LYCOPHYTES
On désigne sous le nom de Lycophytes un vaste ensemble (embranchement) de plantes vasculaires appartenant au super-embranchement des Ptéridophytes ou Cryptogames vasculaires. Elles se caractérisent par leurs feuilles petites (microphylles), dont certaines portent sur leur face ventrale (ou adaxiale) un seul sporange, ce qui les différencie des Psilophytes voisines.
Ces plantes sont abondamment représentées dès la base du Dévonien inférieur, notamment en Libye, par de nombreux genres surtout herbacés, mais parfois plus développés (Baragwanathia , Drepanophycus , Sugambrophyton , Protolepidodendron , Diplolepidodendron , Lepidodendropsis , Abacodendron , Tomiodendron , Precyclostigma , Protopinakodendron , Prelepidodendron , Lepidosigillaria , Heleniella , Archaeosigillaria ). Cette riche flore laisse supposer une origine de l’embranchement dans les couches encore plus anciennes du Silurien. Elle a connu un épanouissement considérable plus tard, à la fin du Dévonien et surtout pendant le Carbonifère, époque à laquelle dominent les formes arborescentes (Lepidodendron , Sigillaria , Bothrodendron ). Le développement particulièrement exubérant de ces genres très variés, groupés en plusieurs ordres, explique en partie les puissants dépôts de houille de cette époque. Ils ont parfois acquis une structure relativement évoluée par rapport aux formes actuelles, ce qui permet de retracer l’évolution de cet embranchement et d’envisager certaines filiations.
Il ne subsiste dans la flore actuelle que quelques genres herbacés (Lycopodium , Phylloglossum , Selaginella , Isoetes , Stylites ) où se retrouve – comme chez toutes les Ptéridophytes – une alternance de génération dans laquelle le gamétophyte (phase haploïde) présente un développement important.
1. Étude biologique des genres actuels
Genre Lycopodium
Le genre Lycopodium comprend près de deux cents espèces largement réparties dans les deux hémisphères, des terres arctiques aux régions tropicales, mais plus spécialement dans les régions chaudes. On les trouve surtout sur les sols riches en matière organique.
Chez Lycopodium clavatum , par exemple, le sporophyte consiste en un rhizome, tige rampante feuillée, long de près d’un mètre, parfois souterrain et alors dépourvu de feuilles et de chlorophylle; il porte aussi des racines adventives, pourvues d’une coiffe rappelant celle des plantes supérieures. Sur ce rhizome apparaissent des tiges dressées, couvertes de petites feuilles vertes serrées, disposées en ordre spiralé, longues de trois ou quatre millimètres; elles se ramifient comme le rhizome par dichotomies successives.
Anatomiquement, racine et tige sont caractérisées par la même structure libéroligneuse (fig. 1 a). Le xylème ne comporte que des trachéides et il apparaît en disposition centripète (ou exarche), alterne.
Les tiges dressées se prolongent par un pédoncule porteur d’un épi terminal. Cet épi est constitué de feuilles fertiles ou sporophylles; à leur aisselle, des sporanges se différencient à partir d’un groupe de cellules épidermiques (mode de développement eusporangié). Le sporange contient des cellules mères diploïdes qui, à la suite d’une méiose, donneront naissance à des isospores haploïdes. La germination de la spore entraîne le développement d’un gamétophyte non vascularisé: c’est un organe massif, souterrain, non chlorophyllien, qui persiste six à huit années, grâce à la présence de champignons endophytes, avant d’acquérir sa fertilité. Sur ce tissu haploïde, les gamétanges se différencient: anthéridies qui donneront naissance à de nombreux gamètes mâles biciliés ou anthérozoïdes; archégones contenant chacun un gamète femelle ou oosphère. La fécondation de l’oosphère engendrera une cellule diploïde qui, par suite de nouvelles divisions cellulaires équationnelles, édifiera un embryon, c’est-à-dire un jeune sporophyte.
Dans les autres espèces, le sporophyte est dressé (L. selago ), parfois épiphyte, couvert de feuilles plus ou moins développées. Le gamétophyte est souvent foliacé, à demi enfoncé dans le sol; la face supérieure chlorophyllienne porte les gamétanges (fig. 1 b); les champignons endophytes se localisent dans la partie souterraine, à la périphérie.
Genre Selaginella
Le genre Selaginella comprend six cents espèces, surtout tropicales. La tige des Sélaginelles est peu épaisse, rampante, quelquefois redressée, chlorophyllienne, fixée au sol par des racines. Elle s’accroît à la suite du fonctionnement d’une cellule initiale unique.
