ANDINE (CHAÎNE)
La chaîne des Andes, longue de près de 8 000 kilomètres, et dont la largeur atteint localement 600 kilomètres, s’étend de l’extrémité ouest du système montagneux des Caraïbes à la Terre de Feu, où débute l’arc des Shetland du Sud ou de Scotia.
À l’instar des Alpes, dont elles diffèrent pourtant fondamentalement, les Andes sont une chaîne jeune, qui s’est édifiée entre le Crétacé supérieur et l’époque actuelle, à partir d’un matériel sédimentaire accumulé dans des bassins fonctionnant depuis le Trias. De fait, ce système montagneux unique, édifié à la bordure ouest du continent sud-américain, comprend des segments très différents (fig. 1). Les uns, que l’on peut appeler liminaires ou andins stricto sensu, se sont construits exclusivement sur la bordure sialique du continent sud-américain et sous la dépendance du seul phénomène de subduction, par lequel les plaques lithosphériques océaniques qui ont successivement occupé le Pacifique sud-est ont été englouties sous le bord ouest de la plaque continentale sud-américaine; c’est le cas des Andes centrales (Pérou-Bolivie) et des Andes méridionales (Chili-Argentine) jusqu’au 45e degré de latitude sud. Dans les autres segments, des éléments de nature océanique participent à l’orogène; c’est le cas des Andes septentrionales (Colombie et Équateur), dans lesquelles des panneaux à substratum océanique se sont collés au continent, tout comme dans certaines parties des Cordillères nord-américaines; c’est aussi le cas des Andes de Magellan, à l’extrême sud du continent, où des bassins d’abord intracontinentaux se sont ouverts jusqu’à devenir franchement océaniques avant de se refermer. Dans les deux cas, on identifie des sutures jalonnées par du matériel ophiolitique lato sensu. Dans tous les segments considérés, ces évolutions fondamentalement différentes s’achèvent au Crétacé ou au début du Tertiaire et l’évolution ultérieure a des caractéristiques communes qui font de la chaîne des Andes un édifice apparemment homogène.
La géodynamique actuelle et néogène des Andes
Le fonctionnement actuel et néogène des Andes, que ce soit du point de vue de la déformation ou de celui du magmatisme, peut être mis en relation directe avec la subduction de la plaque océanique de Nazca – plancher de la plus grande partie du Pacifique sud-est – sous la plaque sud-américaine (fig. 4). En surface, ce phénomène s’initie au long de la profonde fosse océanique qui borde le continent à l’ouest. La subduction est à l’origine des nombreux séismes et du volcanisme récent et actif qui sont caractéristiques des Andes. Les foyers des séismes se situent pour une part dans la plaque océanique en cours de subduction, et leur répartition dans l’espace jusqu’à des profondeurs de 800 kilomètres permet de définir la géométrie de cette plaque. Ces séismes sont localisés pour une autre part au contact même des deux plaques – où se concentrent ceux de la plus forte intensité – et enfin dans la croûte continentale. L’ensemble des épicentres forme un essaim qui se répartit pour l’essentiel à l’intérieur des limites de la chaîne. Aux plus violents des séismes crustaux sont liées les quelques failles actuellement actives ou très récentes affectant la surface même du sol, telle la grande faille quaternaire qui, au Pérou, borde la Cordillère blanche à l’ouest. Une autre manifestation de la subduction est le volcanisme actif et récent, connu, avec quelques interruptions, de 50 de latitude nord à 460 de latitude sud. La plaque océanique, d’abord froide, plonge en effet typiquement avec un angle de 300 dans une asthénosphère chaude où elle s’échauffe progressivement jusqu’à ce que se produise l’expulsion de fluides – de l’eau en particulier – qui montent et déclenchent à la partie supérieure du manteau terrestre, juste sous la base de la croûte, la fusion de divers produits. Ces produits fondus montent à leur tour à travers la croûte terrestre, donnant en surface des volcans typiquement andésitiques et, à quelques kilomètres de profondeur, des diorites ou des granodiorites. Un dernier trait de la géologie actuelle et récente de la chaîne est sa surrection, qui est de l’ordre d’un millimètre par an et conditionne la vigueur de l’érosion. On ne peut mettre directement la surrection sur le compte de la subduction; bien que les phénomènes thermiques et mécaniques associés directement à cette dernière jouent un rôle, il faut plutôt considérer la surrection comme une conséquence du réajustement isostatique de l’imposante racine crustale de la chaîne, qui peut atteindre une profondeur de 70 kilomètres. La surrection ainsi que l’érosion différentielle qui l’accompagne et la suit mettent souvent en valeur des limites structurales; ainsi en est-il des hauts plateaux du Pérou central ou de la Cordillère orientale de Colombie. Le vocabulaire géographique utilisé ici est fondé sur la distinction de ces unités, définies dans le paragraphe Le relief actuel de l’article Cordillère des ANDES.
