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embaumé

⇒EMBAUMÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.— Part. passé de embaumer.
II.— Emploi adj.
A.— [Correspond à embaumer I]
1. Domaine funéraire [En parlant d'un inanimé concr.] Qui a été traité avec des substances balsamiques, antiseptiques, etc., propres à préserver de la corruption. Rien n'indiquait que ce pied eût jamais été chaussé. Il était comme embaumé et conservé à la manière des momies (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 116). Des momies de serpents, de crocodiles, de poissons, d'œufs d'oiseaux, d'animaux de toutes sortes, toutes embaumées et enveloppées de langes (DU CAMP, Nil, 1854, p. 307). On y [dans les caveaux de l'abbaye] avait trouvé les restes parfaitement embaumés et intacts de l'abbesse Aurore (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 32).
Emploi subst. Défunt dont le corps a été embaumé. De son cercueil l'embaumé sort, Démailloté des bandelettes (POMMIER, Enfer, 1853, p. 30). Avant que l'embaumée, aussi dure qu'un marbre, Ait perdu le moindre lambeau (ROLLINAT, Névroses, 1833, p. 263). Des embaumés de l'Égypte (ARTAUD, Théâtre et double, 1938, p. 156).
P. anal. On utilisait rarement les autres pièces : un salon embaumé dans la naphtaline (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 77).
2. P. métaph. [En parlant d'une chose abstr. ou d'une pers. considérée dans son mode de pensée] Qui a été préservé de toute atteinte corruptrice, qui échappe à l'emprise du temps et à ses effets destructeurs. Tout l'immense et compliqué palimpseste de la mémoire se déroule d'un seul coup, avec toutes ses couches superposées de sentiments défunts, mystérieusement embaumés dans ce que nous appelons l'oubli (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 452). Les impressions qu'il avait reçues de cette surprenante chanteuse enveloppaient son âme, l'isolaient, lui faisaient une sorte de prison (...). Il vivait embaumé (BARRÈS, Cahiers, t. 4, 1904-06, p. 249) :
1. Quant au souvenir de Rodolphe, elle l'avait descendu tout au fond de son cœur; et il restait là, plus solennel et plus immobile qu'une momie de roi dans un souterrain. Une exhalaison s'échappait de ce grand amour embaumé...
FLAUBERT, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 56.
B.— [Correspond à embaumer II]
1. Qui est imprégné d'une odeur suave, qui sent bon.
a) [En parlant d'une chose concr.] Brise, jardin, lilas embaumé(e). Les vapeurs odorantes de la cire et de l'huile embaumée qui brillent doucement dans l'albâtre (NODIER, Smarra, 1821, p. 51). Un souffle d'air (...) m'apportait le parfum du jasmin, et ce souffle embaumé semblait s'exhaler de celle qui m'était si chère! (DURAS, Édouard, 1825, p. 166). Il y a entre une danseuse espagnole et une girl anglaise tout ce qui sépare une fleur embaumée d'une fleur sans parfum (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 660) :
2. L'air tiède, embaumé, plein de senteurs d'herbes et de senteurs d'algues, caresse l'odorat de son parfum sauvage, caresse le palais de sa saveur marine, caresse l'esprit de sa douceur pénétrante.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Miss Harriet, 1883, p. 869.
b) [En parlant d'une pers. ou d'une partie de son corps] Bouche, haleine embaumée. La grande Aphrodite, caressante et laissant Courir sur son dos sa chevelure embaumée (BANVILLE, Exilés, 1874, p. 148). Il la [Albine] préférait, elle, aussi fraîche, aussi embaumée; et elle ne se fanait pas, elle gardait toujours l'odeur de ses mains, l'odeur de ses cheveux, l'odeur de ses joues (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1326).
Subst. masc., arg. ,,Jeune homme élégant dans le jargon parisien (...) fit fureur pendant la saison d'été 1885-1886. De la Bastille à la Madeleine, l'embaumé règne en maître absolu (Voltaire, décembre 1885)`` (FUSTIER, Suppl. dict. Delvau, 1889, p. 532).
Rem. 1. Attesté aussi ds CARABELLI [Lang. pop.] et ds Lar. 19e Suppl. 1890, Nouv. Lar. ill. (qui le considère déjà comme révolu : ,,A été un moment synon. de gommeux, petit-crevé``), Lar. 20e. 2. Une attest. évoque cette accept., mais à la forme adj. : Impures et gommeux, foule embaumée et laide (LORRAIN, Modern., 1885, p. 107).
2. P. métaph. [En parlant d'une chose abstr.] Qui évoque, par sa douceur, son charme, la suavité du baume, d'un parfum. Quand je m'éveille dans la nuit, tu verses sur moi ta chevelure de parfum; mes rêves sont embaumés quand je rêve de toi (QUINET, Ahasvérus, 1833, 2e journée, p. 131). Les chemins embaumés du sommeil (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 28). Sensations, sentiments, pensées, tous les éléments de la vie psychologique se prenaient l'un après l'autre. Chaque jour ils devenaient plus embaumés, plus colorés, plus pathétiques, par une chose indéfinissable (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 159) :
3. Plus avec toi de solitude fade,
Portrait divin! car un portrait aimé,
C'est une amie au langage embaumé,
C'est pour mon cœur suave sérénade
Que berce un vent tout parfumé.
BOREL, Rhapsodies, Au médaillon d'Iseult, 1831, p. 54.
En partic. Qui tient des propos flatteurs. La persuasion aux lèvres embaumées (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 37). Affreux souffle embaumé de la bouche pourrie! Crime! Ô le plus hideux des meurtres, flatterie! (HUGO, Pitié supr., 1879, p. 107).
Fréq. abs. littér. :488. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 111, b) 904; XXe s. : a) 466, b) 361.

Encyclopédie Universelle. 2012.