Comparé au Lycopodium , le genre Selaginella montre un stade beaucoup plus évolué tant dans l’appareil conducteur que dans l’appareil reproducteur.
L’appareil conducteur est composé d’un xylème centripète, mais, contrairement au Lycopodium , ce xylème contient de vrais vaisseaux qui lui donnent le caractère hétéroxylé; les perforations des vaisseaux sont simples. Il s’agit d’une des rares espèces de Ptéridophytes hétéroxylées.
La tige de Selaginella se prolonge par un épi terminal constitué par des sporophylles; il est dit hétérosporé: les sporophylles inférieures, ou macrosporophylles, portent des macrosporanges qui donneront des macrospores (femelles), alors que les sporophylles supérieures, ou microsporophylles, portent des microsporanges qui donneront des microspores (mâles). Les spores évoluent en prothalles incolores qui restent inclus dans l’enveloppe sporale et qui seront respectivement femelle ou mâle; le prothalle mâle, petit, porte une seule anthéridie; le prothalle femelle, plus volumineux, fait éclater la paroi sporale, mettant à nu la partie où apparaissent les archégones (fig. 2). Les sporanges sont situés à l’aisselle de la bractée, au-dessus d’une ligule, organe qui manque chez le Lycopodium et qui, en se référant aux Lycophytes vivantes, semblerait exister corrélativement avec l’hétérosporie.
Contrairement aux autres genres de Ptéridophytes (à l’exception peut-être des Isoetes ), le nombre chromosomique des Sélaginelles est très bas (n = 9).
Genre Isoetes
Le genre Isoetes comporte actuellement environ soixante espèces, réparties surtout dans l’hémisphère Nord. Les Isoetes sont essentiellement lacustres, et entièrement immergées dans l’eau. Toutefois, certaines espèces sont xérophytes et terrestres.
Chez Isoetes lacustris , la tige souterraine, haute de deux centimètres et relativement large, constitue une sorte de bulbe; sur le «plateau» supérieur sont fixées des feuilles en rosette et, au-dessous, les racines (fig. 3 a).
La tige est un organe sans élongation; des trachéides courtes et réticulées ne constituent pas un véritable xylème, mais plutôt un tissu de transfusion. Le phloème est également atypique; il est remplacé par un tissu prismatique aussi bien dans la tige que dans les traces foliaires.
Les feuilles naissent de part et d’autre de l’apex en position distique. Ce sont des sporophylles, au moins à l’état potentiel, les sporanges ayant avorté dans le cas des feuilles stériles; elles n’ont pas d’initiale apicale; leur croissance est intercalaire, comme chez les Monocotylédones. À la base, chaque feuille est renflée et auprès du sporange se trouve une ligule, sorte de petite masse molle et verte qui fonctionne comme un organe d’absorption, capable d’une succion rapide des gouttes d’eau; elle est accompagnée d’un vélum (fig. 3 b). On distingue des microsporophylles et des mégasporophylles. Chaque microspore germe en un gamétophyte mâle, très peu développé, qui donne naissance à quatre anthérozoïdes. Ces gamètes mâles sont constitués par une seule cellule réduite à un noyau volumineux et spiralé, pourvue de nombreux flagelles moteurs (fig. 3 c). Le gamétophyte femelle se développe dans la mégaspore qui conserve ses parois: périspore et exospore. Dans ce prothalle haploïde, l’archégone se différencie et son oosphère fécondée se transforme en un embryon diploïde qui donnera un nouveau sporophyte.
Genre Stylites
Le genre Stylites , limité aux Andes péruviennes, comprend deux espèces très voisines des Isoetes . La tige est conique, la pointe dirigée vers le bas; le plateau évasé porte des feuilles. Les racines sont latérales; la croissance par dichotomie est basifuge.
Comme chez les Isoetes , les sporanges se trouvent à la base des sporophylles et sont hétérosporés. Les microspores sont ovales (10 à 20 猪m), monolètes, c’est-à-dire avec une seule cicatrice linéaire. Les mégaspores (500 猪m) sont trilètes, c’est-à-dire avec une cicatrice de tétrade triradiée.
