PROTON
Avec le neutron, le proton est l’un des composants de base des noyaux d’atomes et il constitue lui-même le noyau de l’atome d’hydrogène. C’est l’une des rares particules élémentaires stables, et l’on peut le considérer, avec l’électron et le neutron, comme l’un des éléments fondamentaux qui, par leurs combinaisons, composent la matière. Les noyaux atomiques sont des assemblages de protons et de neutrons qui sont liés entre eux par des forces nucléaires très différentes des forces qui nous sont familières (lesquelles sont de nature gravitationnelle ou électrique). Lorsque des protons et des neutrons se combinent pour former un noyau atomique, ils donnent lieu à un dégagement d’énergie considérable. Ce mécanisme est en fait le principal moyen de production de l’énergie à l’échelle cosmique, puisqu’il est responsable de l’activité stellaire: ce sont en effet les protons qui constituent le combustible principal des étoiles. Le proton a des dimensions finies, son rayon étant de l’ordre de 0,8 憐 10–15 mètre. Cette propriété doit être comparée à celle de l’électron qui, jusqu’à présent, paraît être une particule ponctuelle.
Propriétés mécaniques
Comme pour toute particule élémentaire, le mouvement et les mesures que l’on peut faire de sa position ou de sa vitesse obéissent aux règles de la mécanique quantique. Deux quantités fondamentales, la masse et le spin, caractérisent les propriétés d’une particule en mouvement.
La masse du proton est donnée dans le tableau 1. Elle est reliée à l’énergie au repos du proton par la relation d’Einstein E = mc 2.
Le spin est, par définition, le moment cinétique propre du proton et il peut être interprété classiquement comme indiquant un mouvement de rotation du proton sur lui-même. Sa valeur est 1/2 寮 , où 寮 est la constante d’action de Planck divisée par 2 神.
Le proton est une particule stable, qui ne se désintègre pas. Du point de vue statistique, le proton est un fermion . Cela signifie qu’il ne peut y avoir plus d’un proton occupant un état quantique donné dont l’état de spin est spécifié.
Interactions du proton
Outre les effets gravitationnels, une particule élémentaire peut avoir, avec d’autres particules, des interactions de trois types: fortes, électromagnétiques, faibles. Le proton participe à des interactions de chacune de ces catégories. Dans ce qui suit, on désignera les constituants du noyau, protons et neutrons, par le terme commun de nucléons .
Interactions fortes
Les forces nucléaires, qui lient protons et neutrons à l’intérieur du noyau, constituent le type même des interactions fortes. Elles ont un certain nombre de caractéristiques fondamentales qui ne dépendent pas de la nature des nucléons en jeu ni de leur état de spin. Tout d’abord, ces interactions sont très intenses: elles correspondent à des énergies potentielles de plusieurs dizaines de mégaélectrons-volts, c’est-à-dire à une fraction de quelques centièmes de l’énergie de masse du proton.
Les forces nucléaires décroissent très rapidement avec la distance qui sépare deux nucléons. Théoriquement, c’est-à-dire dans le cadre de la théorie mésonique des forces nucléaires [cf. ATOME], cette décroissance est exponentielle, le potentiel d’interaction diminuant avec la distance r comme e -r/r 0. La quantité r 0, qui a la dimension d’une longueur, est appelée la «portée des forces nucléaires» et elle est de 1,2 fermi (1,2 憐 10–15 m). La portée est reliée à la masse 猪 du méson 神 par l’égalité:
Cette décroissance exponentielle des forces nucléaires est extrêmement importante, car il en résulte que ces forces jouent un rôle très réduit dans le comportement de la matière, du moins dans les conditions qui nous sont familières. En effet, par le jeu de la répulsion que les couches électroniques des atomes exercent les unes sur les autres, les noyaux sont pratiquement toujours maintenus éloignés les uns des autres de distances comparables aux rayons atomiques, c’est-à-dire de l’ordre de 0,1 nanomètre (10–10 m). Dans ces conditions, les forces nucléaires qu’ils exercent les uns sur les autres sont totalement négligeables, le facteur e -r/r 0 étant extrêmement petit.
Une troisième caractéristique générale des forces nucléaires est que, lorsque la distance entre deux nucléons devient très petite, soit, en pratique, inférieure à r = 0,3 fermi, elles donnent lieu à une très forte répulsion. On exprime souvent ce fait en disant que les nucléons offrent un «cœur dur» à leur pénétration par d’autres nucléons. Dans l’interprétation théorique où les forces nucléaires sont dues à l’échange de mésons entre les nucléons, l’existence du «cœur dur» est attribuée à l’échange du méson lourd neutre, appelé 諸0.
