GOLDMANN (N.)
Nahum GOLDMANN 1895-1982
Nahum Goldmann est né en 1895 à Wisznewo, en Lituanie. Peu après sa naissance, ses parents le confient à son grand-père paternel et partent faire des études en Allemagne, la Lituanie sous le régime tsariste pratiquant, dans ses universités, un numerus clausus sévère à l’encontre des juifs. C’est à domicile qu’un rabbin vient enseigner au jeune Nahum les rudiments de la Bible. Ses parents s’étant fixés à Francfort, Nahum quitte le chtettl (bourgade juive) et son grand-père, médecin de campagne, un milieu traditionaliste et religieux, pour l’Allemagne. Jusqu’à l’âge de neuf ans, il fréquente une école juive, puis son père l’inscrit au lycée allemand. Écrivain, éditeur à Francfort d’un hebdomadaire juif, professeur de langue et de littérature hébraïques, le père de Nahum Goldmann est un traditionaliste et un sioniste convaincu depuis son jeune âge. «Sans doute cela explique-t-il mon propre sionisme, dira plus tard Nahum Goldmann, c’est en quelque sorte un héritage naturel: je ne suis pas devenu sioniste, je l’ai toujours été.» C’est pendant ces années d’avant la Première Guerre mondiale que Nahum Goldmann assimile la culture allemande qui demeurera, de son propre aveu, sa culture fondamentale. Dès l’âge de quinze ans, il publie des articles dans le Frankfurter Zeitung , et il effectue, en 1913, son premier voyage en Palestine avec un groupe d’étudiants. Survient la guerre, interrompant ses études de philosophie à Heidelberg. Nahum Goldmann, citoyen russe, est placé sous la surveillance de la police avec d’autres juifs russes à Bad Nauheim. Il écrit alors une série d’articles soutenant l’idéologie allemande, qui lui valent d’être appelé à Berlin pour travailler au ministère des Affaires étrangères. Il y met sur pied une section pour les problèmes juifs, qu’il dirigera jusqu’à la fin de la Grande Guerre. Il reprend alors ses études, termine son doctorat, poursuit ses activités journalistiques. Avec son ami Jacob Klatzkin, il se lance dans la publication d’une œuvre gigantesque, l’Encyclopædia Judaïca en allemand, en anglais et en hébreu... Quatre-vingts personnes travaillent à ce projet, et en 1928 paraît le premier des dix volumes qui verront le jour avant l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler. Ce n’est qu’en 1972 que Nahum Goldmann pourra terminer, à Jérusalem, la publication (en anglais) de l’Encyclopædia Judaïca . Au début des années 1930, Nahum Goldmann se rend aux États-Unis pour rencontrer Stephen Wise, fondateur de l’American Jewish Congress, et envisager une édition américaine de l’Encyclopædia . Devant la montée du nazisme en Allemagne, les deux hommes conviennent de l’urgence de créer un instrument de lutte contre l’hitlérisme. Ce sera le Congrès juif mondial (C.J.M.), qui sera formellement mis en place lors d’une grande réunion à Genève en 1936. Toutes les communautés juives d’Amérique du Sud, du Canada et de l’Europe (à part celles d’Angleterre et de France) adhèrent au Congrès juif mondial. En France, les dirigeants de la communauté soutiennent que le principe d’un peuple juif réunifié accréditerait le mythe des Protocoles des sages de Sion ...
Une fois les nazis au pouvoir à Berlin, Nahum Goldmann doit s’installer à Genève. Il y rencontre Louis Barthou, ministre français des Affaires étrangères, qui l’aide à devenir... consul du Honduras à Genève. Goldmann représente également l’Agence juive auprès de la Société des nations.
Le Congrès juif mondial ne réussit pas à sauver les juifs européens du génocide. «Si l’on relit nos discours de l’époque, on s’aperçoit que Wise et moi-même mettions le judaïsme en garde contre Hitler, écrira Goldmann. La majorité du peuple juif n’y prêta pas attention, et, quand Schopenhauer parle de l’«optimisme maudit des juifs», force nous est de reconnaître que le philosophe du pessimisme a raison: la plupart des juifs soutenaient que Hitler n’était qu’un simple épisode, et nous n’avons jamais réussi à faire l’unanimité sur nos thèses.» Le seul succès tangible, aux yeux de Goldmann, du C.J.M. contre l’hitlérisme fut de forcer l’Allemagne nazie à démissionner de la Société des nations.