2. Caractères évolutifs des formes fossiles
Parmi les formes fossiles, on reconnaît actuellement sept ordres: Drépanophycales (Drepanophycus , Baragwanathia ), Protolépidodendrales (Protolépidodendracées, Sublépidodendracées, Éleuthérophyllacées, Leptophlœacées, Archaeosigillariacées), Lépidodendrales (Cyclostigmacées, Pinakodendracées, Lycopodiopsidacées, Bothrodendracées, Lépidodendracées, Lépidocarpacées, Sigillariacées, Pleuroméiacées), Isoétales (Isoétacées), Lycopodiales (Lycopodiacées), Sélaginellales (Sélaginellacées), Miadesmiales (Miadesmiacées). Certains genres fossiles, incomplètement connus, restent des «genres de formes».
La présence ou l’absence d’une ligule chez les Lycophytes vivantes a permis de distinguer deux ensembles: les Lycophytes aligulées et corrélativement homosporées, représentées par les trois premiers ordres, et les Lycophytes ligulées hétérosporées. La coexistence, chez certaines formes fossiles, de l’homosporie et de la ligulie atténue cette démarcation. Toutefois, il est indéniable que d’autres caractères évolutifs la corroborent: les formes ligulées ont un appareil végétatif beaucoup plus diversifié; leur anatomie varie de la protostèle à l’eustèle; elles ont tendance à former des ovules (Miadesmia , Lepidocarpon ). Mais, comme souvent, les différentes voies de l’évolution ne se trouvent pas au même stade dans une même plante: l’anatomie de Miadesmia est primitive (protostèle) alors que l’appareil reproducteur, hétérosporé, est très différencié; la sporophylle entoure presque complètement le mégasporange, ne laissant qu’une ouverture homologue d’un micropyle. En revanche, l’anatomie évoluée des Sigillaria (eustèle), proche de celle des Phanérogames, s’oppose à l’appareil reproducteur, primitif bien que déjà hétérosporé.
On peut admettre que la structure de la tige du Lycopodium dérive de la structure excentrique d’une Psilophyte, l’Asteroxylon mackiei , issue elle-même de la structure centrique des Rhynia . La racine, qui manque chez les Psilophytes, et apparaît avec l’embranchement des Lycophytes, a acquis, comme la tige, une structure centripète qui se retrouve chez les végétaux supérieurs, alors que la tige évoluera toujours davantage; en particulier, la différenciation ligneuse de centripète devient centrifuge.
Évolution des Lépidodendrales
L’étude des Lépidodendrales, qui comportent de nombreux genres arborescents très voisins, permet de connaître, dans la mesure du possible, la morphologie, l’anatomie et la biologie de ces plantes. La comparaison des différents ordres permettra d’esquisser une lignée évolutive, un phylum, celui encore problématique des Isoetes .
Le genre Lepidodendron est connu dans toutes ses parties. Chaque organe trouvé isolément porte un nom particulier, étant donné l’incertitude des connexions qui peuvent les unir les uns aux autres; les arbres adultes devaient atteindre au moins 30 m de hauteur et un diamètre de plus de 0,60 m à la base du tronc.
Le terme Lepidodendron fut attribué d’abord à des empreintes du tronc, plusieurs fois dichotome dans sa partie haute et couvert par la partie basale des feuilles ou coussinets; des feuilles aciculaires, placées en spirales, couvrent les rameaux jeunes et laissent sur les troncs, au centre des coussinets, des cicatrices foliaires. Trouvées isolément, les feuilles prennent le nom de Lepidophylloïdes et les cônes, pendant à l’extrémité des rameaux, celui de Lepidostrobus . La partie inférieure du tronc est également divisée par dichotomie et porte de nombreux points d’insertion de racines: c’est un rhizophore. Isolés du tronc, ces rhizophores, souvent trouvés en place dans les paléosols du Carbonifère, constituent les «murs» des dépôts houillers et prennent le nom de Stigmaria .
Les coussinets foliaires présentent une morphologie intéressante qui fournit des indications sur l’écologie de ces plantes. Chez le Lepidodendron aculeatum (fig. 4), le coussinet, qui se présente avec deux extrémités effilées, les cauda , est parcouru de crêtes qui encadrent la ligule, placée à la partie supérieure, et la cicatrice foliaire; celle-ci montre en son centre la trace de la nervure, la cicatricule foliaire et, de part et d’autre, deux autres cicatricules, correspondant à des canaux aérifères intrafoliaires. Sous la cicatrice foliaire existent encore deux semblables canaux. Les canaux aérifères ou parichnos cheminent le long des faisceaux foliaires et assurent l’aération des tissus profonds; on les retrouve, en dehors des Lépidodendrales, chez quelques végétaux actuels: Isoetes , Lycopodium , Picea , Pinus , où ils semblent liés à l’absence de stomates sur la tige et à la vie dans des milieux mal aérés ou marécageux.
