PHOTON
Le photon est la particule qui décrit les excitations élémentaires du champ électromagnétique quantifié. En théorie quantique, le champ présente, en effet, un double caractère: ondulatoire et corpusculaire. L’aspect ondulatoire se manifeste par la possibilité d’observer des interférences avec des ondes électromagnétiques. L’aspect corpusculaire est révélé par le fait que l’énergie et l’impulsion d’un mode du champ électromagnétique varient de manière discontinue. On appelle mode une composante du champ, de fréquence 益 et de vecteur d’onde や bien définis. L’énergie dans le mode étant égale à nh 益, où n est un nombre entier et h la constante de Planck, tout se passe comme si le mode contenait n particules, appelées photons, ayant chacune l’énergie h 益. Les échanges d’énergie entre la matière et le champ électromagnétique consistent en des absorptions, des émissions ou des diffusions de photons d’un mode à un autre. C’est d’ailleurs en analysant les propriétés de l’effet photoélectrique qu’Einstein a introduit la notion de photon en 1905. Il faut noter que le nombre de photons n’est généralement pas conservé dans ces processus d’interaction.
Le champ électromagnétique quantifié
La notion de photon résulte de la quantification du rayonnement. En théorie quantique, l’état du champ électromagnétique peut être décrit par la donnée de plusieurs nombres entiers positifs ou nuls n 1, n 2, ..., nj , ... caractérisant l’excitation des divers modes du champ électromagnétique. Par rapport à son état d’énergie minimale (appelé le vide) correspondant à tous les nj nuls, cet état du champ a une énergie (n 1h 益1 + n 2h 益2 + ... + nih 益i + ...) et une impulsion (n 1 寮 や1 + ... + ni 寮 やi + ...) où 寮 = h /2 神. Le vecteur d’onde やj et la fréquences 益j , relatifs à un mode du champ électromagnétique, sont reliés entre eux par l’égalité 益j = c | やj |/2 神 où c est la vitesse de la lumière. Il est donc possible de considérer qu’un tel état du champ décrit un ensemble de n 1 particules, ou photons, d’énergie h 益1 et d’impulsion 寮 や1, ..., ni photons, d’énergie h 益i et d’impulsion 寮 やi , etc.
La donnée du nombre de photons ni dans chaque mode définit un état du rayonnement. L’état le plus général est construit en superposant linéairement des états à nombres de photons différents. Pour rendre compte de la propagation d’un paquet d’ondes, il faut par exemple utiliser des superpositions linéaires d’états contenant des photons dans des modes différents. Ainsi, le champ émis lors de la désexcitation radiative d’un atome ne comporte-t-il qu’un seul photon réparti sur plusieurs modes du champ.
L’interaction photon-particule
En théorie quantique, l’interaction de la matière avec le champ électromagnétique est décrite en termes d’absorptions, d’émissions ou de diffusions de photons. Ainsi l’effet photoélectrique, qui correspond à l’ionisation d’un atome sous l’action d’un champ électromagnétique de fréquence 益, est-il le résultat de l’absorption d’un photon d’énergie h 益 par l’atome qui est porté de son niveau fondamental a à un niveau situé au-dessus du seuil d’ionisation (fig. 1). Le photon disparaît au cours d’un tel processus. Si l’énergie d’ionisation de l’atome est EI, la conservation de l’énergie totale implique que l’électron émis ait une énergie cinétique égale à (h 益 漣 EI). C’est la relation établie par Einstein pour l’effet photoélectrique.
De manière générale, dans un processus d’interaction entre matière et rayonnement, l’énergie et l’impulsion du système global «particules matérielles + photons» sont conservées. Ainsi, il est possible de calculer la fréquence d’un photon émis par un atome à partir d’un niveau excité b vers un niveau inférieur a en utilisant ces équations de conservation. Pour un atome initialement au repos, l’énergie du photon h 益 coïncide avec celle de la transition (Eb 漣 Ea ), à un terme correctif près égal à 寮 2k 2/2M (où M est la masse de l’atome) et correspondant au recul de l’atome lors de l’émission du photon. Ces équations de conservation jouent également un rôle important dans la description des processus de diffusion. Par exemple, elles permettent de comprendre le changement de fréquence d’un photon lors de sa diffusion sur un électron (effet Compton).
