MARIE-ANTOINETTE
MARIE-ANTOINETTE (1755-1793) reine de France
Fille de Marie-Thérèse d’Autriche et de François de Lorraine, celle que les siens nommaient Antonia est destinée tout enfant à sceller la réconciliation de la monarchie française avec celle des Habsbourg. Elle n’a pas encore quinze ans lorsque, au printemps de 1770, elle épouse le dauphin Louis, petit-fils de Louis XV. Les fêtes données à cette occasion sont magnifiques, «impayables» selon le mot du contrôleur général Terray; à Paris, le feu d’artifice est l’occasion d’une bousculade monstre qui fait cent trente-deux morts; c’est le premier contact entre la future reine et sa capitale. La petite archiduchesse est aussitôt la coqueluche de la cour; elle est «délicieuse» selon ses contemporains, toute menue, blonde, blanche et rose avec déjà cette grâce et ce port de tête qui faisait dire à son page que, comme on offrait une chaise aux autres femmes, on avait envie de lui avancer un trône. Mais c’est une tête légère qui se laisse vite entraîner dans les coteries et les intrigues et d’autant plus facilement que son nouvel époux ne semble guère s’intéresser à elle. Elle doit attendre huit ans, dans l’inquiétude d’être reconnue stérile, la naissance de sa fille, la petite «Madame Royale». En attendant, elle s’étourdit: fêtes et bals, tables de jeu où elle perd des sommes énormes, escapades avec ses compagnons favoris qui font d’autant plus jaser que l’on connaît ses problèmes conjugaux. Mercy d’Argenteau, ambassadeur de Vienne, fait régulièrement des rapports à Marie-Thérèse qui à son tour écrit à sa fille pour lui prodiguer ses conseils: moins de folles dépenses, plus de considération pour le roi, pour les duchesses à tabouret, pour l’étiquette pesante mais inséparable du trône. En 1775, Marie-Thérèse écrit à Mercy: «Ma fille court à grands pas vers sa ruine.»
Marie-Antoinette est devenue reine l’année précédente; Louis et elle n’ont pas trente-huit ans à eux deux et la balourdise, l’apathie du jeune roi font penser à beaucoup que c’est elle qui va gouverner. Elle se mêle en effet de politique: pour faire avoir des places à ceux de sa coterie, pour faire chasser ceux qui lui ont déplu. Marie-Thérèse ne pourra plus bientôt prodiguer ses conseils; elle meurt en 1780. En 1784, Marie-Antoinette soutient les intérêts de son frère Joseph II dans sa querelle avec les Pays-Bas à propos d’Anvers; Vergennes, appuyé par Louis XVI, refuse de prendre le parti de l’Autriche; les manœuvres de la reine ayant abouti à un accord désavantageux pour la France, le peuple lui donne son surnom: l’Autrichienne. En 1785 éclate l’affaire du Collier, préface de la Révolution selon Goethe. Dans cette affaire, la reine est victime à la fois d’une audacieuse escroquerie montée par une aventurière qui se fait appeler La Motte-Valois, de la sottise d’un grand seigneur, le cardinal de Rohan, et des rancunes de tous ceux qu’elle a méprisés, égratignés de son esprit; mais, surtout, elle est prise au piège de sa légèreté, de ses imprudences qui ont donné prise à toutes les calomnies. Pénétrée de son innocence, elle exige l’arrestation de Rohan et un procès public devant le Parlement qui condamne la fausse comtesse de La Motte, mais innocente le cardinal et éclabousse le trône d’un scandale aux dimensions européennes. Malgré les quatre enfants qu’elle a donnés à la France, la reine est maintenant détestée. La misère engendrée par les mauvaises récoltes successives, c’est elle; la faillite du Trésor, révélée en 1787, c’est elle. Elle pleure et se réfugie dans son amour pour Axel de Fersen, le bel officier suédois qui lui a été présenté en 1774, amour partagé et révélé par la correspondance échangée entre les amants et qui ne cessera qu’à la mort de la reine. Dès le début de la Révolution, elle refuse tout compromis avec les députés de l’Assemblée, cet «amas de fous». Ses lettres à Fersen, à Joseph II montrent que, jusqu’à la chute du trône, elle demeure murée dans un orgueil intransigeant, qu’elle ne comprend pas l’idée, si nouvelle d’ailleurs, de nation. Elle repousse successivement l’appui de La Fayette, de Mirabeau, de Barnave qui est tombé amoureux d’elle lors du retour de Varennes et avec lequel elle entretient quelque temps une correspondance secrète; ce n’est qu’une feinte de sa part pour temporiser, attendre le secours de son frère. En 1792 encore, elle refuse le secours de Dumouriez. Elle pousse à la guerre, persuadée que c’est de là que viendra le salut, la délivrance. Depuis les terribles journées d’octobre 1789, elle est quasi captive de la nation avec sa famille; les épreuves ont fait d’elle une mère admirable, une épouse exemplaire qui, à défaut d’amour, a de l’estime et de l’affection pour l’homme maladroit mais bon que le sort lui a donné. Elle fait face avec courage et dignité aux grandes journées révolutionnaires, c’est sur elle que se cristallisent les haines populaires; elle n’est plus que l’infâme, la bête féroce dont il faut arracher le cœur. Le 13 août 1792, elle se retrouve enfermée avec les siens dans le vieux donjon du Temple. Tous ses amis lui sont arrachés, emprisonnés, exécutés, massacrés: les restes sanglants de la princesse de Lamballe sont présentés sous ses fenêtres. Après l’exécution de Louis XVI, en juin 1793, on lui arrache son fils âgé de huit ans qu’elle entend bientôt jurer avec ses geôliers dans la cour de la prison.
En octobre c’est la dernière étape: la Conciergerie, le procès. Mêlant dans son réquisitoire les arguments les plus fondés sur les dépenses de la reine et son action politique avec des récits fantaisistes sur les «orgies» de la cour, Fouquier-Tinville y joint, à l’instigation d’Hébert, d’infâmes accusations sur des pratiques sexuelles auxquelles elle aurait initié son fils. Elle répond à tout avec une grande dignité. Marie-Antoinette ne sait pas que sa mort est déjà décidée et garde jusqu’au bout l’espoir, un espoir entretenu par les nombreux dévouements qu’elle inspire jusqu’à la fin. Ses deux avocats Chauveau-Lagarde et Tronson du Coudray épuisent en vain leur éloquence et sont arrêtés en pleine audience. Condamnée à quatre heures du matin, elle est conduite à l’échafaud quelques heures plus tard. Âgée de trente-huit ans, elle en paraissait alors soixante: depuis le retour de Varennes, ses cheveux étaient devenus blancs.
Encyclopédie Universelle. 2012.