Installé aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, Nahum Goldmann reçoit d’Europe des rapports sur l’assassinat des communautés juives. Il intervient, sans grands résultats, auprès du président Roosevelt et des gouvernements alliés. La situation de la communauté juive américaine est quelque peu anarchique, divisée en nombreuses tendances. Nahum Goldmann met sur pied la Conférence des présidents des grandes associations juives, dont il sera appelé à assumer la présidence.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Nahum Goldmann poursuit, avec les dirigeants de l’Organisation sioniste mondiale, l’action qui allait mener au vote du plan de partage de la Palestine par l’Organisation des nations unies, le 29 novembre 1947. Cette décision aboutit, le 14 mai 1948, à la proclamation de l’État d’Israël par David Ben Gourion. C’est en convainquant d’abord Dean Acheson que Nahum Goldmann fit admettre aux dirigeants américains la nécessité de la création d’un État juif. Dans ses écrits postérieurs, Nahum Goldmann explique: «Sans Auschwitz, je ne suis pas certain que l’État juif existerait aujourd’hui. Même au Département d’État, des fonctionnaires ont connu le remords de ne pas avoir sauvé quelques dizaines de milliers de juifs et se sont mis à considérer comme positif le projet d’un État juif qui éviterait aux États-Unis de recueillir les rescapés du nazisme.» Nahum Goldmann, qui a œuvré pour la partition de la Palestine, prie en 1948 Ben Gourion de retarder la proclamation de l’État d’Israël. Selon Goldmann, il faut à tout prix trouver auparavant un accord avec les dirigeants arabes. Ses thèses sont partagées entre autres par Moshé Shertok, qui deviendra, sous le nom de Moshé Sharet, le premier ministre israélien des Affaires étrangères. Sharet lui propose le poste d’ambassadeur d’Israël à Paris. Goldmann refuse. «Il aurait accepté, dit-on, s’il avait pu rédiger lui-même les ordres qui lui seraient donnés.» Mais une autre tâche attend Nahum Goldmann. C’est lui qui va négocier avec la république fédérale d’Allemagne, au nom du C.J.M., le montant des réparations que Bonn versera aux victimes juives du nazisme. Il rencontre le chancelier Adenauer en 1951, puis en 1955 le chancelier d’Autriche, Julius Raab. Pendant des années, Nahum Goldmann sera en butte aux attaques violentes de milieux juifs fondamentalement opposés à tout contact avec l’Allemagne, en particulier, en Israël, le parti Herout («Liberté») et son dirigeant, Menahem Begin.
En 1968, Nahum Goldmann, qui préside depuis 1956 l’Organisation sioniste mondiale (il a pris la nationalité israélienne et réside à Jérusalem) doit se démettre de ces fonctions. Ses prises de position, tant en Israël qu’à l’étranger, dérangent. Il quitte même Israël, prend la nationalité helvétique et s’installe à Paris. Ses différends avec les gouvernements d’Israël s’amplifient encore en 1970 lorsque le Premier ministre Golda Meir ne l’autorise pas à rencontrer le président égyptien, Gamal Abdel Nasser. Nahum Goldmann, au cours des dernières années, prend ouvertement parti contre la politique menée par Jérusalem, se déclare en faveur de négociations avec l’Organisation de libération de la Palestine, soutient de ses deniers des périodiques prônant la discussion avec la centrale palestinienne, lance quelques semaines avant sa mort un nouvel appel pour la paix au Proche-Orient et l’arrêt des combats au Liban, appel signé par ses amis Pierre Mendès France et Philip Klutznick. Il meurt le 29 août 1982 à Bad-Reichenhall, en Bavière, et est inhumé sur le mont Herzl, à Jérusalem.
Nahum Goldmann a toujours été en faveur d’une diplomatie discrète, convaincu que les interventions dans la quiétude des chancelleries avaient plus de chances d’aboutir que des manifestations de rue. Certains ont vu dans cette attitude l’expression d’un mépris aristocratique pour les masses réputées versatiles. En ce qui concerne le judaïsme soviétique, Goldmann était persuadé que seule la paix au Proche-Orient apporterait une amélioration de son sort et que les grandes démonstrations publiques n’infléchiraient en rien la politique du Kremlin dans ce domaine.
Le nom de Nahum Goldmann restera attaché en Israël au musée de la Diaspora, installé sur le campus de l’université de Tel-Aviv, qui reconstitue l’histoire des communautés juives du monde entier.
Au lendemain de sa mort, le Jewish Chronicle écrivait: «Les grands hommes font de grandes erreurs; il n’en fut pas exempt et en commit beaucoup. [Mais] nul ne peut contester les services essentiels qu’il a rendus au peuple juif et à Israël, et que peu ont égalés.»
Encyclopédie Universelle. 2012.