Akademik

PROVIDENCE
PROVIDENCE

PROVIDENCE

Si l’on s’en tient à l’histoire des idées, le concept de providence n’est pas d’origine judéo-chrétienne: il est d’origine hellénique, de facture stoïcienne.

En contexte stoïcien, «providence» ne signifie pas vigilance ou bienveillance personnelle d’un dieu sage et bon qui prend soin de chacune de ses créatures; le terme est synonyme de «nécessité». En effet, dans l’ancien stoïcisme, il y a identité entre Dieu, l’intelligence ou la volonté de Zeus, la raison universelle, la loi divine, le destin, l’âme du monde, la totalité différenciée et hiérarchisée, la nécessité des choses. Autrement dit, pour les stoïciens, «providence» est un concept rationaliste: l’univers dérive d’une cause unique qui est en même temps liaison de toutes les raisons et de toutes les forces à partir desquelles se développent, selon un ordre rigoureusement logique, les êtres particuliers; la Providence est cet ordre même, à moins qu’on en préfère dire qu’elle est la finalité immanente à cet ordre. Aucune contingence, aucun hasard, aucun arbitraire n’entre dans pareille manière de concevoir la Providence.

La Bible hébraïque renvoie, au contraire, à une mentalité qui n’a aucun souci d’élaborer rationnellement l’idée de nécessité, ni même celle de causalité. C’est pourquoi elle professe un volontarisme divin très éloigné de ce que songe à admettre un esprit influencé par la philosophie et la science grecques, donc préoccupé de cohérence, de prévision réglée, de maîtrise réfléchie. Le Dieu biblique est souverain, il est libre, il est maître absolu de l’histoire, ou bien les événements sont les faits et les gestes de Dieu, sans qu’il puisse y avoir aucune commune mesure entre ses desseins et les nôtres, ses pensées et la nôtre. Ce dieu transcendant est aussi présent au monde que le dieu provident, le dieu stoïcien. Mais sa présence est saisie sous le signe de la gratuité, non de la nécessité, à la lumière d’une histoire de salut, non d’une rationalité impersonnelle.

Ce n’est qu’à partir de Philon d’Alexandrie (\PROVIDENCE 13-54), du néo-platonisme (IIIe-VIe s.) et des Pères alexandrins (IIIe-IVe s.) que certains cercles juifs, païens, chrétiens cherchent à réunir sous le terme de providence, à rassembler pour les concilier, gratuité et nécessité, liberté et loi, puissance et sagesse, transcendance et immanence, causalité créatrice et médiation de salut. Ultérieurement, la difficulté de surmonter l’opposition des contraires a suscité maintes querelles au sein de la théologie chrétienne (en particulier à propos des prédéterminations de la grâce qui devraient entraîner la volonté humaine sans la contraindre, la solliciter ou l’escorter sans la nécessiter).

providence [ prɔvidɑ̃s ] n. f.
XIIIe; « prévisions » v. 1165; lat. providentia, de providere « pourvoir »
Sage gouvernement de Dieu sur la création, et par ext.(avec la majuscule) Dieu gouvernant la création. La divine providence. Les décrets, les desseins impénétrables, les conseils de la Providence. aussi destin. « Mais que la Providence ou bien que le destin Règle les affaires du monde » (La Fontaine).
Fig. Être la providence de qqn, être la cause de son bonheur, combler ses désirs. Il s'est fait la providence des malheureux. protecteur , secours. Vous êtes ma providence ! « L'une des providences parisiennes des fabriques de Lyon » (Balzac). La découverte de cette cabane fut une providence ( providentiel) . (trad. de l'angl. welfare state) Fam. L'État providence.

providence nom féminin (latin providentia) Action par laquelle Dieu conduit les événements et les créatures vers la fin qu'il leur a assignée. Dieu, en tant qu'ordonnateur de toutes choses. (Avec une majuscule) Personne ou événement qui arrive à point nommé pour sauver une situation ou qui constitue une chance, un secours exceptionnels : Le téléphone est une providence pour les personnes âgées. En apposition à un nom, indique sa valeur providentielle : État providence.providence (citations) nom féminin (latin providentia) Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Il n'y a point de hasard dans le gouvernement des choses humaines, et la fortune n'est qu'un mot qui n'a aucun sens. Politique tirée des propres paroles de l'Écriture Sainte Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Peut-être que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art caché, et si vous savez rencontrer le point par où il faut regarder les choses, toutes les inégalités se rectifieront, et vous ne verrez que sagesse où vous n'imaginiez que désordre. Sermon sur la providence Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 Quelqu'un disait que la Providence était le nom de baptême du Hasard, quelque dévot dira que le Hasard est un sobriquet de la Providence. Maximes et pensées Clément d'Alexandrie Athènes vers 150-entre 211 et 216 La philosophie, elle aussi, est œuvre de la providence divine. Stromates, I, 18, 4 providence (synonymes) nom féminin (latin providentia) Personne ou événement qui arrive à point nommé pour sauver...
Synonymes :
- ange gardien

