AUTELS
L’offrande d’un présent est destinée à obtenir la faveur de celui auquel on l’adresse, l’échange de dons manifeste l’amitié, et le partage du repas a longtemps signifié l’intimité.
Les relations des hommes avec la divinité se ressentent de ces schèmes. On a d’abord sacrifié des victimes ou présenté des mets. Mais la différence entre ces rites n’est pas essentielle, car ils consistent tous deux à offrir un repas à la divinité, à lui consacrer des biens; ils peuvent coexister dans un culte.
L’évolution des croyances religieuses spiritualise l’offrande. La première étape est assurément l’abolition des sacrifices humains. Puis vient l’holocauste, qui fait monter vers les puissances célestes la fumée d’une victime ou d’un mets. Enfin des substances aromatiques leur sont offertes: encens dans le vieux monde, copal chez les Aztèques et les Mayas, tabac chez les Indiens d’Amérique du Nord.
Le sacrifice du Christ n’entre dans aucune de ces catégories; c’est pourquoi il faut envisager à part tout ce qui est propre au culte chrétien.
L’évolution ainsi notée n’exclut pas les régressions: des israélites apostats revinrent aux sacrifices humains pendant des périodes de décadence religieuse, et il semble bien que cette pratique se soit généralisée chez les Aztèques deux siècles seulement avant la conquête du Mexique par les Espagnols. En outre, l’évolution des croyances religieuses tendait à distinguer deux catégories: le profane et le sacré. Il convenait donc de soustraire l’offrande au profane, par un rite de purification, et de la faire entrer dans le sacré pour que la divinité puisse l’agréer.
Utilisant ces données, le culte a créé l’autel. En raison de cette dépendance, ses formes sont avant tout déterminées par les rites, ce qui n’exclut pas d’autres influences.
1. Autels et cultes
Il y a plusieurs sortes d’autels, selon les différentes traditions cultuelles. La première a son origine dans l’immolation des victimes en l’honneur de la divinité. L’étymologie en conserve la trace: le mizbeah des Hébreux est le lieu où l’on égorge; l’altare des Latins, celui où l’on fait brûler.
Les premiers sacrifices ont été offerts directement sur le sol, pratique que l’on rencontre encore chez certaines peuplades primitives, mais qui s’est maintenue chez les Anciens quand ils s’adressaient aux divinités chtoniennes. Au cours d’un stade ultérieur, que l’on ne peut dater avec précision, mais qui semble contemporain de la protohistoire, une portion du sol a été réservée aux sacrifices, soit à l’intérieur de l’habitation, comme chez les Nagô africains, soit en plein air, comme chez les Phéniciens ou les Latins: l’Ara Pacis Augustae témoigne de la persistance de cette coutume à une époque tardive.
Assez rapidement, les restes des victimes ont formé des entassements; les Grecs de l’époque classique les considéraient comme des autels et leur attribuaient même une sainteté particulière. D’où, semble-t-il, l’idée de les simuler par un amoncellement de terre, qui symboliserait également les éminences sur lesquelles on offrait des sacrifices. Cette dernière origine est confirmée par de nombreuses sources: les rituels védiques, l’étymologie chinoise font dériver autel de tertre.
Le récit du sacrifice d’Abraham mentionne le bois; ce type d’autel a dû persister assez tard, car un relief de Daskyleion, daté du Ve siècle avant J.-C., en représente un, fait de branchages.
Toutefois, aucun de ces entassements n’a un caractère permanent. Abraham élève un autel chaque fois qu’il offre un sacrifice.
Ils deviennent plus durables avec l’usage de la pierre. Elle est d’abord employée brute. Les Hébreux s’y tiendront, car une prescription qui leur est propre en interdit la taille sous peine de profanation. L’autel ne devient pourtant permanent qu’avec l’emploi de substances travaillées: bois recouvert de bronze chez les Hébreux au temps du nomadisme, de fer chez les Teutons; pierre, et plus précisément marbre, chez les Grecs et les Chinois; bronze quelquefois au Proche-Orient, en particulier au temple de Salomon, et en Grèce. Fait exceptionnel, l’autel des parfums, à Jérusalem, était plaqué d’or, de même que la table des pains de proposition.