L’évolution pré-andine de la bordure ouest de l’Amérique du Sud
Si la géodynamique actuelle des Andes éclaire de nombreux aspects de leur évolution au cours des temps secondaire et tertiaire, il faut aussi tenir compte des processus qui ont structuré la bordure ouest de l’Amérique du Sud avant le début de l’évolution andine, c’est-à-dire avant le Trias supérieur. La présence de substratum sialique prétriasique permet aussi de différencier les segments liminaires de la chaîne, bâtis sur une croûte continentale, de ceux qui sont en partie bâtis sur une croûte océanique. Dans les Andes septentrionales, le substratum pré-andin est connu partout, excepté dans les Cordillères occidentales de Colombie et de l’Équateur et en bordure du Pacifique. Du sud de l’Équateur jusqu’aux Andes de Patagonie et de Magellan, ce substratum affleure largement dans les Andes et jusqu’en bordure du Pacifique, où se trouvent parfois les roches les plus anciennes. Il est constitué de roches métamorphiques précambriennes, très comparables à celles des cratons guyanais et amazonien qui forment le cœur du continent, et il se comporte en gros comme un socle rigide, sur lequel se sont déposées puis déformées des séries paléozoïques. Dans les Andes septentrionales, ce socle comprend notamment des granulites datées entre 1 200 et 1 300 millions d’années, âge d’un événement structural et thermique bien connu dans le craton guyanais. Plus au sud, dans les Andes centrales et méridionales, une chaîne âgée de 600 millions d’années s’est installée entre un bloc rigide oriental, formé par le craton amazonien et son prolongement méridional axé sur le méridien 600 ouest, datés entre 3 000 et 1 800 millions d’années, et un bloc rigide occidental dont le seul témoin est le massif d’Arequipa, situé sur la côte sud du Pérou et daté à 2 000 millions d’années. Cette chaîne âgée de 600 millions d’années, qu’on peut dire brasilide ou panafricaine, s’étend du nord du Pérou au centre de la Bolivie avec une direction nord-ouest sud-est puis devient nord-sud en Argentine. Elle comprend des termes terrigènes, des roches volcaniques basiques et de rares roches ultrabasiques, métamorphisés le plus souvent dans le faciès schiste vert. C’est à la bordure ouest des cratons guyanais et amazonien, en partie sur le tracé de la chaîne brasilide, que s’individualisent au cours du Paléozoïque inférieur de grands bassins sédimentaires intracratoniques dont les directions sont déjà proches de celles des Andes. Ces bassins reçoivent une sédimentation pour l’essentiel terrigène où l’on reconnaît des faciès de plate-forme mais aussi des faciès flysch plus profonds. Leur âge se situe entre le Cambrien et le Dévonien supérieur, mais très souvent le Silurien est absent et une véritable orogenèse taconique est même signalée à la fin de l’Ordovicien en Colombie; ses effets pourraient se faire sentir jusque dans le nord du Pérou. Partout ailleurs plus au sud, la sédimentation est continue jusqu’au Dévonien supérieur, malgré une lacune fréquente au Silurien inférieur; quelques coulées basiques sous-marines ainsi que des serpentinites sont les seuls témoins, dans les Andes d’Argentine entre 30 et 350 de latitude sud, d’une ouverture du bassin pouvant aller jusqu’à la formation de croûte océanique. Dans les Andes centrales et méridionales, le Paléozoïque inférieur et moyen est plissé au Dévonien