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TRISTAN ET ISEULT
TRISTAN ET ISEULT

TRISTAN & ISEUL

L’histoire de Tristan et d’Iseult, liés à jamais par un amour fatal, est passée vers le milieu du XIIe siècle de la littérature galloise (où on le trouve dans certains des Mabinogion et dans des Triades ) à la française. Malheureusement, les deux principaux romans-poèmes initiaux, celui de Thomas et celui de Béroul, n’ont survécu qu’à l’état d’importants fragments (environ 3 000 vers de Thomas et 4 500 de Béroul). D’autres textes ne traitent qu’un épisode de la légende, ainsi le Lai du chèvrefeuille de Marie de France ou l’anonyme Folie Tristan . Un peu plus tard, deux poèmes allemands adaptent les textes français, nous conservant ainsi l’écho des passages perdus: ainsi celui d’Eilhart von Oberg, qui reprend Béroul, et celui de Gottfried von Strassburg (très supérieur littérairement), qui reprend Thomas. Enfin, vers 1230, apparaît un Tristan en prose, véritable roman-fleuve qui amalgame à toute l’histoire des chevaliers de la Table ronde celle, bien à part jusque-là, de Tristan; dès lors le mythe se dégrade en se multipliant dans les allusions, les reprises et les adaptations. Beaucoup d’écrivains ont tenté ou rêvé, à partir des plus anciens textes mutilés, de reconstituer un Tristan à la fois authentique et relativement complet; celui qui, incontestablement, y a le plus poétiquement et le plus fidèlement réussi est Joseph Bédier (Le Roman de Tristan et Iseult , 1900) dont la fusion, prenant Béroul comme texte de base, en utilisant Thomas, Eilhart et Gottfried pour le compléter, aboutit à une reconstitution en passe de devenir classique.

Les épisodes principaux de la légende se trouvent dans presque toutes les versions. Malheurs accumulés sur la tête de Tristan, orphelin de mère dès sa naissance, fils d’un roi détrôné du Léonois, neveu du roi Marc de Cornouaille. Première expédition de Tristan en Irlande, où il tue le géant Morholt et s’attire par là l’inimitié d’Iseult la Blonde, parente ou fiancée de Morholt. Retour en Irlande, où il vient demander la main d’Iseult pour son oncle Marc. Sur le bateau qui les conduit en Cornouaille, ils boivent par erreur le philtre magique d’amour destiné aux noces d’Iseult et de Marc. L’amour secret de Tristan et d’Iseult finit par être découvert à Marc par des traîtres. Condamnés à mort, ils s’échappent. Marc finit par les retrouver endormis, séparés par l’épée (symbole de chasteté) de Tristan, et leur pardonne. Ils acceptent de se séparer. Tristan retourne en Bretagne, où il épouse une autre Iseult (Iseult-aux-blanches-mains). Blessé à mort dans un combat, il fait appeler Iseult la Blonde à son chevet. La jalousie d’Iseult-aux-blanches-mains lui fait croire qu’elle ne vient pas; Tristan meurt désespéré; Iseult la Blonde, accourue au premier appel, débarque et tombe morte sur le corps de son bien-aimé.

C’est sur cette donnée que Richard Wagner écrit son Tristan und Isolde (livret composé en 1847, partition achevée en 1859, première exécution à Munich en 1865), mêlant aux vieux mythes le pessimisme schopenhauérien, l’exaltation de la nuit et de la mort, l’affirmation que le jour est le royaume du mensonge et la nuit celui de la vérité. «Ce royaume, écrit Wagner, le nommerons-nous la mort, ou bien est-ce le royaume enchanté de la nuit, duquel, ainsi que le conte la légende, un lierre et une vigne surgirent étroitement enlacés sur la tombe de Tristan et d’Isolde?»