Si, désormais, l’autel devenait souvent fixe, il pouvait quelquefois être portatif comme celui des Hébreux dans le désert ou d’autres qui permettaient d’offrir des sacrifices dans des cas exceptionnels, notamment quand des armées faisaient campagne.
Dans certains cas, le corps humain pouvait servir d’autel. Chez les Aztèques, les femmes sacrifiées à Ochpanitzli étaient tenues sur le dos d’un prêtre. Ailleurs, on se sert du corps d’un nouvel initié.
La seconde tradition est celle de l’offrande soit d’une portion d’un animal immolé ailleurs, soit de végétaux ou de mets apprêtés. Dans ce cas, il semble bien que le propos ait été d’éviter le contact du sol. L’offrande était accrochée à une branche de l’arbre sacré ou à un pieu. Ce dernier usage était celui des Palestiniens, il subsiste encore chez certains Africains. Ou bien, on posait l’offrande sur une natte comme chez les Égyptiens, ou encore sur une sorte de coupe comme chez certaines populations primitives d’Afrique. Le terme de l’évolution est une table dont l’Égypte antique offre l’exemple.
Dans ce cas, l’autel peut être le support d’un objet sacré: arbres en Crète; crânes d’ancêtres au Gabon; miroir figurant les divinités naturelles dans le shintoïsme; fleurs de lotus symboliques et baguettes d’encens dans le bouddhisme. L’autel peut servir d’ostensoir. Cette dernière fonction est parfois celle des trônes-autels; d’origine brahmanique, ils ont été adoptés par le bouddhisme et n’ont pas d’équivalent en dehors de ces cultes.
Il est à noter que certaines peuplades ont brûlé plusieurs étapes de l’évolution. C’est ainsi que chez les Nagô, l’autel, le pegi , n’étant autre que le sol, les objets liturgiques y sont déposés. Par contre, chez les Africains du Brésil, ces mêmes objets sont, en général, posés sur une table recouverte d’une nappe brodée et ornée de fleurs en papier. La mutation s’explique par l’influence du catholicisme.
Un certain nombre de fonctions secondaires dérivent de celles qui viennent d’être esquissées. Les Anciens distinguaient nettement deux catégories d’autels selon l’importance de la divinité; par exemple, chez les Romains, l’altare était réservé aux plus importantes, l’ara aux autres. À cette seconde catégorie se rattachent en général les autels votifs, funéraires ou domestiques.
2. Formes et dimensions
La forme la plus fréquente des autels est un parallélépipède droit, plus long que large. Mais, en Égypte, ils ont quelquefois la forme d’un tronc de cône. Le M nas ra , traité d’architecture hindou, mentionne des plans carrés, hexagonaux ou octogonaux. Les cippes gréco-romains à base carrée, ou circulaire, sont en hauteur. Enfin, on peut considérer les temples aztèques comme un autel pyramidal.
La forme des autels peut aussi être déterminée par des considérations cosmogoniques. Ainsi l’autel du Ciel du culte impérial chinois est circulaire, celui de la Terre carré, car telles sont, dans la pensée chinoise ancienne, les formes respectives des régions de l’espace auxquelles ils sont consacrés. Le premier comporte trois terrasses – c’est le nombre de la divinité titulaire –, le second est entouré d’eau.
En même temps qu’ils se constituent, les autels s’adaptent à leur fonction. Des cavités et des canaux permettent de recueillir sang et libations. La face supérieure des autels aztèques était cintrée pour faciliter l’excision du cœur; une sorte de joug en pierre venait se fixer sur le cou des victimes pour les maintenir. Égyptiens et Crétois creusaient pour les mets des cupules sur la table. Les premiers y représentaient parfois la nourriture, car dans leur système de pensée l’image pouvait se substituer à la réalité; les seconds avaient même des autels creux pour faire couler des libations en terre afin de revigorer les mânes. Les trônes-autels n’étaient, à l’origine, que des dalles de pierre; le passage à leur type définitif vers le Ier ou le IIe siècle de notre ère est, lui aussi, une adaptation, car ils servaient également de siège aux personnages des récits sacrés.