terminal ou au début du Carbonifère. Cette chaîne éohercynienne montre en général des plis droits ou déversés symétriquement en éventail, un très faible métamorphisme et de rares intrusions granitiques syn- et post-tectoniques; certains chercheurs pensent cependant qu’une tectonique de collision se traduisant par des nappes de charriage s’est produite en Argentine. Dans les Andes septentrionales, une lacune de sédimentation et une discordance locale entre Dévonien et Carbonifère marquent le contrecoup de cette tectonique éohercynienne. La sédimentation du Carbonifère débute le plus souvent par des molasses continentales à plantes dans le domaine de la chaîne éohercynienne. On passe ensuite à des dépôts marins le plus souvent terrigènes et de plate-forme, mais les roches carbonatées deviennent fréquentes au Pennsylvanien et les calcaires à fusulines sont abondants dans les Andes au Permien inférieur, de la Cordillère de Merida, au Venezuela, jusqu’à 500 de latitude sud. Il faut noter qu’en Bolivie, au Chili et en Argentine des influences gondwaniennes se font sentir dans les flores et dans les faunes au Carbonifère et au Permien, ainsi que dans la présence de nombreux horizons de tillites, témoins des glaciations carbonifères.
Vers le milieu du Permien débute une nouvelle évolution. Il se produit d’abord un plissement, dit tardihercynien, bien identifié au Pérou central jusqu’à 380 de latitude sud; ce plissement est suivi d’une émersion généralisée de la bordure ouest du continent et du dépôt de molasses rouges continentales intercalées de nombreuses coulées volcaniques connues du nord du Pérou jusqu’à 400 de latitude sud. Parallèlement se mettent en place en profondeur des intrusions de type granitique datées par diverses méthodes entre 280 et 225 millions d’années. Des granitoïdes de cet âge sont connus dans la Cordillère de Merida et en Colombie, où la base des séries rouges du Trias et du Lias pourrait localement descendre dans le Permien supérieur. La période Permien supérieur-Trias inférieur est une période clé, où le secteur andin est en régime extensif. C’est alors que s’effectue le passage de l’organisation hercynienne à l’organisation andine et que la partie occidentale du système plissé hercynien est tronquée au long d’une ligne parallèle au tracé de la fosse océanique actuelle. La partie la plus occidentale du continent du Gondwana, qui s’étendait sans doute sur une partie du domaine pacifique actuel, se trouve alors séparée du reste de ce continent.
L’évolution andine: la période de sédimentation
L’évolution andine commence donc au Trias, avec l’installation de bassins marins sur la bordure ouest de l’Amérique du Sud continentale. C’est le début d’une période de sédimentation et de volcanisme actif, qui se produit essentiellement en régime d’extension et se poursuit jusqu’au Crétacé supérieur. Parallèlement, sur les blocs exotiques à substratum crustal océanique qui viendront plus tard s’accoler à la partie ouest du continent en Colombie et en Équateur, se produit une sédimentation d’arc insulaire ou de plaine sous-marine, alors que ces blocs font partie d’une plaque océanique et se trouvent dans une position géographique indéterminée par rapport au continent. Ils ne peuvent donc être pris en compte, comme cela a souvent été fait à tort, dans les reconstitutions paléogéographiques concernant le continent.
