812-1887), qui fait de son atelier l’une des aciéries les plus puissantes du monde. Son ascension s’explique par le Zollverein, le développement des chemins de fer et de la navigation à vapeur. Habile à appliquer les progrès techniques, il conquiert une réputation mondiale par ses réalisations de qualité pour le rail: essieux et ressorts en acier fondu (1847), bielles, bandages de roue sans soudure, tiges pour pistons de locomotives (1848). Travaillant avec une centaine d’ouvriers, il emporte les grands marchés mondiaux; les expositions universelles jalonnent ses succès et ses progrès. Dans le même temps, les canons d’acier, les blindages deviennent sa spécialité, à la suite des commandes des rois de Prusse devenus ses amis; d’autres États suivent et Krupp devient une sorte de roi de la Ruhr organisant des réceptions pour les maîtres du monde (Kanonenkönig ). Alfred Krupp emploie plus de 7 000 ouvriers en 1873, et ses usines s’étendent sur 300 hectares; il pratique alors la concentration vers l’aval et l’amont: achat de mines de charbon et de fer espagnol. Très autoritaire, il s’oppose violemment aux syndicats tout en édifiant un système d’assurance maladie et de retraite.

Friedrich Krupp, son fils (1854-1902), plus détaché vis-à-vis de son affaire, siège au Conseil d’État de Prusse et au Reichstag. Il agrandit l’entreprise par des absorptions, acquiert des chantiers navals et introduit des méthodes plus scientifiques dans la recherche et la gestion. Il n’hésite pas à stipendier un groupe de pression pour obtenir un budget militaire élevé, ce qui lui assure un marché important. En 1902, il règne sur un empire de 70 000 personnes.

Sa fille et héritière, Bertha Krupp, transforme la firme en société toujours dominée par elle, puis son époux Gustav Krupp von Bohlen von Halbach (1870-1950), qui tire profit de la Grande Guerre. La défaite l’amène à une radicale reconversion; arrêté un moment par les Français qui ont envahi la Ruhr en 1923, Gustav Krupp von Bohlen se rallie aux nazis à la fin de 1932 ou au début de 1933, permettant ainsi leur prise du pouvoir; il bénéficie en retour d’une situation de faveur et de commandes destinées au réarmement. En 1939, la firme compte 190 000 ouvriers et employés, et son chiffre d’affaires est de un milliard de Reichsmark; Gustav Krupp von Bohlen trône parmi les plus grands dignitaires du régime.

Alfred Krupp von Bohlen (1907-1967), son fils, SS dès 1931, devient directeur général durant la guerre. Il est arrêté en 1945 et l’entreprise condamnée au démantèlement. Après son acquittement en 1948, il est de nouveau traduit devant un tribunal militaire américain qui lui inflige douze ans de prison pour crimes de guerre. Alfred Krupp est néanmoins libéré dès 1951 par les Américains; il redevient le maître de la Ruhr dès 1953 et finalement le premier industriel de la Communauté économique européenne en 1963. Mais en 1967, année de sa mort, les difficultés financières amènent la dislocation de l’entreprise.

Encyclopédie Universelle. 2012.