D’une manière générale, les dimensions des autels tendent à augmenter. Là où l’on peut en suivre l’évolution, comme à Jérusalem, on les voit croître régulièrement: on passe progressivement d’un parallélépipède mesurant cinq pieds de côté et trois de haut à une sorte de ziggourat de cinquante pieds de côté, haute de quinze. L’autel de Zeus à Olympie s’élevait à vingt-quatre pieds, celui de Pergame avait des dimensions encore plus considérables. On peut considérer avec certains historiens les temples aztèques comme le soubassement monumental de l’autel. Sans doute les hécatombes auxquelles on procédait dans les grands sanctuaires justifient-elles ces dimensions, qui s’expliquent plus encore par l’importance attribuée à la table sacrificielle elle-même.
3. L’autel et le sacré
L’autel est d’abord la table du dieu. C’est aussi le véhicule du sacrifice, qui doit obligatoirement s’y dérouler pour parvenir à la divinité. Cette fonction détermine même la forme des autels creux dont il a été fait mention. Dans certains cultes populaires chinois, l’érection d’un autel est le moyen de faire descendre le dieu du ciel, mais cette conviction n’est absente d’aucune croyance religieuse. C’est donc un intermédiaire entre l’homme et la divinité, leur point de rencontre.
Ce pouvoir, ce statut découlent de la consécration en vertu de laquelle la divinité prend possession de la table du sacrifice. Ce rite s’est pratiqué de longue date puisqu’il est mentionné dans le Lévitique. Il s’observe chez les Nagô où il présente déjà, malgré le caractère rudimentaire de l’autel, une certaine complexité: aspersions de sang, onctions précédées la veille par le transport en procession des objets liturgiques, portés par une jeune fille impubère.
La présence sacrée se manifeste par le feu qui brûle perpétuellement sur l’autel, ou à côté, chez les peuples qui pratiquent l’holocauste, et souvent par un luminaire permanent. Mais les droits de la divinité s’expriment surtout par l’inviolabilité de la table du sacrifice: chez les Hébreux, comme chez les Grecs ou les Latins, l’offense faite au suppliant, fût-il coupable ou esclave, l’était au dieu.
De par sa nature, l’autel sanctifie tout ce qui le touche, comme le précise le Lévitique. À partir d’un certain point de l’évolution, les rapports de la table et du sacrifice s’inversent. Malgré l’antériorité du second, c’est le caractère sacré de la première qui se communique à lui et le rend propre à l’offrande. Pour la même raison, il intervient à l’occasion d’autres actes cultuels, par exemple l’ordination, et pas seulement chez les chrétiens orthodoxes, mais aussi chez les bouddhistes. Le trône-autel consacre roi celui qui s’y assied, même illégalement, comme l’atteste un épisode des Jataka. Un souvenir de ce pouvoir subsiste dans les autels de la Patrie érigés par la Révolution. Là où il existe, l’autel organise les relations des hommes avec la divinité.
À lui seul l’autel est un sanctuaire. Jacob proclame que la pierre qu’il a ointe « sera une maison de Dieu ». De même, les païens ont longtemps élevé des autels en dehors des temples. Mais l’autel est généralement associé à un ensemble sacré. À Gezer, en Palestine, trois autels conduisent à une caverne que l’on suppose être la demeure du dieu.
Les trônes-autels sont alliés très souvent au pilier axe du monde. À Bali il l’est au mont Méru, centre du monde, et fait partie d’un ensemble architectural important.
En général, l’autel est associé au temple et la place qu’il y occupe révèle le degré du sacré auquel les fidèles ont accès.
On le trouve placé le plus souvent dans la cour; chez les Égyptiens comme chez les Grecs et les Latins, il y en a plusieurs. L’exiguïté des temples et la fumée de l’holocauste durent déterminer le choix de cet emplacement.