Les premiers bassins marins andins s’installent dans un contexte géodynamique encore mal connu; la mer avance sur le continent parfois dès l’Anisien et, plus souvent, au Norien, occupant des bassins de plate-forme peu subsidents où les sédiments sont souvent carbonatés. Les dépôts marins s’intercalent souvent avec des dépôts continentaux, notamment dans les Andes septentrionales et dans les Andes méridionales, où le Trias se répartit dans des fossés nord-nord-ouest - sud-sud-est. Partout des intercalations volcaniques, principalement acides, sont signalées. Dans les Andes septentrionales, ce régime d’incursions marines brèves dans un milieu continental marqué par un volcanisme actif se poursuit jusqu’au Jurassique supérieur, alors que plus au sud, à partir de l’Équateur, la transgression triasique s’affirme au Jurassique inférieur. À cette époque, un bassin marin unique, peut-être séparé du Pacifique par un seuil en partie émergé, couvre l’essentiel du Pérou. Il se connecte au Chili avec le bassin andin, de direction nord-sud, donc oblique par rapport aux Andes, de direction nord-100 est, et se termine comme un vaste golfe en Argentine vers 400 de latitude sud; malgré une histoire complexe, il existera jusqu’au Crétacé supérieur. On peut penser que la subduction de la lithosphère pacifique sous l’Amérique du Sud a débuté dès cette époque, au moins dans certains secteurs, ce que montrerait l’alignement parallèle à la fosse des andésites liasiques du sud du Pérou entre 14 et 160 de latitude sud; on connaît aussi un alignement volcanique au bord ouest du bassin jurassique inférieur en Équateur et probablement dans le nord du Pérou et des rhyolites se trouvent alignées dans la même position au Chili.
Au Jurassique moyen dans le Pérou central et septentrional, au Jurassique supérieur dans les Andes méridionales, au début du Crétacé dans les Andes de Colombie et de Merida, des réajustements se produisent qui se traduisent essentiellement par des transgressions marines et souvent par de nouveaux dispositifs paléogéographiques: c’est le cas au Pérou, au Jurassique supérieur, où de nouveaux bassins sédimentaires s’organisent parallèlement à une marge active avec subduction dont le tracé est subparallèle à celui de la fosse océanique actuelle. L’existence de cette subduction est fondée sur le modèle andin néogène et actuel et on la déduit de la répartition linéaire et de la nature calco-alcaline des produits du volcanisme et du plutonisme pré-orogéniques. La subduction induit typiquement un dispositif paléogéographique dont on peut prendre le modèle dans le Pérou central à l’Albien et qui montre d’ouest en est (fig. 3):
– une zone géanticlinale en partie émergée, où affleure le substratum antétriasique;
– un bassin andin caractérisé par l’abondance du volcanisme calco-alcalin essentiellement sous-marin associé à des roches volcano-sédimentaires souvent déposées par des courants de turbidité; les séries peuvent dépasser 10 000 mètres d’épaisseur pour le seul Albien;
– une plate-forme carbonatée bordière où les dépôts s’amincissent vers l’est;
– une seconde zone géanticlinale, émergée ou haut fond selon les lieux et les époques, qui deviendra la Cordillère orientale péruvienne;
– un bassin d’avant-pays, le bassin subandin , qui s’appuie à l’est sur le craton amazonien et dont le remplissage est sous l’influence des apports détritiques venant de ce craton.