Le moment cinétique global est aussi conservé au cours des interactions matière-rayonnement. Le photon apparaît comme une particule ayant un moment cinétique intrinsèque (ou spin) égal à 1, cette propriété étant liée au caractère vectoriel du champ électromagnétique. La conservation du moment cinétique global peut être utilisée pour polariser des atomes en leur transférant le moment cinétique transporté par des photons polarisés. C’est la méthode du pompage optique.
Le photon et la statistique quantique
Les diverses particules élémentaires peuvent être classées en deux catégories: les fermions, de spin demi-entier, et les bosons, de spin entier. Les photons sont des bosons, ce qui explique pourquoi il est possible d’avoir simultanément ni photons de même énergie h 益i et de même impulsion 寮 やi .
Le fait que les photons, comme tout boson, ont tendance à s’accumuler dans le même état, et ce d’autant plus que ce dernier est déjà peuplé, permet de comprendre pourquoi un atome excité en présence de N photons dans le même mode a tendance à se désexciter en émettant un photon supplémentaire dans ce mode. Il s’agit là du phénomène d’émission stimulée qui joue un rôle important dans les masers et lasers.
L’application des lois de la mécanique statistique montre que les photons en équilibre avec une enceinte à la température T se répartissent selon la distribution de Bose-Einstein: le nombre de photons 麗n 礪 par unité de volume (V) de fréquence comprise entre 益 et 益 + d 益 est égal à:
où k B est la constante de Boltzmann. De la relation (1) découle la formule de Planck pour le rayonnement du corps noir. C’est d’ailleurs lors de l’établissement de cette dernière que Max Planck a introduit pour la première fois l’idée que les échanges d’énergie entre un atome et un rayonnement de fréquence 益 ne peuvent mettre en jeu que des multiples de h 益.
Caractère quantique de la lumière et interférences
Il y a de multiples preuves de la nécessité de quantifier le rayonnement. Cependant, dans les expériences d’optique, le caractère corpusculaire de la lumière est souvent difficile à mettre en évidence. Nous présentons ci-dessous une situation expérimentale où la description de la lumière en termes de photons est indispensable. Considérons un paquet d’ondes incident sur une lame séparatrice et deux photodétecteurs situés de part et d’autre de la lame (fig. 2). Si le paquet d’ondes ne contient qu’un seul photon, la lame séparatrice défléchira le photon vers l’un ou l’autre des photodétecteurs et il n’y aura jamais d’excitation simultanée des deux photodétecteurs. En revanche, en théorie classique, le paquet d’ondes est divisé en deux paquets d’ondes par la lame séparatrice et il existe une probabilité non nulle d’excitation simultanée des deux photodétecteurs. Des expériences correspondant au schéma de la figure 2 ont été réalisées et montrent l’absence de coïncidences dans l’excitation des photodétecteurs. Ces expériences apparaissent donc comme une confirmation supplémentaire de la nécessité de la description du champ électromagnétique en termes de photons.
Comme tout objet quantique, la lumière a donc une double nature corpusculaire et ondulatoire. Le caractère corpusculaire se manifeste par la quantification de l’énergie du rayonnement et le caractère ondulatoire par la possibilité de réaliser des interférences. La dualité onde-corpuscule postulée par Albert Einstein en 1909 présente cependant ici une certaine subtilité. Dans le cas d’une particule non relativiste, comme l’électron ou le neutron, on associe à la fonction d’onde 祥( る, t ), solution de l’équation de Schrödinger, une densité de probabilité de présence | 祥( る, t )|2 pour la particule au point る et à l’instant t . En revanche, dans le cas du champ électromagnétique, il n’est pas possible de définir une densité de probabilité de présence pour le photon et il serait incorrect de considérer l’onde de Maxwell comme la fonction d’onde du rayonnement. En théorie quantique du rayonnement, ce sont les amplitudes de transition d’un état initial du rayonnement vers un état final qui interfèrent.
Photons et théorie électrofaible
Le photon véhicule les interactions électromagnétiques entre particules chargées. Les théories de jauge ont conduit à une unification des interactions électromagnétiques et faibles, qui sont décrites maintenant dans le cadre d’une seule théorie, la théorie électrofaible. Le photon est alors intégré à un ensemble plus vaste de bosons de jauge véhiculant les interactions électrofaibles, ensemble qui comprend également les bosons chargés W+ et W size=1漣 et le boson vectoriel neutre Z0.
photon [ fɔtɔ̃ ] n. m.