Les forces nucléaires, ou, si l’on préfère, leur énergie potentielle, dépendent de l’état de spin des nucléons (cf. pour plus de détails, NOYAU ATOMIQUE). Il convient cependant de souligner ici certaines propriétés d’invariance de ces forces par l’échange des protons et des neutrons.
Protons et spin isotopique
En ce qui concerne les interactions fortes (et seulement dans ce cas), on peut considérer que le proton et le neutron constituent deux états d’un même objet quantique, le nucléon. Ces deux états sont analogues à ceux qui représentent le spin d’une particule de spin 1/2, en ce sens que l’on peut admettre que des matrices identiques à celles qui décrivent l’action des rotations sur les spineurs agissent sur les deux états du nucléon. Une telle rotation constitue une opération abstraite, sans relation connue avec aucune opération réellement praticable, qui fait en général correspondre à un état d’une particule bien déterminée, par exemple un proton, une superposition linéaire des états d’un proton et d’un neutron, ce que l’on exprime par la relation:
Le fait que cette transformation représente l’action d’une rotation sur le spineur aux deux composantes | p 礪, | n 礪, qui représentent l’état d’un proton et celui d’un neutron, s’exprime par deux conditions imposées à la matrice:
cette matrice doit être unitaire et son déterminant est égal à 1.
L’invariance du spin isotopique signifie que les potentiels des forces nucléaires sont invariants sous l’action des transformations linéaires abstraites données par (1). Elle s’étend d’ailleurs à toutes les interactions fortes qui peuvent avoir lieu entre les nucléons et les autres particules élémentaires. Il est possible de la résumer rapidement en disant que, du point de vue des interactions fortes, il y a équivalence entre le proton et le neutron.
Il est actuellement admis que cette invariance peut être étendue, mais cette fois de manière très approximative, à une invariance sous l’action d’un autre groupe abstrait appelé SU(3), lequel agit sur l’ensemble des états du proton, du neutron, et des hypérons:
Autres interactions fortes: résonances
On peut produire des mésons 神+ et 神– à l’aide d’accélérateurs et, en créant des collisions entre eux et des noyaux d’hydrogène, étudier leurs interactions avec les protons. Le résultat le plus remarquable de ce type d’expériences a été la révélation d’un grand nombre de résonances dans les collisions entre mésons et nucléons. Celles-ci apparaissent comme des maxima très marqués dans le nombre des collisions observées lorsqu’on fait varier l’énergie des mésons incidents. On peut interpréter ces résonances, dans le cadre de la mécanique quantique, comme révélant l’existence de particules plus lourdes que le proton et le neutron, mais ayant des propriétés analogues vis-à-vis des interactions fortes: ce sont en quelque sorte des nucléons lourds. Leur vie moyenne est très courte (de l’ordre de 10–23 s) et elles se désintègrent par interactions fortes, le plus souvent en donnant naissance à un nucléon et à un ou plusieurs mésons 神. C’est le phénomène de résonance baryonique .
Interactions électromagnétiques
Le proton a une charge électrique qui est égale en grandeur et opposée en signe à celle de l’électron. Cette égalité a pour conséquence la remarquable neutralité électrique de la matière dans des conditions normales. Par convention, cette charge est positive. C’est toujours la charge électrique des protons des noyaux qui se manifeste lorsqu’on observe, dans les conditions courantes, la présence de charges positives dans la matière.
Le moment magnétique du proton est connu avec une grande précision (tabl. 1). Lorsqu’on exprime dans l’unité naturelle e 寮 /2mc , où e est sa charge et m sa masse, on trouve que le moment magnétique est nettement différent de 1, contrairement au cas de l’électron. On interprète ce phénomène comme la conséquence des interactions fortes, le proton se comportant à la façon d’un objet étendu et non pas comme un point, par suite de l’émission et de la réabsorption de mésons 神 virtuels, engendrés et résorbés par le proton. Une telle structure entraîne l’existence pour le proton d’une distribution de charge dont la rotation, sous l’effet du spin, engendre un moment magnétique.
L’existence de la distribution spatiale de la charge du proton a été confirmée, et sa mesure effectuée, par les expériences de Hofstädter (au cours des années soixante), qui consistent à étudier la collision d’électrons de grande énergie avec des protons. La manière dont ces électrons sont déviés dépend des détails de la répartition de la charge électrique à l’intérieur du proton. On constate ainsi que la charge du proton est distribuée sur une région dont le rayon est de 0,8 憐 10–13 cm.