Au Pérou, en Bolivie et dans le nord du Chili, ce dispositif paléogéographique est respecté, du moins au Crétacé (fig. 2a), mais le bassin subandin se termine en doigt de gant vers 200 de latitude sud et le bassin andin existe seul dans les Andes méridionales jusqu’à 400 de latitude sud, cependant que plus au sud, un nouveau bassin, celui de Magellan, se développe en position plus occidentale à partir du début du Crétacé. C’est également à cette époque que s’ouvrent dans l’Altiplano du Pérou et de Bolivie des bassins continentaux parfois fortement subsidents où la mer pénétrera temporairement à diverses reprises à l’Albien puis au Crétacé supérieur. Dans les Andes septentrionales, le Crétacé est aussi marqué par l’installation durable d’un bassin sédimentaire pour la première fois franchement marin, mais encore limité à l’ouest par un seuil qui correspond à la Cordillère centrale (fig. 2a). Ce bassin s’apparente au bassin subandin de l’Équateur et du Pérou avec lequel il est en connexion, par le fait qu’il ne reçoit pas de produits volcaniques. Son organisation interne est complexe: il présente des sillons subsidents comme celui de Bogotá où plus de 2 000 mètres de sédiments terrigènes fins à rares intercalations gréseuses et carbonatées se déposent du Valanginien au Maëstrichtien, et des blocs soulevés comme celui de Maracaibo au nord des Andes de Merida, qui ne sera recouvert par la mer que lors de la transgression aptienne. Après cette transgression, et jusqu’au Santonien, tout le bord ouest du continent, du nord de la Colombie jusqu’à 350 de latitude sud, est couvert par une mer qui, pour la première fois, pénètre au Pérou jusqu’à 900 kilomètres de la côte pacifique actuelle.
Au Venezuela, ce bassin péri-continental se connecte avec celui des llanos et de la future chaîne caraïbe. L’évolution des blocs exotiques qui forment actuellement la Cordillère occidentale et la bordure pacifique en Colombie et en Équateur est encore mal connue. Leur croûte océanique composée de roches grenues ultrabasiques et basiques, de diabases et de basaltes en coussins est au plus d’âge crétacé supérieur. Leur couverture sédimentaire de radiolarites, schistes siliceux, flyschs parfois à matériel volcanique remanié, est datée du Crétacé inférieur à supérieur selon les endroits, et même de l’Éocène. Cependant, la sédimentation a continué alors que le collage de ces éléments au continent était déjà en partie ou totalement réalisé. À l’extrême sud du continent, l’ouverture de l’Atlantique sud, qui débute à l’Aptien, se traduit par l’ouverture de bassins de direction proche d’est-ouest sur la marge inactive argentine, mais sans connexions bien établies avec le bassin andin.
Ce bassin andin est la structure vraiment caractéristique des Andes liminaires; il apparaît comme un bassin en distension. Dans sa partie ouest, au Chili, vers 320 de latitude sud, l’épaisseur cumulée des séries essentiellement volcaniques pour tout le Crétacé est de près de 20 000 mètres, soit les deux tiers de l’épaisseur d’une croûte continentale normale. Il faut donc admettre que, en compensation, la croûte sous ce bassin s’amincit progressivement par un processus d’extension facilitant à son tour la montée des magmas qui, soit s’épanchent en surface, sous forme de coulées, soit cristallisent à quelques kilomètres de profondeur en plusieurs venues. Au Chili, l’intrusion des granitoïdes débute au Jurassique inférieur, mais s’active surtout à la fin du Jurassique et au Crétacé, cependant qu’au Pérou le batholite côtier, aligné selon une direction nord-ouest - sud-est sur 2 000 kilomètres, commence à se mettre en place à l’Albien. L’existence de ce grand arc magmatique, dont la mise en place se poursuit à l’heure actuelle, fournit le meilleur argument pour affirmer que l’évolution des Andes est, durant presque toute leur histoire, sous la dépendance du phénomène de subduction.
L’extension crustale est encore plus prononcée dans le bassin crétacé de Magellan qui peut être considéré comme un bassin marginal à substratum en partie océanique comparable à ceux du Pacifique sud-ouest d’aujourd’hui. Dans sa partie sud, en Terre de Feu, où il est le mieux connu, son orientation est est-ouest du fait de la courbure qu’enregistrent les Andes à ce niveau. Il s’appuie au nord sur le socle ancien de Patagonie, et au sud, du côté Pacifique, sur un batholite d’âge jurassique supérieur à crétacé inférieur. Du sud au nord, au Crétacé inférieur, on y rencontre un arc volcanique posé sur le batholite alors émergé puis le bassin, rempli de flysch volcano-clastique reposant sur un complexe ophiolitique dans sa partie sud alors que, dans sa partie nord, installée sur un substratum continental, se sédimentent des argiles.
