HOGARTH (B.)
Burne HOGARTH 1911-1996
Dessinateur et professeur d’arts graphiques américain. Né à Chicago le 25 décembre 1911, Burne Hogarth est un des rares dessinateurs de bandes dessinées à avoir reçu une formation artistique classique. Dès l’âge de douze ans, il suit les cours de dessin du Chicago Art Institute, puis est étudiant à Columbia University (New York). Ses premiers dessins publiés sont une série d’illustrations intitulée Famous Churches of the World (il a alors quinze ans). Il débute dans la bande dessinée en 1929 avec Ivy Hemmanhaw , une série humoristique sur les pensées d’un vieux sage, puis en 1935 il poursuit Pieces of Eight , une histoire de pirates écrite par Charles Driscoll.
Le tournant de sa carrière a lieu le 9 mai 1937: ce jour-là, il succède à Harold Foster pour dessiner la page de Tarzan qui est publiée dans l’édition du dimanche de nombreux journaux américains, puis est reprise dans d’autres pays. Cette série sur le personnage créé par le romancier Edgar Rice Burroughs en 1912 était une des plus prestigieuses; le Canadien Harold Foster l’avait lancée aux États-Unis en 1929 après une première publication en Grande-Bretagne, en 1928, dans l’hebdomadaire Tit-Bits . Tout en continuant à dessiner Tarzan , Burne Hogarth conçoit après la Seconde Guerre mondiale deux bandes dessinées qui n’auront qu’une vie éphémère: Drago (1945-1946), dont le héros est un gaucho de la pampa argentine, et Miracle Jones (1947-1948), une série humoristique. En 1950, ayant le sentiment d’être exploité par les agences qui placent ses travaux, il abandonne Tarzan à d’autres dessinateurs et se consacre à la School of Visual Arts, une école d’arts graphiques qu’il a fondée à New York en 1947 avec Silas Rhodes.
De 1950 à 1972, Burne Hogarth ne réalise aucune bande dessinée. Il choisit les programmes et rédige tous les cours de son institut, qui devient la plus grande école supérieure privée du monde (à sa mort, elle comptera neuf mille élèves et six cents professeurs). Il écrit aussi des ouvrages théoriques sur le dessin, comme Dynamic Anatomy (Watson-Guptill, 1958). Il revient à la bande dessinée en 1972 et en 1976 avec deux albums de Tarzan , puis donne à nouveau des cours de dessin, principalement à l’Art Center College of Design, à Pasadena, en Californie. Il meurt le 28 janvier 1996, à l’hôpital Cochin, à Paris, des suites d’une crise cardiaque. Il revenait du festival de la bande dessinée d’Angoulême, où il avait été fêté et où il avait annoncé la sortie en 1997 de sa nouvelle série, Morphos , sur un héros non violent.
Burne Hogarth restera comme le principal dessinateur de Tarzan . Son style, d’abord très proche de celui de son prédécesseur Harold Foster, devint progressivement à la fois personnel et inimitable, alliant les études anatomiques des peintres de la Renaissance aux cadrages et aux angles de vue du cinéma. Cette anatomie en mouvement (on le surnomma d’ailleurs «le Michel-Ange de la bande dessinée») s’appliquait aussi bien à Tarzan, demi-dieu bondissant, qu’aux animaux de la jungle, à la sauvagerie expressive. L’organisation générale de la planche ne faisait qu’accentuer le contenu de chaque vignette: même les cases, par leur forme et leur place dans l’ensemble de la page, contribuaient au mouvement. Hogarth recherchait l’adéquation de la forme et du fond, et ne voulant pas que des bulles puissent faire obstacle au dynamisme du dessin, il avait relégué les textes en bordure des vignettes.
En France, le Tarzan de Burne Hogarth fut d’abord publié dans le journal Junior (1937) et, à partir de 1938, chez Hachette, dans une collection d’albums qui présentait un texte sous l’image, des récits tronqués et des dessins retouchés: la sensualité qui se dégageait de l’œuvre de Hogarth et le refus de la civilisation que Tarzan symbolisait effrayaient en effet les éducateurs. À la Libération, les bandes dessinées américaines en général, et Tarzan en particulier, furent l’objet d’une campagne de dénigrement menée principalement par des milieux intellectuels proches du Parti communiste et par des associations familiales catholiques. Armand Lanoux était l’un des plus mesurés quand il écrivait dans le bulletin L’Éducation nationale (27 avr. 1950): «Il est nécessaire que l’homme contrôle au moins les mythes qu’il représente aux enfants. Nous avons de bonnes raisons de tenir pour suspect Tarzan, l’homme-singe.» Harcelé par la censure, le journal Tarzan dut se saborder en 1953.
Ces attaques semblent aujourd’hui d’un autre âge, mais Armand Lanoux avait bien vu que Tarzan est un des grands mythes du XXe siècle (et il serait injuste de ne pas mentionner le rôle joué à cet égard par le cinéma, notamment par les films avec Johnny Weissmuller). Sur cette dimension mythique du personnage, Burne Hogarth s’était livré à Angoulême à un ultime commentaire: «Tarzan est un héros des temps modernes, un personnage à part entière, honnête, courageux, véritable ami de la nature, défenseur des faibles, pacifiste, écologiste, tout le contraire de ce que véhicule malheureusement la société où nous vivons. Notre monde technologique, ce monde de consommation et de distractions passives, nous vide de toute énergie. La vraie vie créatrice est oubliée, et nous nous retrouvons dans un Disneyland que nous finissons par prendre pour la réalité.»
Encyclopédie Universelle. 2012.