Certains Lepidodendron présentent une structure anatomique évoluée, mais toujours homoxylée, constituée de xylème centripète différencié autour d’une moelle et de xylème secondaire centrifuge formant un anneau lignifié plus externe.
Les Lepidostrobus du Carbonifère étaient soit homosporés, soit hétérosporés, mais toujours ligulés (fig. 5). On a pu observer dans un mégasporange les cellules d’un gamétophyte femelle montrant ses archégones. Dans certains mégasporanges appelés Lepidocarpon , le développement d’une seule mégaspore, la présence d’un gamétophyte femelle, la persistance des téguments du sporange laissant subsister une fente micropylaire préfigurent un ovule que l’on rencontrera dans les Spermaphytes.
Avec le Lepidodendron , on est donc en présence d’une espèce relativement complexe, particulièrement évoluée qui a subi le stimulus climatique tropical ou subtropical de l’époque carbonifère.
Les Sigillaria ont un port et une morphologie peu différents de ceux des Lepidodendron : tronc dressé atteignant 30 m de haut et 1 m de diamètre à la base; rhizophore; feuilles atteignant parfois 0,5 m de long pour une largeur, à la base, de 1 cm; cicatrice foliaire hexagonale comportant trois cicatricules. Toutefois, les feuilles sont disposées en verticilles, placés soit les uns au-dessus des autres, formant des files longitudinales séparées par des côtes bien marquées (Sigillaires cannelées), soit en quinconce (S. brardi ); les parichnos infrafoliaires sont absents.
Les cônes appelés Sigillariostrobus – s’il s’agit de compression – ou Mazocarpon – si les structures sont conservées – sont pédonculés et probablement pendants à la base des couronnes foliaires.
D’autres Lépidodendrales, comme Lepidosigillaria whitei , Lycophyte du Dévonien supérieur de l’État de New York, ont une morphologie plus diversifiée: un même tronc, conservé sur 3,30 m de long, présente à la base celle des Sigillaria et dans les parties supérieures celle des Lepidodendron . Le genre Lepidosigillaria semble être un genre primitif dont les caractères se sont disjoints au Carbonifère en deux genres distincts: Lepidodendron et Sigillaria .
Les Bothrodendron (Bothrodendracées), rares dans le Carbonifère inférieur et qui abondent dans le Carbonifère supérieur, ont une ligule, des cicatrices foliaires, mais pas de coussinets. Il s’agit sans doute d’espèces ayant perdu leurs coussinets.
Les Lepidodendropsis , qui font partie de la flore caractéristique du Carbonifère inférieur, n’ont pas de ligule, pas de parichnos, pas de cicatrice foliaire, les feuilles ayant persisté longtemps, ce qui atteste un environnement différent de celui des espèces à feuilles caduques.
Essai phylogénétique
Les genres les plus archaïques seraient les Drepanophycus et les Baragwanathia qui présentent encore des caractères de Psilophytes.
La feuille simple des Lycophytes est apparue lors du Dévonien supérieur et la disposition verticillée des feuilles, abondante dans le Dévonien, est remplacée par une disposition hélicoïdale dès le Namurien.
On peut suivre, en partant des Lépidodendrales arborescentes du Carbonifère jusqu’aux Isoetes herbacées de la flore actuelle, une série de formes montrant une transformation progressive du Stigmaria , organe puissant, aux divisions longues et dichotomes, pour aboutir à une forme très ramassée, le rhizophore typique des Isoetes (fig. 3 a).
Cette série, fondée sur la morphologie, s’échelonne sensiblement dans le même ordre dans le temps géologique: Lepidodendrales , Pleuromeiopsis , Pleuromeia (Trias inférieur), Nathorstianella , Nathorstiana (Crétacé inférieur), Stylites , Isoetites , Isoetes (fig. 6).
Des formes fossiles connues depuis le Dévonien supérieur, décrites sous le nom de Lycopodites et apparentées au Lycopodium , ou des formes du Namurien, nommées Selaginellites et rapprochées des Selaginella , ne semblent guère permettre d’esquisser de filiation car ce sont des genres depuis longtemps stabilisés, sans traces visibles d’évolution, au point de vue morphologique au moins.
Encyclopédie Universelle. 2012.