La tectogenèse et l’orogenèse andines
À l’Albien, les premiers signes du passage d’un régime où la distension est dominante à un régime marqué par la compression se font sentir.
En Colombie, à cette époque, se réalise la collision d’une partie des blocs exotiques à substratum océanique avec le continent. Dans le nord de la Cordillère centrale, des ophiolites chevauchent des roches continentales, avant d’être recoupées par un granitoïde d’âge crétacé supérieur. Une situation très semblable se présente dans la chaîne de Magellan, où ce chevauchement se fait vers le nord. Au Pérou, une partie de la zone côtière se plisse à ce même moment. Puis vient, dans les Andes centrales et méridionales, la succession des grandes phases de compression qui vont donner à la chaîne son architecture; elles se situent à la fin du Crétacé, au Paléocène, à l’Éocène et au Miocène (en particulier vers sa fin). De fait, ce calendrier du déroulement des phases n’a pas partout la même valeur et rares sont les cas où l’âge des phases est bien précisé par les données paléontologiques ou géochronologiques. Quoi qu’il en soit, il est certain que partout la déformation se propage des zones internes de la future chaîne, proches du Pacifique, vers les zones externes. Certes, chaque phase de déformation reprend, en général en les accentuant, les structures les plus externes dues à la phase précédente, mais elle incorpore aussi à la chaîne, à l’avant, des secteurs jusqu’alors non déformés. Dans les Andes liminaires, les zones internes sont effectivement déformées précocement, mais faiblement, et on n’y observe que de vastes plis très ouverts dans lesquels les strates ne changent pas d’épaisseur. En position plus externe, on rencontre généralement des zones faillées qui sont souvent d’anciennes zones de changement de faciès associées à des failles normales s’aplatissant en profondeur. Lors des phases de compression, ces failles se réactivent, en compression cette fois, donnant des chevauchements qui souvent utilisent des niveaux de décollement, argileux ou gypseux. Il en résulte des ceintures très déformées, à plis et écailles presque toujours déversés vers l’est (fig. 4). C’est là que se développent des plis en chevron dissymétriques vers l’est et à schistosité axiale bien marquée et même localement un faible métamorphisme dynamique contemporain de la déformation. L’âge de ces structures, qui ressemblent souvent mais en beaucoup plus petit, à celles des Rocheuses canadiennes ou du Wyoming, varie selon les secteurs: au Chili, elles datent de la fin du Crétacé, mais sont éocènes dans le Pérou nord et central.
L’événement de la fin du Crétacé se traduit aussi dans les Andes liminaires par un soulèvement faible mais généralisé qui provoque l’expulsion de la mer hors du continent, si l’on excepte les bassins côtiers et quelques transgressions éphémères qui peuvent même atteindre le bassin subandin. Dans les Cordillères occidentales de l’Équateur et de Colombie, la mise en place des terrains océaniques se poursuit au Crétacé supérieur, puisque des terrains de cet âge, encore à faciès de mer profonde, sont affectés par des grands chevauchements, voire des nappes selon certains auteurs, qui mettent en contact des unités crétacées, les unes métamorphiques, les autres non. En Équateur, il est possible que cette mise en place se poursuive au Paléocène, ou même à l’Éocène. À l’extrême sud du continent, dans la Cordillère de Magellan, le serrage nord-sud reprend à la fin du Crétacé et au début du Tertiaire: les molasses du Crétacé supérieur, produit de l’érosion des parties internes de la chaîne, sont déformées et soulevées au Paléogène, subissent alors un raccourcissement de 50 p. 100 et elles forment une ceinture plissée et écaillée de 50 kilomètres de large chevauchant vers le nord.