Providence
n. f.
d1./d RELIG (Avec une majuscule.) Volonté divine, considérée comme la sagesse qui gouverne le monde. Les voies de la Providence.
d2./d Fig. Personne qui aide, secourt comme par miracle.
Par ext. Ce refuge est une providence pour les randonneurs.
(En appos.) état providence.
————————
Providence
v. et port des È.-U., capitale de l'état de Rhode Island; 160 700 hab. (aggl. urbaine 1 095 000 hab.). Industries.

⇒PROVIDENCE, subst. fém.
A.— Vx. Protection prévoyante. Providence maternelle. La providence du prince doit s'étendre sur tous ses sujets (Ac. 1935). Jamais (...) je n'aurais été plus triste (...) sans l'aimable et charmante compagnie que j'avais près de moi et qui m'entourait de sa providence (MICHELET, Journal, 1853, p. 223). Continuez-moi votre providence. Meurice et vous, vous êtes mes Dioscures (HUGO, Corresp., 1867, p. 70) :
1. Il se jetait à la tête des chevaux emportés et se mettait à la poursuite des chiens enragés. Sa providence s'étendait sur les riches et les heureux.
A. FRANCE, P. Nozière, 1899, p. 87.
B.— [Souvent avec une majuscule] Puissance supérieure, divine, qui gouverne le monde, qui veille sur le destin des individus. Malédiction! (...) est-ce qu'il y aurait réellement une Providence qui me poursuivrait et me terrasserait à la veille du triomphe? (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 126). C'est une pensée à quoi l'homme s'abandonne volontiers, qu'une Providence aurait spécialement veillé sur lui, bâti sur lui de grands projets (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 291) :
2. Gamelin n'avait jamais nié l'existence de Dieu; il était déiste et croyait à une providence qui veille sur les hommes...
A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 170.
En partic. [Le plus souvent avec une majuscule] Le sage gouvernement de Dieu, sa suprême sagesse; p. méton., Dieu en tant que gouvernant le monde. La Providence m'a fait porter une croix, une lourde croix (...). C'était ainsi, voilà tout, une fatalité (BERNANOS, Joie, 1929, p. 586). Mon Dieu, il m'était doux (...) parmi le jeu favorable des événements, de m'abandonner à votre Providence (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 94) :
3. Ô du puissant Allah providence adorable!
S'écria le dervis : plutôt qu'un innocent
Périsse sans secours, tu rends compatissant
Des oiseaux le moins pitoyable!
FLORIAN, Fables, 1792, p. 118.
SYNT. La Providence de Dieu; la divine, la sainte Providence; action, bienfait, bonté, conseil, décret, dessein, doigt, main, miracle, ordre, plan, voies, vues de la Providence; bénir, remercier la Providence; douter de la Providence; se fier, s'en remettre à la Providence; avoir foi dans la Providence.
Loc. adj., vieilli. De providence. Synon. de providentiel (v. ce mot A). Je ne pense plus sortir (...) de ce Cayla où Dieu m'a mise, (...) où tout ce qu'il me faut m'arrive (...) par quelque moyen inattendu et de providence (E. DE GUÉRIN, Journal, 1840, p. 328). [1860] Année considérable dans ma vie par de grands travaux imprévus et tout de Providence (DUPANLOUP, Journal, 1860, p. 218).
P. méton. [Toujours avec une majuscule] (Filles, sœurs de la) Providence. Congrégation féminine placée sous le patronage de la Providence. Sermon du missionnaire de carême. (...) Besoin de flagorner les auditeurs : « Je sais que vous secourez beaucoup les pauvres ». Cela pour les dames de la Providence ou autres groupes du même genre (BLOY, Journal, 1902, 87). Jusqu'à l'âge de six ans, je fréquentai l'asile tenu par les religieuses de la Providence (BILLY, Introïbo, 1939, p. 21).
C.— P. exagér. [Rarement avec une majuscule] Personne ou chose qui contribue grandement au bonheur, à la fortune de quelqu'un, qui en est le secours. Cet auteur est la providence des libraires (Ac.). La mythologie est la providence des mauvais poètes en Italie comme en France (STENDHAL, Rossini, 1823, p. 324). Demander le gênait même dans le téléphone, providence des timides (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 811) :
4. Les deux enfants (...) suivaient sans dire mot Gavroche et se confiaient à cette petite providence en guenilles qui leur avait donné du pain et leur avait promis un gîte.
HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 159.
En appos. ou en compos. Jimmy Carter (...) ne croit pas à l'État-Providence ni aux subventions massives pour remédier à tous les maux (L'Express, 17 mai 1976, p. 78, col. 2) :
5. Et, bouc qui bêle, agneau qui danse,
Dorment dans les bois hasardeux
Sous ce grand spectre Providence [le berger]
Qu'ils sentent debout auprès d'eux.
HUGO, Contempl., t. 2, 1856, p. 304.
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 « prévision, vues pour l'avenir » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 27194); fin XIIIe s. « prévoyance, prudence » (Estories Rogier, B.N. 20125, f° 55b ds GDF.); 2. a) ca 1223 « suprême sagesse par laquelle Dieu conduit tout » (GAUTIER DE COINCY, Miracles N.D., éd. V. F. Kœnig, I Mir 10, 433); b) 1665 « Dieu gouvernant la création » (LA ROCHEFOUCAULD, Œuvres, éd. D. L. Gilbert, t. 1, p. 259); c) 1689 être une providence « être une ressource (en parlant des choses) » (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Monmerqué, t. 9, p. 100); 1718 être la providence de qqn « pourvoir à tous ses besoins, veiller à son bonheur, à ses intérêts » (MASSILLON, Petit carême, Humanité des grands, éd. F. Colincamp, p. 99). Empr. au lat. providentia « prévision, prévoyance, la Providence, Dieu » dér. de providere « voir en avant, prévoir, pourvoir à » (pourvoir). L'a. fr. dit aussi porvëance (ca 1160 ds T.-L.) au sens de « providence » et de « prévoyance ». Fréq. abs. littér. :2 123. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 5 013, b) 4 405; XXe s. : a) 1 590, b) 1 433.

