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SPALTUNG
SPALTUNG

SPALTUNG, psychanalyse

Traduit en français, suivant les usages qu’on en fait, par «séparation», «clivage» ou «dissociation», le terme allemand Spaltung n’est lui-même que la traduction par Freud d’une expression fréquente dans la psychiatrie française du XIXe siècle, celle de «double conscience», utilisée en particulier par Pierre Janet. Pour celui-ci, le clivage de la conscience est «un trait primaire de l’affection hystérique. Il repose sur une faiblesse innée de la capacité de synthèse psychique [...], signant la dégénérescence des individus hystériques» (cité par Freud dans Les Psychonévroses de défense , 1894). De leur côté, Josef Breuer et Sigmund Freud considèrent d’abord que l’hystérie est marquée par l’apparition d’états de conscience particuliers qu’ils définissent comme des «états hypnoïdes», proches de l’état de rêve et caractérisés par une difficulté à associer; le clivage de conscience est donc secondaire; il provient du fait que les représentations qui émergent sont coupées de la communication associative avec le reste du contenu de la conscience (Sur le mécanisme psychique des phénomènes hystériques , 1893, repris in Études sur l’hystérie , 1895). Mais cette notion de conscience hypnoïde reste bien vague... On pourrait alors s’arrêter à la définition que Eugen Bleuler donne de la Spaltung comme trouble fondamental de la pensée schizophrénique: la dissociation intrapsychique, selon lui, rend le sujet incapable d’organiser un discours suivant les voies de la signifiance et de l’association traditionnelles.

Reprenant cette perspective, mais en donnant à la notion de clivage un sens radicalement différent, Freud va, en 1924, étendre celle-ci au champ de la psychose, dans laquelle, à ses yeux, le moi se laisse emporter par le ça et se détache d’un morceau de la réalité («La Perte de la réalité dans la névrose et la psychose», in Névrose, psychose et perversion , 1925). Du clivage de conscience, il passera bientôt, en 1927, au clivage du moi (Ichspaltung ) tel qu’il s’effectue dans le fétichisme: «D’une part, ils [les fétichistes] dénient le fait de leur perception qui leur a montré le défaut de pénis dans l’organe génital féminin.» Ils remplacent alors ce «défaut» par le fétiche, substitut du pénis manquant. «D’autre part, ils reconnaissent le manque de pénis chez la femme dont ils tirent les conséquences correctes. Ces deux attitudes persistent côte à côte tout au long de la vie sans s’influencer mutuellement. C’est là ce qu’on peut nommer un clivage du moi.» Ainsi se trouve décrit un processus différent du refoulement puisque, au lieu de résoudre deux données contradictoires par une formation de compromis, il n’aboutit qu’à les maintenir séparés et «côte à côte». Autrement dit, il y a clivage entre deux attitudes, l’une fondée sur le désir, l’autre sur la réalité. L’objet fétiche (pied, fourrure, lingerie, chaussure) est retenu «comme dernier moment du déshabillage», alors qu’on a pu encore penser que la femme est phallique. Cette répression spécifique d’une représentation, Freud la dénomme désaveu (Verleugnung ), réservant dès lors le terme de refoulement (Verdrängung ) au cas de l’affect. Plus tard encore, à la fin de sa vie, il élargira la fonction du clivage, faisant de celui-ci un mécanisme plus général présent chez tout névrosé. L’une des attitudes est alors «le fait du moi, tandis que l’attitude opposée, celle qui est refoulée, émane du ça» (Abrégé de psychanalyse , chap. VIII, 1938).

Pour sa part, Melanie Klein, à partir de certaines remarques de Freud (moi-plaisir, moi-réalité) et dans le cadre d’une réflexion sur la relation entre le sujet et l’objet, introduira la notion de clivage pour dissocier celui-ci en bon et mauvais objet. Enfin, à la notion freudienne de clivage du moi, Jacques Lacan préfère celle de la « refente du sujet», qui fonde elle-même la refente de l’objet phallique («Position de l’inconscient», 1960, in Écrits , 1966).

spaltung [spaltuŋ] n. f.
ÉTYM. V. 1970; mot all. spécialisé en psychol. par Bleuler « dissociation schizophrénique ».
Psychan. Clivage du moi (chez Lacan, « refente »).

Encyclopédie Universelle. 2012.