Au Tertiaire, des bassins continentaux, de plus en plus petits et morcelés à mesure que le temps passe, remplacent partout les grands bassins marins du Crétacé (fig. 2b). Ils sont remplis par des dépôts lacustres et fluviatiles molassiques issus de la destruction des reliefs liés aux plissements et surrections antérieurs. Il s’y intercale des coulées pyroclastiques et de laves émanant de volcans alignés, là encore, parallèlement à la fosse océanique, ce qui montre la permanence dans le temps des phénomènes magmatiques liés à la subduction. Puis vient le moment où ces bassins intramontagneux sont à leur tour plissés et incorporés à la chaîne. La dernière des phases est celle qui déforme la zone subandine où subsistait encore le dernier grand bassin; cette phase se situe vers la fin du Miocène ou le début du Pliocène, c’est-à-dire il y a à peine 5 millions d’années, et dans certains secteurs pourrait encore être active. Au Pérou, en Bolivie et en Argentine jusqu’à 200 de latitude sud, elle se traduit dans la plupart des secteurs par un chevauchement des terrains anciens de la Cordillère orientale sur les sédiments du bassin subandin concordants du Paléozoïque au Tertiaire supérieur (fig. 4). Au sud du 20e parallèle austral, ce chevauchement se produit sur un bassin péri-andin, bassin molassique d’avant-pays qui émigre vers l’est au cours du temps. Dans les nombreux secteurs où des niveaux de décollement sont présents, les failles les suivent et des ceintures plissées et écaillées se forment, sans que le raccourcissement soit très important.
Dans les Andes septentrionales et celles de Magellan, l’évolution tertiaire est un peu différente. Les bassins d’avant-pays enregistrent encore de nombreuses ingressions marines, qui viennent soit du domaine caraïbe, pour le nord, soit du domaine atlantique, pour le sud. En Colombie, la Cordillère centrale et le bloc de Santa Marta, déformés puis soulevés à la fin du Crétacé, limitent vers l’ouest le bassin d’avant-pays d’où naîtra la Cordillère orientale. À l’Éocène, ce bassin est continental, avec des influences marines locales; à la bordure sud-ouest du bloc de Santa Marta s’y déposent les épaisses couches à charbon du Cerrejón. Au nord-est, il s’ouvre plus largement au Venezuela où l’influence marine est plus nette avec même des faciès profonds à Maracaibo. Cette sédimentation est calme quoique à cette époque (Paléocène-Éocène) et dans ce même bassin, un peu plus au nord-est, vers Barquisimeto et Carora, se produise la mise en place, en grande partie synsédimentaire, des unités allochtones de la chaîne caraïbe, suivie à l’Éocène supérieur par un charriage cisaillant vers le sud-sud-est, sur l’extrémité nord-est des futures Andes de Merida (fig. 2 b). La sédimentation se poursuit jusqu’au Miocène dans ce bassin qui ne se déformera en partie qu’à la fin du Miocène et au début du Pliocène, que ce soit en Colombie ou au Venezuela. Il n’y aura pas là de grands décollements ni de ceinture plissée et écaillée, mais de vastes plis de fond impliquant le substratum pré-andin. La Cordillère orientale colombienne et la Cordillère de Merida apparaissent comme des anticlinoriums soulevés en compression de plus de 2 000 mètres, au long de failles bordières raides à déversements opposés. Leur surrection se traduit par l’apparition de conglomérats grossiers d’âge miocène supérieur à pliocène inférieur dans les bassins continentaux résiduels qui entourent ces cordillères. Notons enfin que depuis le Miocène les Andes de Colombie sont le siège d’un volcanisme encore partiellement actif lié à la subduction de la plaque de Nazca. Un alignement de stratovolcans coiffe la Cordillère centrale au sud du 5e degré de latitude nord; il se raccorde vers le sud à celui de l’Équateur.
