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BARCELONE
BARCELONE

BARCELONE

Barcelone est tout à la fois deuxième ville d’Espagne, capitale de la Généralité catalane, métropole européenne et méditerranéenne. Elle doit cette place à sa population, celle d’une grande cité: 1 623 542 habitants intra-muros en 1991, une ceinture de banlieues qui double pratiquement ce chiffre, et une province de 4 577 396 âmes. Cette place est aussi le reflet d’une économie forte. De grandes entreprises espagnoles et les filiales espagnoles de sociétés étrangères ont ici leur siège et leurs établissements pilotes. La chimie, le textile, l’alimentation, l’édition, l’automobile sont présents depuis longtemps. Au fil des rues, des zones industrielles, les noms succèdent aux marques et déclinent un pôle puissant: Bayer, Chupa-Chups, Danone, Hachette-Salvat, Hoechst, Nissan, Planeta, V.W.-Seat, Zeta.

Autour de ces groupes productifs, une économie de service s’est développée et a gagné autonomie et rayonnement. La Caixa est le symbole de la puissance bancaire et d’un secteur riche en cabinets publicitaires, de «design» et autres bureaux d’études. L’activité portuaire, les mouvements de la gare de Sants et de l’aéroport de Prats, l’attraction des nombreux salons organisés par la Fira de Barcelone permettent de prendre le pouls d’une conurbation rayonnante et en expansion continue depuis un siècle et demi. La province de Barcelone est traditionnellement la première des provinces espagnoles exportatrices, en valeur.

Cette richesse lui a permis de revendiquer un rôle de capitale morale et culturelle. Barcelone est un foyer artistique ancien et toujours aussi vivant. La ville, nourrie par un apport biculturel traditionnel, catalan et castillan, cultive sa mémoire et garde une grande force créatrice. Une sorte de chaîne culturelle unit aux quatre points cardinaux de la ville la fondation Thyssen et le Musée catalan consacrés à l’art roman, le musée d’Art moderne installé dans un remarquable bâtiment du XVIIIe siècle, la rétrospective permanente consacrée à Gaudí et à l’Art nouveau (au cœur de l’édifice le plus emblématique et le plus inattendu, la cathédrale Sagrada Familia), le musée Picasso et les fondations Miró et Tàpies. Cet ensemble public a favorisé l’éclosion et la permanence d’un réseau de galeries, témoins d’une créativité en mouvement. Le théâtre et l’art lyrique contribuent également à cette vitalité. Le temple de l’Opéra, le Liceu, est sans doute affecté durablement par le grave incendie qui a détruit salle et scène en 1993. En revanche, de grandes troupes ont donné depuis les années 1980 une dimension universelle au théâtre catalan: Els Comediants, La Furia dels Baus, Els Joglars. Plus récemment, la création d’un salon international de la bande dessinée a révélé que, sur ce terrain, il fallait tenir compte d’une école aux multiples facettes, renouvelée par les auteurs de la revue sulfureuse El Vibora .

Le rythme et la couleur cosmopolite sont incontestablement ceux d’une métropole. Immigrés andalous, africains, marocains, latino-américains, touristes, marins, hommes d’affaires se mêlent aux autochtones dans quelques lieux privilégiés qui ont fabriqué le feuilleté humain si particulier à Barcelone: le métro, l’avenue piétonnière des Ramblas qui dévale vers le port, les grands magasins de la place de Catalogne, le marché aux timbres de la place du Roi, les deux parcs d’attraction, les cynodromes, le Paralello, lieu de l’encanaillement familial, près du quartier «chaud» du barrio Chino, la grande promenade maritime qui a réconcilié la mer avec la cité en 1992, et, bien sûr, le Camp nou, terrain du Barça, club de football de la ville. Ces croisements fortuits et permanents ont cuisiné et assemblé des saveurs humaines et linguistiques. Le catalan, qui est chez lui, a imposé la nova canço de Lluis Llach. Mais d’autres musiques ont apporté et imposé leur présence, en catalan ou en castillan: les habaneras cubaines, les rumbas du Sud, le jazz et le rock anglo-saxons, les coplas et les sévillanes. Consécration suprême, la ville a su créer et faire connaître ses réalités sous forme de symboles simples et universels. Barna, son diminutif, la représentation de ses bâtiments fétiches, la Sagrada Familia, la statue de Christophe Colomb, le stade de Camp nou ont fait le tour du monde. L’Exposition universelle de 1888 et les jeux Olympiques de 1992, qui restent inscrits dans la pierre et les quartiers, les ont popularisés aux quatre coins de la Terre. Les locaux comme Manuel Vazquez Montalban promènent de «polar» en «polar» les lecteurs les plus divers de rue en rue sur les traces du détective gastronome Pepe Carvalho. Signe d’une magie urbaine rare, bien des écrivains étrangers ont inscrit Barcelone dans leur parcours initiatique, de Jean Genêt à André Pieyre de Mandiargues et George Orwell.

Mais cette fascination et ce rôle auraient-ils été aussi évidents si Barcelone n’avait pas retrouvé en 1980 sa place de capitale, ambiguë mais bien réelle? Barcelone a un passé souverain prestigieux. Il en reste un palais royal moyenâgeux, celui des ducs de Barcelone. Un autre palais royal, celui des Bourbons, est un peu à l’écart. Ce palais est celui des rois de Madrid quand ils viennent à Barcelone, ces Bourbons qui avaient brutalement suspendu les derniers privilèges catalans le 11 septembre 1714. La Catalogne, depuis lors, célèbre ce deuil comme sa fête nationale et n’a jamais renoncé à les retrouver. La Généralité, institution inclassable, concrétise depuis 1980 la réalisation de cette aspiration. Barcelone est donc aujourd’hui capitale d’une Catalogne dotée d’un drapeau, d’une langue officielle, d’un président, d’un gouvernement, d’un parlement, de compétences multiples matérialisées par l’apparition d’une police autonome, d’un journal officiel et de deux chaînes de télévision. Cette autorité est concurrencée par la municipalité qui a retrouvé en 1979 une légitimité démocratique. Place Sant Jaume, le palais de la Généralité et celui de l’«Ajuntament», la mairie, se font symboliquement face. Cette capitale reste pourtant la deuxième ville d’Espagne, reliée à Madrid par un pont aérien, de nombreux intérêts partagés, une concurrence économique et culturelle stimulante et une guerre administrative et politique incessante.

Barcelone
ville d'Espagne, port import. sur la Médit.; 1 707 280 hab.; cap. de la communauté auton. de Catalogne; ch.-l. de la prov. du m. n. Grand centre industr.
Cath. goth. Ste-Eulalie (XIVe-XIXe s.), égl. Santa María del Mar (XIVe s.), égl. de la Sagrada Familia, de Gaudí (1884, inachevée). Jeux Olympiques de 1992.
De juillet 1936 au 25 janv. 1939, la ville résista aux troupes franquistes.

Encyclopédie Universelle. 2012.