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DEUTSCH (H.)
DEUTSCH (H.)

Helen DEUTSCH 1884-1982

Théoricienne de la sexualité féminine, première femme psychanalyste à avoir été analysée par Sigmund Freud, Helen Rosenbach Deutsch est morte à Cambridge, dans le Massachusetts, aux États-Unis, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Née à Przemysl, dans la partie polonaise de l’Empire austro-hongrois, militante politique tout au long de sa vie, elle lutta dès sa jeunesse pour les droits civiques des femmes en Pologne et en Autriche. Devenue citoyenne américaine, elle manifesta contre la guerre au Vietnam pendant les années 1960 et 1970. Dans son autobiographie, Confrontations with Myself , publiée en 1973, elle attribue son attachement à la justice sociale à son père, Wilhelm Rosenbach, avocat, défenseur des pauvres, et son esprit de rébellion à ses luttes incessantes avec sa mère, Regina, qui s’opposait à ce qu’elle poursuivît des études supérieures.

De 1900 à 1910, elle fut la maîtresse de Herman Lieberman, président du Parti social-démocrate polonais, de seize ans son aîné, marié et père de deux enfants. Elle organisait alors des grèves et participait aux manifestations révolutionnaires. Quand Lieberman fut élu délégué au Parlement de Vienne en 1907, elle l’accompagna dans la capitale, entreprit des études de médecine à l’Université et se spécialisa dans la psychiatrie.

En 1918, elle devient membre de la Société psychanalytique de Vienne et entreprend son analyse avec Freud. En 1919, ce dernier lui adresse comme patient Victor Tausk, qui parvint alors à s’établir dans un rapport triangulaire avec son analyste et avec Freud. Celui-ci, ne pouvant tolérer cette communication perpétuelle avec Tausk par le biais de l’analyse personnelle d’Helen Deutsch, imposa à sa patiente de faire cesser une telle «situation incestueuse» en interrompant le traitement de Tausk, qui, peu après, se suicida. Freud, d’ailleurs, mit fin bientôt à l’analyse d’Helen Deutsch afin de consacrer plus de temps à l’Homme aux loups.

En 1924, Helen Deutsch fonda l’Institut de formation psychanalytique de Vienne, qu’elle dirigea jusqu’à son départ, en 1935, pour Boston; elle s’y rendit avec son mari, le psychanalyste Felix Deutsch, ancien médecin personnel de Freud, qu’elle avait épousé en 1912. Membre titulaire de l’Institut psychanalytique de Boston, professeur à l’Université, elle fut psychiatre à l’Hôpital général du Massachusetts pendant plus de trente ans. Paradoxalement, sa propre carrière illustre de manière assez inadéquate ce que, dans ses théories, elle dit des femmes, qui, selon elle, se caractériseraient, dans le domaine émotif et affectif, par le goût de la fuite et qui aimeraient l’intellectualité sans être de véritables intellectuelles. Elles vivraient à travers l’identification à l’homme, se contentant de n’être qu’une partie de lui. Toutefois, quand elles sont douées, elles préserveraient leur capacité à être originales et créatrices, sans pour autant entrer en concurrence avec les hommes. Helen Deutsch considère aussi que les femmes renoncent à la réussite sans avoir l’impression de faire par là un sacrifice; il leur suffit de se réjouir des accomplissements dont elles ont été les inspiratrices.

Le travail d’Helen Deutsch sur la personnalité as if («comme si») chez ceux dont la vie manque de sincérité ou d’authenticité semble annoncer les recherches d’Otto Kernberg et de Heinz Kohut sur le narcissisme, ainsi que la connaissance des états limites (borderline ) et d’autres aspects pathologiques de la personnalité. Sa contribution la plus significative à la psychanalyse demeure néanmoins son étude descriptive et interprétative des problèmes rencontrés par les femmes. Dans Psychology of Women , dont les deux tomes furent publiés aux États-Unis en 1944 et 1945 (La Psychologie des femmes , trad. H. Benoit, t. I, Enfance et adolescence , 1953; t. II, Maternité , 1967, P.U.F., Paris), elle reprend la plupart des thèses freudiennes sur la sexualité féminine, devenant ainsi la cible des féministes, qui y voient une justification de l’infériorité des femmes, une glorification de la femme-objet, une approbation des lois biologiques du comportement et un plaidoyer en faveur de cette idée que les différences anatomiques entre les sexes détermineraient les caractéristiques psychologiques. En fait, Helen Deutsch se borne à décrire le développement psychologique de la femme de la prépuberté à la ménopause et à proposer une théorie concernant l’existence d’un «noyau féminin» (feminine core ) composé de trois caractéristiques: le narcissisme, la passivité et le masochisme. Ces trois traits, profondément enfouis dans la constitution de la féminité et présents sous des formes variées durant la vie de la femme, seraient, chez celle-ci, responsables de l’intuition, des identifications multiples, de la subjectivité, d’une vie fantasmatique intense et d’un caractère «irrationnel et émotif». Le mélange de ces traits ou les conflits survenant entre eux détermineraient des catégories spécifiques: par exemple, celle de l’erotic feminine , chez la femme maternelle ou serviable, qui s’intéresse plus à l’amour qu’au sexe; celle de la masculine active , chez la femme dominatrice et agressive, qui se défend ainsi contre sa peur de devenir dépendante; celle de l’homosexuality , qui relève du besoin d’être materné et d’un lien pré-œdipien avec la mère. Pour atteindre la maternité et entrer dans la catégorie dite erotic feminine , la jeune fille doit substituer la passivité aux tendances dominatrices et agressives de sa masculine active . La passivité serait acquise lors du traumatisme génital à travers lequel la jeune fille découvre qu’il lui faut renoncer au plaisir clitoridien au profit de la jouissance vaginale, le vagin étant un organe passif et réceptif. Elle doit aussi détacher sa libido de l’objet primaire (la mère) afin de pouvoir vivre une relation amoureuse hétérosexuelle. Par cette thèse, Helen Deutsch se sépare de Freud, qui pensait que l’identification au père est déterminante dans l’homosexualité féminine. Parmi les autres œuvres d’Helen Deutsch, on peut citer Female Homosexuality (1932), Motherhood and Sexuality (1933), Some Forms of Emotional Disturbance and Their Relationship to Schizophrenia (1942), Neuroses and Character Types (1965), Selected Problems of Adolescence (1967; Problèmes de l’adolescence , trad. C.A. Ciccione, Payot, Paris, 1970) et deux analyses littéraires: Don Quixote and Don Quixotism et une étude des rapports entre la mère et le fils dans les mythes de Dionysos et d’Apollon (1967).

Encyclopédie Universelle. 2012.