Ni le culte égyptien ni le shintoïsme ne comportaient d’immolation. Aussi plaçait-on l’autel à l’intérieur du sanctuaire, interdit aux laïcs; mais il fallut le dédoubler en quelque sorte afin que les fidèles puissent assister à des cérémonies ou présenter leurs offrandes. Chez les Égyptiens, on le retrouve dans la cour du temple, chez les shintoïstes, sous le portique du sanctuaire. À l’opposé, le bouddhisme et le christianisme le réintègrent dans l’édifice sacré, où les fidèles peuvent entrer. Dans le premier cas, l’accès auprès de la divinité, à son intimité, est interdit au fidèle; dans le second, il peut parvenir à la réalité suprême.
4. L’autel chrétien
Le culte chrétien se distingue de tous les autres par la nature du sacrifice. En fait, le christianisme n’en reconnaît qu’un seul, celui de son fondateur, qui en est tout à la fois la victime et le prêtre. La croix en est l’autel. Cet unique sacrifice se perpétue dans la messe.
Le prêtre n’est donc pas le ministre d’une offrande de l’humanité à la divinité, mais celui de l’action dans laquelle le Fils s’est offert au Père pour les hommes et à leur place. La messe revient donc à présenter à Dieu ce qui vient de lui au sens le plus strict. Et, s’il subsiste une offrande, celle du pain et du vin, un repas n’est pas offert à Dieu, au contraire, c’est lui qui se donne en nourriture dans la communion.
Sans doute une grande partie des réformés ne partagent-ils pas cette conception. Pour les calvinistes, la Sainte Cène n’est pas un sacrifice. Néanmoins, la valeur qu’ils lui attribuent est un des éléments de la théologie de la messe qui s’est constituée à partir de deux sources:
D’une part, le repas eucharistique qui se célébrait dans la primitive Église et comportait la consécration des saintes espèces. Comme il se tenait dans les demeures des fidèles, des tables servirent d’autels. La plus ancienne figuration qui nous en soit parvenue, une fresque de la catacombe de Calixte, datée du IIIe siècle, montre un petit trépied circulaire. Par la suite, l’autel est devenu rectangulaire. Ce fut d’abord un meuble de bois placé devant la chaire de l’évêque, puis, fait en pierre, il devint fixe, tout en conservant la forme de la table.
D’autre part, la messe dérive du sacrifice célébré sur la sépulture des martyrs, associés au Christ. Les autels-tombeaux ont leur origine dans cet usage et semblent s’être généralisés vers le troisième quart du IIIe siècle. On ne les rencontrait cependant que dans des lieux de culte situés à l’extérieur des villes, l’inhumation étant interdite intra muros. Même sans contenir les restes d’un martyr, certains autels peuvent avoir la forme d’une sépulture, d’autant que des sarcophages ont été fréquemment remployés à cette fin dans les premiers siècles de l’Église. Mais cette relation entre l’eucharistie et les restes des martyrs n’a pas eu que des conséquences esthétiques.
Quelle que soit la source à laquelle on se réfère, la célébration dérive du sacrifice du Christ et l’autel symbolise son corps: cinq croix gravées sur la table figurent ses cinq plaies. Ce rapprochement est renforcé par la consécration. À l’origine, ce rite était réservé aux autels dans lesquels des reliques avaient été enfermées. Mais rares étaient ceux qui en étaient dépourvus après le VIe siècle. Finalement, l’usage a été confirmé par une prescription canonique imposant l’inclusion des reliques et la consécration.
Toutes ces raisons se conjuguent pour conférer une splendeur particulière à l’autel chrétien. Le concile d’Epaone (517) a interdit l’emploi du bois pour sa fabrication. Certes, les autels en bois n’ont pas disparu pour autant; certains d’entre eux subsistaient en Angleterre à la fin du XIe et au début du XIIe siècle; on les rencontre plus tard en Espagne et surtout en France où l’un d’eux existait encore au XVIe ou au XVIIe siècle. Mais, tant en raison des décisions conciliaires que de la multiplication des autels-tombeaux, les plus nombreux sont en pierre. Enfin, on les plaque de cuivre doré, voire d’argent ou d’or massif comme à Saint-Denis où plusieurs d’entre eux étaient ornés de pierres précieuses.