• v. 1923; du gr. phôs, phôtos « lumière » et -on, par l'angl.
♦ Phys. Particule fondamentale, quantum du champ électromagnétique. Énergie, longueur d'onde d'un photon.
● photon nom masculin (de électron) Quanton spécifique de la lumière, véhicule des interactions électromagnétiques.
photon
n. m. PHYS Particule de masse et de charge nulles associée à un rayonnement lumineux ou électromagnétique.
⇒PHOTON, subst. masc.
PHYS. Corpuscule élémentaire ou quantum d'énergie lumineuse dont le flux constitue le rayonnement électromagnétique. Si, quand nous considérons une étoile, nous disons qu'elle existe, c'est parce qu'un certain nombre de photons sont venus frapper notre rétine; ces photons se sont séparés d'elle il y a des millions d'années, et depuis nous ne savons absolument pas ce qu'elle est devenue (P. MORAND, Confins vie, 1955, p.25). L'hypothèse d'Einstein revient à supposer qu'au moins dans certaines circonstances la lumière se comporte comme si elle était formée de particules qu'on nomme aujourd'hui «photons» (L. DE BROGLIE, Théorie quanta, 1959, p.99). Dans un faisceau lumineux les photons ne sont pas répartis uniformément mais leur densité varie périodiquement. La répartition de l'ensemble des photons dans un faisceau lumineux donné peut se traduire graphiquement par une sinusoïde (HUSSON, GRAF, Biol. gén., 1965, p.63).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1927 (C.r. de l'Ac. des sc., t.185, pp.1118-1119). Formé sur le gr. , «lumière» (v. élém. formant photo1-), d'abord en angl. (photon proposé en ce sens par G. N. LEWIS en 1926, v. NED Suppl.2); suff. -on2 II.
DÉR. Photonique, adj. a) Relatif aux photons, au rayonnement lumineux. Théorie, rayonnement photonique. Étude du courant quantique, ou photonique, introduit par l'auteur dans des communications précédentes (J. phys. et Radium, 1929, p.367). b) [En parlant d'un appareil, d'un instrument ou d'une techn.] Qui utilise le rayonnement lumineux. Microscopie photonique. Le microscope électronique comprend les éléments essentiels d'un microscope photonique (HUSSON, GRAF, op.cit., p.70). — []. — 1re attest. 1929 (J. phys., loc. cit.); de photon, suff. -ique.
photon [fɔtɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1927, compte rendu de l'Académie des sciences, mot formé en angl. par G. N. Lewis, 1926; de phot-, et suff. -on.
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♦ Phys. Corpuscule, quantum d'énergie dont le flux constitue le rayonnement électromagnétique. ⇒ Lumière, particule (→ Onde, cit. 17). || Énergie, longueur d'onde d'un photon. || Controverse entre Einstein et Niels Bohr à propos de l'expérience de la « boîte à photons » (1927-1931).
1 Nous avions donc montré, pour la première fois, qu'un rayonnement de photons est capable de provoquer l'émission de positrons et il y avait lieu de croire qu'il s'agissait d'une propriété générale des photons de grande énergie quantique.
2 Il devenait nécessaire (en 1923) […] de réintroduire dans la théorie de la lumière la notion de corpuscule en admettant que dans toute onde lumineuse monochromatique de fréquence ν, l'énergie est concentrée en grains de valeur hν, où h est la constante des quanta de Planck. Ces grains de lumière, ces photons comme on commençait alors à les nommer, se manifestent par des actions locales, et on peut leur attribuer une énergie et une quantité de mouvement obéissant aux lois générales de conservation.
L. de Broglie, Physique et Microphysique, p. 169.
3 C'était une plage vraiment extraordinaire, qu'on ne pouvait pas oublier. Elle était toute auréolée de lumière, étendue de cailloux miroitants qui se recourbait dans le genre d'une route. Elle était dessinée comme avec des tubes de néon dans le ciel noir, blanche, phosphorescente, toute vibrante de vie. La lumière était en elle, puis elle ressortait de chaque galet en hérissant ses cheveux, ses rayons; la lumière blanche s'exhalait de la plage à la manière d'une brume; tout était tellement saturé de photons que c'était comme du gaz.
J.-M. G. Le Clézio, les Géants, p. 102.
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DÉR. Photonique.
Encyclopédie Universelle. 2012.