Cette vision de la géologie des Andes doit être complétée par l’évocation des mouvements horizontaux de vastes blocs crustaux ou même lithosphériques, au long de failles décrochantes proches de la verticale. Les très grands décrochements à rejeux très récents du type de ceux qui sont liés au système de collision Inde-Asie n’apparaissent que dans les Andes septentrionales, à l’approche du système caraïbe. Le plus grand, qui est long de 1 100 kilomètres, est la faille nord-sud de Dolores-Guayaquil qui, en Colombie, suit les vallées du Cauca et du Patia et passe à la bordure ouest de la vallée interandine d’Équateur avant de rejoindre le golfe de Guayaquil. Elle se superpose à la suture ophiolitique qui marque le contact entre le continent et les blocs occidentaux à substratum océanique; son mouvement principal serait dextre. La faille de Santa Marta-Bucaramanga est orientée nord-nord-ouest -sud-sud-est et borde à l’ouest le bloc de Santa Marta; elle mesure 450 kilomètres et le déplacement senestre au long de cette faille au Néogène et au Quaternaire atteindrait 100 kilomètres. Celle d’Oca est est-ouest et limite au nord le bloc de Santa Marta. Cette faille dextre fait partie d’un immense système faillé est-ouest qui joue un rôle important dans la tectonique récente de la partie sud de la plaque caraïbe.
Plus au sud, on ne repère plus dans la morphologie de très grandes failles de ce type, hors celle d’Atacama dans le nord du Chili, dont le rôle est mal précisé. En revanche, on peut démontrer que les grandes failles longitudinales ont joué en décrochements ou en décrochements-chevauchements à certaines époques du Néogène. Au Pérou, les mouvements dextres prédominent au long des failles nord-ouest - sud-est dans les Andes, en dehors de la zone subandine; ils sont liés à une compression proche de la direction nord-sud datée du Miocène supérieur, vers 漣 9 millions d’années.
Les Andes n’apparaissent comme une chaîne originale que dans leur partie liminaire et, géologiquement parlant, c’est à elle seule que devrait revenir le qualificatif de chaîne andine . Une chaîne andine, au sens strict, a pour caractéristiques principales:
– d’être construite en bordure d’un continent mais intégralement à l’intérieur de ses limites, sans que du matériel océanique participe à sa constitution;
– d’évoluer continuellement sur une marge continentale active sous laquelle s’effectue la subduction d’une plaque lithosphérique océanique.
Le processus de subduction se traduit le plus souvent:
– dans la bordure de la plaque continentale chevauchante, par un régime de déformation en compression limité au talus contigu à la fosse océanique, et par un régime en distension, favorable à la subsidence et à la sédimentation, sur le reste de la bordure du continent;
– par un volcanisme et un plutonisme actifs à chimisme calco-alcalin dont les centres sont alignés parallèlement à la fosse.
Lors des phases compressives, le régime de déformation en compression envahit une part plus importante de la bordure du continent. La cause de ce changement réside vraisemblablement dans une diminution de l’angle sous lequel se fait la subduction, se traduisant par un couplage mécanique plus important entre les deux plaques. Une telle variation de l’angle de subduction est à rechercher dans les changements du taux de rapprochement des deux plaques, et aussi dans les variations de la vitesse et de la direction du déplacement propre de la plaque continentale chevauchante par rapport à un point de référence fixe. Ces modifications concernent l’ensemble de la frontière convergente de deux plaques et sont à relier à des phénomènes de réajustements de la cinématique des plaques à l’échelle du globe.
L’intérêt du modèle andin réside dans le fait que, dans beaucoup d’autres chaînes de montagne, on reconnaît des périodes andines. C’est le cas dans les Andes septentrionales, qui furent probablement andines au Lias et du Miocène à notre époque, et des Andes de Magellan, peut-être andines au Jurassique supérieur et au Crétacé supérieur, lorsque se mirent en place les batholites, mais plus proches des chaînes de collision à d’autres époques.
Encyclopédie Universelle. 2012.