Interactions faibles et stabilité
Le proton est une particule stable. À sa vie moyenne on peut placer une borne inférieure de 1030 années. Mais il n’en participe pas moins à un certain nombre d’interactions faibles; en particulier, il apparaît parmi les produits de désintégration du neutron et des particules 炙0 et 0 selon les modes suivants:
.
Il entre parfois, toujours par interaction faible, en réaction, dans certains noyaux, avec un électron atomique pour donner lieu à la réaction:
Cette réaction porte le nom de capture K , car, seuls, les électrons de la couche atomique K (dont le moment cinétique orbital est nul) ont une probabilité non négligeable d’être présents au voisinage du noyau. Elle ne se produit que pour des noyaux plus riches en protons qu’en neutrons.
Antiproton
La théorie quantique des champs permet de prévoir que toute particule doit être nécessairement associée à une antiparticule, laquelle, dans certains cas particuliers, peut d’ailleurs lui être identique. Particules et antiparticules ont la même masse et le même spin. Les valeurs de toutes leurs charges (charge électrique, nombres baryonique, leptonique, étrangeté) [tabl. 2] sont par contre opposées. On prévoit ainsi l’existence d’un antiproton de charge électrique négative, égale à celle de l’électron, et de masse égale à celle du proton.
Par suite de la conservation du nombre baryonique dans toutes les interactions, il n’est pas possible de produire un antiproton seul à partir d’une collision entre les particules que l’on sait accélérer et celles qui constituent les noyaux des atomes d’une cible. Il est nécessaire de produire en même temps un nucléon, un proton, ou un neutron, comme dans la réaction:
La notation 樂 désigne un antiproton. On dit alors qu’il y a création d’une paire nucléon-antinucléon. Lorsqu’un des protons initiaux est au repos par rapport au laboratoire (un noyau d’hydrogène dans une cible d’hydrogène liquide, par exemple) et que le second proton initial est en mouvement (provenant, par exemple, d’un accélérateur), il est nécessaire que cette dernière particule dépasse une énergie égale à sept fois son énergie de masse, soit à peu près 7 GeV, pour que la réaction (2) puisse se produire. Cette réaction a été effectivement observée en 1955 (O. Chamberlain, E. G. Segré, E. C. Wiegand et T. Ypsilantis) et, depuis lors, un très grand nombre de réactions mettant en jeu des antiprotons ont été étudiées.
La caractéristique la plus frappante des interactions entre antiprotons et protons (ou neutrons) est la possibilité, outre celle d’une pure et simple collision élastique, de l’annihilation dans laquelle la paire particule-antiparticule disparaît en donnant naissance à un grand nombre de particules plus légères, qui sont d’ailleurs en majorité des mésons 神. Il arrive fréquemment qu’avant de s’annihiler un proton et un antiproton forment un atome d’un type particulier, le protonium , où ils sont liés par leur attraction électrique, tout comme le sont ordinairement le noyau et les électrons dans un atome ordinaire. Le protonium a des dimensions beaucoup plus petites et une énergie de liaison beaucoup plus grande que celles de l’atome d’hydrogène, par un rapport égal (ou respectivement inverse) à la moitié du rapport des masses de l’électron et du proton, soit 918.
Structure en quarks
Dans le modèle des quarks où les particules hadroniques sont considérées comme constituées de particules plus fondamentales appelées quarks, le proton apparaît comme un état lié de trois quarks. Deux de ceux-ci ont une charge électrique égale à 2/3 e (e étant la charge du proton), le troisième ayant une charge 漣 1/3 e .
Le combustible des étoiles
Lorsque des nucléons (protons et neutrons) sont à l’intérieur d’un noyau, ils ont une énergie de liaison importante, due aux forces nucléaires, qui dépend du noyau considéré, mais dont la valeur est en moyenne égale aux 7 p. 100 de l’énergie de masse d’un proton. Par conséquent, des nucléons peuvent libérer de l’énergie en s’unissant pour former des noyaux. De telles réactions, dites de fusion, sont à l’origine de l’énergie des étoiles.
Les réactions de fusion peuvent se produire dès que la température centrale de l’étoile atteint dix millions de degrés et que la masse spécifique dépasse 100 g/cm3. Une série de réactions nucléaires sont alors possibles, où l’on trouve à l’entrée quatre protons qui, finalement, sont agglomérés en une particule 見, c’est-à-dire un noyau d’hélium 4. Les séries de réactions mises en jeu diffèrent selon que l’étoile contient ou non une certaine proportion d’hélium, de carbone ou d’azote.