providence [pʀɔvidɑ̃s] n. f.
ÉTYM. 1170, « prévoyance »; 1223, relig.; lat. providentia, de providere « pourvoir ».
1 Sage gouvernement de Dieu sur la création (2.).
(1665). Par ext. Dieu gouvernant la création.REM. En ce sens seulement, providence prend une majuscule, mais cette distinction n'est pas toujours respectée et la majuscule est employée dans les deux sens. — Providence et hasard (cit. 19), et destin. || La divine providence, la providence de Dieu. || Les décrets (cit. 7), les desseins (cit. 9) impénétrables, les conseils, la main (cit. 60) de la Providence. Ciel (IV., 3.). || Arrêt (→ Inévitable, cit. 2), coup de la providence (→ Bellement, cit. 3). || La Providence sait ce qu'il nous faut (cit. 13) mieux que nous. || « Une admirable Providence se fait remarquer dans les nids (cit. 1) des oiseaux… » (Chateaubriand). || La Providence s'acharnait (cit. 5) à la poursuivre. || Trouver un appui (cit. 32) dans la volonté de Dieu et sa Providence. || La providence, vain mot dont on nous abuse (cit. 12).Littér. || Lettre sur la Providence, de Rousseau, réponse au Poème du désastre de Lisbonne, de Voltaire.
1 Mais que la Providence ou bien que le destin
Règle les affaires du monde (…)
La Fontaine, Fables, X, 11.
2 Pour moi, qui vois en tout la Providence, je vois ce canon chargé de toute éternité (…)
Mme de Sévigné, 424, 6 août 1675.
3 La Providence n'est que le nom de baptême du hasard.
Mme de Créqui, cité par Rivarol, Lettres à M. Necker…, in Guerlac. (→ Hasard, cit. 17, Chamfort).
4 Le hasard est une part que la Providence s'est réservée dans les affaires de ce monde, part sur laquelle elle n'a pas même voulu que les hommes pussent se croire aucune influence.
Joseph Joubert, Pensées, X,XXIII.
5 (…) jamais la justice morale (qu'on la nomme fatalité ou Providence, je l'appelle, moi, conséquence inévitable du mal) n'a manqué de punir les infractions à la loi morale.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 250.
6 Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d'autres avec Bossuet nommeront Providence) qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d'un coup l'appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce, juste au moment où elle promettait de mieux aller.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 6 mai 1850.
Loc. fig. Être la providence de qqn (toujours en bonne part), être la cause de son bonheur, combler ses désirs.
2 (1689, Mme de Sévigné). Chose, personne qui est cause de bonheur. || La mère, providence universelle qui suffit à l'enfant (→ Injuste, cit. 4). || Ils'est fait la providence des malheureux (→ Marguillier, cit. 1). Protecteur, secours. || Vous êtes ma providence ! (→ aussi Mousseline, cit. 2).Cette rencontre fut une providence pour lui, une chance. Providentiel.(Pour rendre l'angl. welfare state). || L'État providence, qui assure les besoins de tous, qui pourvoit à tout. → Assistance.
DÉR. Providentialisme, providentiel.

Encyclopédie Universelle. 2012.