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GOLDSCHMIDT (B.)
GOLDSCHMIDT (B.)

Berthold GOLDSCHMIDT 1903-1996

Sans le mouvement d’intérêt qui s’est dessiné, à la fin des années 1980, en faveur de la musique dite «dégénérée» (entartete Musik , œuvres des compositeurs interdits par les nazis), Berthold Goldschmidt serait resté dans l’ombre et n’aurait pas connu la consécration de son vivant.

Ce compositeur et chef d’orchestre britannique d’origine allemande naît à Hambourg, le 18 janvier 1903, dans une famille juive. Il mène de front des études universitaires (à Hambourg et à l’université Friedrich-Wilhelm de Berlin) et musicales (à l’Académie de musique de Berlin, où il travaille la composition avec Franz Schreker, 1924-1926). Ses œuvres de jeunesse suscitent un grand intérêt: la Passacaglia pour orchestre, opus 4, qui lui vaut le prix Mendelssohn en 1925, est créée l’année suivante sous la direction d’Erich Kleiber. Il commence une carrière de chef d’orchestre comme assistant à la Städtische Oper de Berlin (1925-1927), puis comme chef permanent à l’Opéra de Darmstadt (1927-1929). De retour à Berlin, il dirige régulièrement à la radio et à la Städtische Oper. Son premier opéra, Der gewaltige Hahnrei , d’après Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck, est créé avec succès à Mannheim en 1932. Mais lorsque les nazis prennent le pouvoir, il se voit interdit de diriger et ses œuvres cessent d’être représentées. Il survit en donnant des leçons. Lors d’un interrogatoire avec un officier S.S. mélomane, il comprend qu’il doit s’exiler.

Il part pour l’Angleterre en 1935 et parvient à se faufiler dans le monde musical britannique, où il mène une vie de musicien obscur. Il termine un ballet commencé en 1932, avant son exil, sur un argument résolument antifasciste, Chronica . L’œuvre est créée en 1939 à Cambridge par les Ballets Jooss; il la remaniera à plusieurs reprises, une dernière fois en 1985. Son Quatuor no 2 (1936) attend dix-sept ans pour être créé. En 1947, Goldschmidt adopte la nationalité britannique. Il est engagé comme chef d’orchestre au festival de Glyndebourne. Il travaille régulièrement à la B.B.C., pour laquelle il compose des musiques radiophoniques. En 1949, il écrit un second opéra, Beatrice Cenci , d’après Shelley, qui est couronné au concours du Festival of Britain Opera en 1951, sans être néanmoins exécuté. Voient successivement le jour des concertos pour harpe (1949), pour violoncelle (1953), pour clarinette (1953-1954) et pour violon (1955). Mais, dans la vague déferlante du postwebernisme, la musique de Goldschmidt n’éveille aucun intérêt. En 1967, il cesse d’écrire pour se consacrer uniquement à la musicologie et à la direction d’orchestre. Il participe notamment, avec Deryck Cooke, à la réalisation de la Symphonie no 10 de Mahler, restée inachevée, dont il dirige la première audition intégrale à Londres en 1964.

Au début des années 1980, une certaine curiosité commence à se manifester en faveur de sa musique en Autriche et aux États-Unis. Il reprend sa plume, compose un Quintette avec clarinette (1982-1983) et un Trio pour piano, violon et violoncelle (1985) En 1988, à Londres, la création, dans une version concertante, de Beatrice Cenci , est une révélation générale. Les œuvres de Goldschmidt sont jouées, éditées et enregistrées dans le monde entier; l’Allemagne, qui cherche à se faire pardonner, lui fait un triomphe: à l’automne de 1994, la création scénique de Beatrice Cenci a lieu à Magdebourg, tandis qu’à Berlin une exécution de concert ouvre le festival et que Der gewaltige Hahnrei est monté à la Komische Oper dans une mise en scène de Harry Kupfer. L’éditeur viennois Universal Edition retrouve dans ses archives le manuscrit de la Passacaglia, que Goldschmidt croyait perdu à tout jamais. Cette reconnaissance tardive le stimule: il compose ses Quatuors à cordes no 3 (1988-1989) et no 4 (1992), Dialogue with Cordelia pour violon et clarinette (1993), un cycle de mélodies en langue française sur des poèmes de Marot, Eluard et Desnos, Les Petits Adieux (1994), un Rondeau pour violon et orchestre (1995) Il meurt à Londres le 17 octobre 1996, laissant seulement une quarantaine d’œuvres.

Le cheminement esthétique de Goldschmidt se résume en un choix, le refus d’étudier avec Schönberg, à qui il avait préféré Schreker, à Berlin, en 1924. Il voulait préserver sa liberté et avait compris, dès cette époque, dans quelle impasse il risquait de s’aventurer. Son langage est toujours resté profondément expressif, souvent mélancolique, avec une force rythmique qui révèle l’influence de Stravinski tout en conservant à la phrase mélodique son sens de bel canto. On peut déceler des racines germaniques dans le traitement contrapuntique de l’écriture, mais la vitalité et la substance poétique de sa musique la projettent au-delà des écoles nationales; elle joue en toute liberté avec les limites du système tonal sans jamais le renier. Une force de caractère hors du commun a permis à Goldschmidt de résister, sans aigreur, aux nombreux revers qu’il a essuyés au long de sa vie. Lorsqu’il a repris sa plume, après un quart de siècle de silence, il a écrit une musique aussi vivante qu’auparavant, prolongeant en cette fin du XXe siècle le courant expressionniste dont il aurait dû être l’un des principaux représentants. Seule différence, le discours est plus ramassé, plus dense, les œuvres instrumentales conçues en un seul mouvement: le temps courait et le musicien avait tant à dire.

On pourra consulter: Peter Petersen, Berthold Goldschmidt : Komponist und Dirigent , Von Bockel Verlag, Hambourg, 1994.

Encyclopédie Universelle. 2012.