En outre, l’autel est souvent placé sur une confession, sorte de petite crypte où se trouve la sépulture d’un saint; sa base s’élève alors de quelque deux mètres au-dessus du niveau de la nef. On le surmonte d’un baldaquin, usage tombé en désuétude au cours des siècles derniers. Enfin, on l’isole du reste de l’église par une clôture dont le développement a produit les jubés et les iconostases. À la limite, ces séparations masquent complètement l’autel aux yeux des fidèles, comme c’est le cas dans les Églises orientales au moment de la consécration des saintes espèces.
Il faut noter toutefois que jubés et iconostases procèdent d’un contresens car les frontières du sacré et du profane ne passent pas à l’intérieur de l’église, mais concordent avec ses limites. En Occident, la Contre-Réforme a réduit la clôture à une simple barrière, ou, au plus, à une grille; elle tend à disparaître complètement aujourd’hui.
Une pratique religieuse plus fréquente est à l’origine de la multiplication des autels portatifs. Au temps des persécutions, ils permettaient de célébrer l’eucharistie dans les prisons, en secret. Après l’édit de Constantin, ils servirent à offrir le sacrifice là où n’existait pas d’église. Eux aussi furent ornés et enrichis.
À l’exception des autels païens remployés à la fin de l’Antiquité, l’autel chrétien s’inscrit lui aussi dans un parallélépipède droit à base rectangulaire dont la plus grande dimension est la longueur. Jusqu’au XIIIe siècle, la bordure de la face supérieure se relevait de quelques centimètres. Cette particularité, en rapport avec la communion des fidèles sous les deux espèces qui nécessitait la consécration de grandes quantités de vin, était destinée à empêcher l’écoulement du précieux sang sur le sol si le calice venait à se renverser.
En dehors des cathédrales, l’autel se plaçait soit à la croisée du transept, soit au fond de l’abside mais à condition que l’on pût en faire le tour.
Au cours des premiers siècles, le prêtre était tourné vers les fidèles, les églises étant orientées de telle sorte que ces derniers regardent vers l’est. Mais, à partir du Ve ou du VIe siècle, sous l’influence de Byzance, on voulut que le prêtre se tînt, lui aussi, dans la même position. Il fallut donc qu’il leur tournât le dos. À partir du IXe siècle, l’ostension permanente des reliques sur l’autel fut autorisée. Ces deux mesures devaient avoir une influence décisive sur son évolution.
Tout d’abord, elles favorisaient son éloignement vers le fond de l’église. En outre, on pouvait remplacer les reliques par une image quand elles n’étaient pas assez importantes pour être incluses dans une châsse. Le retable dérive de cette licence. À l’origine, celui-ci représente des scènes bibliques ou des données de foi; mais, le culte des saints s’hypertrophiant à partir de la fin du Moyen Âge, on les remplacera par des images tirées de l’hagiographie. De là un déséquilibre entre la foi, commune à tous les fidèles, et les dévotions, de nature individuelle, au profit des secondes. Ce déplacement se manifeste dans l’hypertrophie des retables baroques qui tend à réduire l’autel à un accessoire de l’image et devait contribuer à consacrer les tendances individualistes dans la pratique religieuse.
Au XVIe siècle, l’habitude fut prise de placer les luminaires sur un degré, puis il s’en est créé un second, enfin un troisième. Surchargés de statues, de bustes et de châsses aux XVIIIe et XIXe siècles, particulièrement en Italie, ils feront ressembler l’autel à une crédence.
L’un des aspects essentiels du renouveau liturgique contemporain consiste dans le mouvement inverse de ce développement anarchique. Le prêtre se tournant à nouveau vers les fidèles, on revient à la table, ou bloc, plus proche de l’assistance. La généralisation de la concélébration, autrefois réservée au sacre des évêques, est venue renforcer cette tendance; pour la même raison la surface de l’autel s’accroît. Enfin, le renouveau liturgique a eu pour conséquence de réduire leur nombre. Unique aux premiers siècles chrétiens quand saint Ignace d’Antioche écrivait: «Il n’y a qu’une eucharistie, qu’un autel, comme il n’y a qu’un évêque», il tend à le redevenir aujourd’hui.
Encyclopédie Universelle. 2012.