Si l’hélium est absent, on a la série de réactions suivantes:
– deux protons, par une réaction engendrée par les interactions faibles, produisent un deutéron d :
– le deutéron, par collision avec un autre proton, engendre de l’hélium 3:
– deux noyaux d’hélium 3 produisent l’hélium 4:
Au total, on considère que quatre protons ont formé un noyau 4He en libérant une énergie de 26,7 MeV, soit 4,3 憐 10–5 erg ou 4,3 憐 10–12 J.
Dans une étoile où de l’hélium est déjà présent, celui-ci catalyse sa propre production par la série de réactions suivantes:
Une fois le béryllium 7 formé, on peut avoir également:
8Be étant un noyau instable.
Si l’étoile contient du carbone ou de l’azote, ceux-ci catalysent également la fusion par le processus du cycle de carbone:
ou par le cycle de l’azote:
Dans chacune de ces séries de réactions, il y a production d’hélium et récupération des noyaux de carbone et d’azote mis en jeu. C’est par ces mécanismes que les protons constituent en fait dans l’univers le principal matériau générateur d’énergie, ou combustible, comme l’on dit parfois.
proton [ prɔtɔ̃ ] n. m.
• 1923; mot angl. (1919-1920); du gr. prôton, de prôtos
♦ Particule constitutive du noyau atomique, de charge électrique positive égale numériquement à celle de l'électron, mais de masse 1840 fois plus grande (voisine de celle du neutron). Le noyau de l'atome d'hydrogène est formé d'un seul proton. Le nombre de protons d'un noyau atomique (numéro atomique) est caractéristique de l'élément considéré (le nombre de neutrons pouvant être variable ⇒ isotope ). Synchrotron à protons.
● proton nom masculin (anglais proton, du grec prôton, la première chose) Particule baryonique la plus légère, porteuse d'une charge positive élémentaire.
proton
n. m. PHYS NUCL Particule constitutive du noyau de l'atome, dont la charge, positive, est égale à celle de l'électron (de charge négative) et dont la masse est 1 840 fois supérieure à celle de l'électron (V. encycl. noyau et particule).
⇒PROTON, subst. masc.
PHYS. NUCL. Particule élémentaire du noyau atomique, de charge électrique positive, égale en grandeur à celle de l'électron, mais de masse environ 1836 fois plus grande. Aux trois particules connues en 1931 : électron, proton, particule alpha — sont venues s'ajouter 5 autres : hydrogène lourd (...), neutron, électron positif — hydrogène très lourd (3 H) et hélium léger (J. Phys. et Radium, 1936, p. 241). La charge électrique du proton est égale et de signe opposé à celle de l'électron, et l'ensemble de l'atome est neutre, car le nombre de protons est le même que celui des électrons périphériques (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 15).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1923 (J. Phys. et Radium, p. 392). Empr. à l'angl. proton proposé en 1920 par le savant Sir E. Rutherford comme forme simplifiée de prouton qui pourrait avoir été formé d'apr. le nom du chimiste et physicien W. Prout (1785-1850) et croisé avec le gr. neutre subst. de « premier » déjà empr. par les biologistes britanniques pour désigner la substance primitive, la masse indifférenciée d'un être ou d'une partie d'être vivant (v. NED Suppl.2 et NED). Bbg. DUB. Dér. 1962, p. 67.
proton [pʀɔtɔ̃] n. m.
ÉTYM. Après 1920; mot angl. (1919, Rutherford); du grec prôton, neutre de prôtos.
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♦ Phys. Particule constitutive du noyau atomique, de charge électrique positive, égale numériquement à celle de l'électron, mais de masse 1840 fois plus grande (voisine de celle du neutron). → Atome, cit. 17 Langevin; matière, cit. 5; et noyau, cit. 6, de Broglie. Noyau de l'atome d'hydrogène. || Le nombre de protons d'un noyau atomique (numéro atomique) est caractéristique de l'élément considéré (le nombre de neutrons pouvant être variable. ⇒ Isotope). || « Protons et neutrons (cit. 3, de Broglie) pourraient être considérés comme deux états différents d'une même particule élémentaire ». ⇒ Nucléon. || Un accélérateur à protons.
0 C'est en 1919 que Rutherford montra la possibilité de provoquer la transmutation des éléments légers par l'action des rayons α; dans ce type de réaction nucléaire, la particule α est capturée par le noyau atomique, lequel émet ensuite un proton. Ce phénomène est extrêmement rare et se produit dans une proportion de l'ordre de 10−6 du nombre de particules α incidentes.
➪ tableau Vocabulaire de la chimie.
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DÉR. Protonation, 1. protonique.
COMP. Antiproton.
Encyclopédie Universelle. 2012.