NARBONNE
NARBONNE
Située dans une région où l’homme a laissé de nombreuses traces depuis la préhistoire, Narbonne bénéficie de conditions géographiques privilégiées: c’est en effet un carrefour de routes terrestres où, sur le grand axe reliant l’Italie et l’Europe centrale à l’Espagne, se greffe l’importante voie d’Aquitaine qui unit, par les vallées de l’Aude et de la Garonne, la Méditerranée à l’Océan. De plus, la ville avait jadis une vocation maritime, et les étangs côtiers en communication avec la haute mer et avec l’embouchure de l’Aude lui valurent un rôle commercial qui fut longtemps à la base de sa prospérité. Avant la conquête romaine, cette région, qui appartient par sa langue et son écriture au monde ibérique, fut occupée par une peuplade guerrière, les Élisyques, dont la capitale était Naro; après l’invasion celte, elle fit partie de la confédération volque. Il est tentant de localiser cette Naro sur le site de Montlaurès, à quatre kilomètres au nord-ouest de la ville, où l’on a reconnu un oppidum indigène, qui fut fondé dès le \NARBONNE VIe siècle au moins et qui eut d’étroits rapports commerciaux avec l’Étrurie et la Grèce. Cet oppidum paraît avoir cessé d’exister au \NARBONNE Ier siècle et l’événement doit être mis en liaison avec la fondation de la colonie romaine, Narbo Martius: les habitants furent alors, semble-t-il, transférés dans la ville nouvelle, dont le conquérant, Cneius Domitius Anenobarbus, choisit l’emplacement et dont il fit la capitale de la Provincia (\NARBONNE 118). Renforcée par un nouveau contingent de colons envoyé par César en \NARBONNE 46-45, la ville fut non seulement le centre administratif, mais aussi la principale métropole commerciale du midi de la Gaule. Sous Auguste, la province prit le nom de Narbonnaise. Elle était gouvernée par un proconsul siégeant à Narbonne et assisté de plusieurs fonctionnaires nommés comme lui par Rome. À Narbonne aussi se réunissait le conseil de la Province et la ville avait des institutions calquées sur celles de Rome. De cette grandeur, il ne reste aucun monument conservé, à l’exception de vastes greniers souterrains, et il faut, pour l’évoquer, avoir recours aux textes anciens. La population est cosmopolite; les ports narbonnais sont très fréquentés; ses commerçants parcourent la Méditerranée. Les invasions et les troubles de la fin de l’Antiquité abolirent cette prospérité: la cité du Bas-Empire s’enferma derrière un rempart qui en réduisit la surface. À la fin du IIIe siècle, sous Dioclétien, la province fut coupée en deux et seule la partie occidentale (Narbonnaise Première) demeura sous l’autorité de l’ancienne capitale. Le commerce déclina sans disparaître. Les Wisigoths envahirent deux fois Narbonne, en 413 (et leur souverain Athaulf y épousa Galla Placidia) et en 462; les Francs l’occupèrent temporairement; redevenue wisigothe, Narbonne fit partie de la Septimanie (Languedoc méditerranéen et Roussillon); puis les Arabes s’en emparèrent, sans doute en 719. La domination arabe sur Narbonne dura jusqu’en 759, année où la ville fut livrée à Pépin le Bref qui rattacha la Septimanie au royaume franc, mais elle n’y a laissé que peu de trace.
Une ère nouvelle s’était ouverte avec les débuts du christianisme: au IIIe siècle, saint Paul-Serge fonda à Narbonne la première communauté chrétienne et, près de l’église qui porte son nom, on a découvert des vestiges du temps de l’évangélisation et des siècles suivants. Au Ve siècle, l’évêque Rusticus fit bâtir une basilique. Les évêchés catalans reconquis sur les Arabes dépendirent de la métropole de Narbonne, dont l’église fut alors très riche; en face d’elle se dresse le pouvoir temporel détenu par le vicomte, et pendant longtemps l’histoire de Narbonne se résume pour l’essentiel aux conflits qui opposèrent archevêques et vicomtes. Narbonne n’est plus alors que le reflet de ce qu’elle fut: gêné par les incursions des Sarrasins et des Normands, le commerce maritime subit un arrêt presque total; la vie est assez misérable, et seule la colonie juive, qui existait depuis l’Antiquité, resta prospère. Un renouveau se dessine à partir du XIe siècle: le commerce retrouva une partie de son activité; la population s’accrut et, hors les murs, un «bourg» s’étendit au-delà de l’Aude. Au XIIe siècle, l’administration fut confiée à deux consuls élus et à la même époque les hérésies cathare et vaudoise ne s’implantèrent pas durablement: Narbonne échappa ainsi aux rigueurs de la croisade contre les Albigeois. La ville continua à s’agrandir et en 1272 l’architecte Jean des Champs y commença la construction d’une cathédrale gothique qui ne fut jamais achevée. À partir du début du XIVe siècle, la disette, la peste et les guerres ravagèrent le Languedoc et, si la guerre de Cent Ans s’y déroula peu, du moins le Prince Noir brûla-t-il le bourg en 1355. À ces fléaux s’ajouta pour Narbonne le changement du cours de l’Aude qui, au XIVe siècle, cessa de traverser la ville. La décadence du commerce fut alors irrémédiable. Narbonne fut relativement peu touchée par les querelles entre catholiques et protestants et le culte réformé n’y connut jamais une grande faveur. Au XVIIe siècle, l’assèchement des marais livra à l’agriculture de nouvelles terres dans la basse vallée de l’Aude, mais la vigne s’y développa aux dépens des céréales. À la veille de la Révolution, le canal du Midi fut relié à la Robine de Narbonne, sans que le commerce en fût ranimé pour autant. Aux XIXe et XXe siècles, le problème du vin domine tout: la monoculture de la vigne envahit la région; d’abord cause d’enrichissement, elle amena bientôt surproduction et mévente: lors de la crise de 1907, le mouvement viticole animé par Marcellin Albert reçut l’appui du maire socialiste Ferroul. Malgré son échec, il aboutit à la création de la Confédération générale des vignerons du Midi dont l’influence fut grande sous la IIIe République. Aujourd’hui, Narbonne (47 000 hab. en 1990), qui, depuis la Révolution, a perdu son évêché, transféré à Carcassonne, et qui est devenue une simple sous-préfecture, est un important centre vinicole. L’industrie est représentée par le raffinage de l’uranium, le matériel ferroviaire, le matériel viti-vinicole. Mais l’arrondissement de Narbonne est surtout tertiaire (69 p. 100 des actifs). Important nœud ferroviaire depuis le XIXe siècle, Narbonne commande toujours le carrefour routier et autoroutier que la nature y a placé, et l’aménagement du rivage languedocien (Narbonne-Plage, Port-la-Nouvelle, Port-Leucate...) favorise un tourisme de masse dont elle tire largement parti.
Narbonne
v. de France, ch.-l. d'arr. de l'Aude; 47 086 hab. Marché de vins. Industries. Stat. baln.
— Palais des Archevêques (XIIe-XIVe s.). Cath. St-Just (fin du XIIIe s., inachevée). Basilique goth. (XIIe-XIIIe s.).
— Importante cité romaine (Narbo Martius) fondée en 118-117 av. J.-C.; port maritime actif jusqu' au XIVe s. (comblé ensuite).
Encyclopédie Universelle. 2012.