TIME
TIME
Premier élément d’un gigantesque empire de presse dont l’histoire est intimement liée à l’action d’une des plus fortes personnalités du journalisme américain, Henry R. Luce (1903-1967), et à son ami Britton Hadden. La création du Time Weekly News en 1923 correspond pour eux à une réflexion approfondie sur les fonctions du «quatrième pouvoir»: la presse. Les gens ne sont en effet pas informés, car aucune publication ne s’est adaptée au temps que des gens occupés peuvent consacrer à la simple information; d’où la formule originale du Time .
Tirant son information brute du New York Times , le nouvel hebdomadaire recourt à un rewriting simplificateur destiné à l’homme pressé, mais désireux de tout savoir sur tout en quelques phrases: les articles sont classés en une vingtaine de rubriques et organisés par thèmes d’intérêt; tous les sujets sont traités dans un esprit qui les destine à un lecteur déjà très occupé, au Time’s busy man , qui dispose d’une centaine d’articles dont aucun ne dépasse quatre cents mots. En outre, le style donné par Britton Hadden tranche par l’emploi fréquent de néologismes et le recours à des termes peu usités. Ces innovations valent à la revue un rapide et franc succès: vendu au prix de quinze cents, son tirage dépasse en 1926, après trois ans d’existence, 110 000 exemplaires; en 1929, le cap des 200 000 est franchi; la même année, Hadden meurt.
En dépit de la crise de 1929, Time poursuit sa réussite commerciale: en 1931 débute sur la chaîne de radio C.B.S. une émission, March of Time, à la gloire du magazine; en 1935, c’est une version cinématographique de l’émission qui est réalisée. La société Time Incorporated voit ses publications se multiplier dans des domaines spécialisés: successivement naissent Life (1936), Fortune , destiné aux hommes d’affaires, Sports Illustrated , House and Home , Architectural Forum . Hebdomadaire de politique générale, Time , après le rachat par Luce du Literary Digest en 1938, occupe une part prédominante du marché; son seul concurrent direct sera News Week , propriété du groupe Washington Post.
Le groupe Time Inc. est devenu une multinationale multimédia largement diversifiée qui emploie plus de 16 000 personnes et se classe parmi les 250 premières sociétés américaines. Outre l’hebdomadaire Time (près de 5 millions d’exemplaires diffusés aux États-Unis et 1,3 million à l’étranger, dont 500 000 exemplaires en Europe) et les magazines Sports Illustrated , People , Fortune et Money , le groupe a relancé Life — dont la parution avait été suspendue entre 1972 et octobre 1978 — sous forme d’un mensuel d’images. Il contrôle également le groupe Pioneer Press, qui publie dix-sept hebdomadaires dans la banlieue de Chicago. En février 1978, le groupe tente de pénétrer le marché de la presse quotidienne en acquérant le Washington Star , mais la publication cesse en août 1981, le déficit du journal atteignant 80 millions de dollars. Il s’intéresse également à l’édition tant aux États-Unis qu’en Europe. Il investit dans la télévision par câble (Manhattan Cable TV), la production vidéo (Time Life Films), la pâte à papier et les sous-produits du bois (meubles, cartons, emballages) et enfin dans les assurances, l’informatique et l’imprimerie lourde. En mars 1989, le groupe Time absorbe la société Warner (cinéma, télévision et disques), ce qui lui permet de renforcer ses positions sur le marché de l’audiovisuel américain et international. Le groupe Time-Warner est aujourd’hui un des premiers groupes mondiaux de communication.
Réussite commerciale et financière, Time recouvre une certaine philosophie politique faite d’idéaux américains, tels l’individualisme et la libre entreprise. Proche des milieux financiers et opposé aux mesures interventionnistes adoptées par Franklin D. Roosevelt, Time prend parti sans ambiguïté contre sa politique de New Deal, et son directeur préfère encourager les Américains à «gagner de l’argent et à en être fiers»; tel est, selon lui, le seul moyen pour échapper à la «lutte des classes», mal indigne de l’Amérique; hostile aux libéraux et aux démocrates, Time est naturellement du côté républicain. Luce considère l’objectivité du journaliste comme un mythe et, dans un article historique publié pour le vingt-cinquième anniversaire du journal, écrit: «Quelle est la différence entre impartialité et honnêteté? Le journaliste responsable prend parti quant à l’interprétation des faits qui lui semblent correspondre aux événements tels qu’ils se sont déroulés. Il est honnête en ne dénaturant pas les faits pour soutenir son point de vue et en ne passant pas sous silence les événements qui pourraient infirmer ses idées.»
Luce disparu, le magazine évolue: Hedley Donovan, son successeur, a fait appel pour le rénover à Anatole Grunwald, journaliste d’origine viennoise entré au Time comme pigiste en 1944. Celui-ci veut un magazine «plus intelligent» et «plus intellectuel». Évoluant aussi vers plus d’objectivité, Time n’a pas pour autant changé d’orientation politique: le «conservatisme progressif» de Grunwald continue à faire de l’hebdomadaire, qui tire aujourd’hui à plus de 6 millions d’exemplaires, un partisan nuancé de «la loi et de l’ordre», chers aux républicains.
Encyclopédie Universelle. 2012.