Bien plus tôt, il écrivait déjà à Liszt: «Comme dans toute mon existence je n’ai jamais goûté dans sa perfection le bonheur de l’amour, je veux, à ce plus beau de tous les rêves, élever un monument, un drame au cours duquel ce désir d’amour sera satisfait jusqu’au complet assouvissement; j’ai dans la tête le plan d’un Tristan et Isolde — une œuvre absolument simple où déborde la vie la plus intense; et dans les plis du drapeau noir qui flotte au dénouement, je veux m’envelopper pour mourir.»

L’acte premier se passe sur le pont du navire qui ramène Isolde, princesse d’Irlande, en Cornouaille, où elle doit épouser le roi Marke. La princesse envoie sa suivante Brangäne chercher Tristan; mais celui-ci évite Isolde. Elle raconte alors comment ils se sont rencontrés. Blessé après avoir tué son fiancé Morolt, Tristan s’est caché sous un faux nom pour qu’elle le soigne. Un jour, ayant reconnu le meurtrier de son fiancé, elle a voulu le tuer; mais le regard de Tristan l’a désarmée. À présent, elle crie sa douleur d’être destinée à un homme qu’elle n’aime pas. Brangäne lui apporte le coffret contenant les philtres; la princesse y choisit un poison qu’elle offrira à Tristan. La terre est en vue; il entre; elle lui tend la coupe; il sait qu’elle veut l’empoisonner, mais il boit sans hésitation. Isolde lui reprend la coupe et achève de la vider. À ce moment où l’un et l’autre attendent la mort, ils n’ont plus à dissimuler leur amour; ils s’étreignent passionnément; mais Brangäne a substitué le philtre d’amour au poison. Tandis qu’ils restent enlacés, le navire aborde.

À partir du deuxième acte, les amants s’abandonnent sans résistance à la passion qui les domine. Isolde, malgré les conseils de prudence de Brangäne, éteint la torche qui brûle devant la porte du château et agite son écharpe blanche sur un rythme de plus en plus rapide. C’est le signal convenu; Tristan accourt. Les amants s’embrassent et chantent leur passion. Ils disent leur joie de se revoir et rêvent ensemble. L’amour leur révèle que son vrai domaine n’est pas le jour, la vie, mais la nuit et la mort. «Parmi les vaines erreurs du jour, un seul désir lui reste, une ardente aspiration vers la nuit sainte ou éternelle, l’unique vérité, la volupté d’aimer lui sourit.» C’est dans la nuit seulement que leurs deux êtres pourront se confondre en un seul. Par deux fois Brangäne les met en garde; ils ne l’écoutent pas. Le roi Marke les surprend. Tristan, frappé d’un coup d’épée par le traître Melot tombe dans les bras de son écuyer.

Au troisième acte, Tristan est dans son château, à Kareol. Blessé à mort, il attend la venue d’Isolde. Tant qu’elle voit le jour, il ne peut mourir loin d’elle. Mais elle tarde; aucune voile à l’horizon; le désespoir le plus affreux étreint son âme. Le navire est annoncé; Tristan se dresse sur sa couche, arrache le pansement de sa blessure et veut se précipiter vers l’aimée, mais ses forces le trahissent. Il tombe; Isolde arrive; elle s’élance vers le mourant et l’entend prononcer une dernière fois son nom; il meurt dans ses bras. Marke paraît: il pardonne et vient pour unir les amants. Mais Isolde commence une extatique mélodie; il lui semble que Tristan vit et que leurs deux âmes unies pour toujours s’élèvent ensemble dans l’éther. Sans désespoir, sans violence, elle entre souriante dans l’ombre de la nuit qui l’enveloppe et s’abîme doucement avec son ami dans la douce paix de la mort.

Tristan et Iseult
légende médiévale d'origine celtique: parfait chevalier breton, Tristan part pour l'Irlande demander la main d'Iseult la Blonde pour son oncle, le roi Marc. Mais sur le bateau qui les ramène en Cornouailles, Tristan et Iseult boivent par erreur un philtre magique et s'aiment d'un amour éternel. Cette légende a inspiré à Béroul et à Thomas d'Angleterre leurs poèmes (Tristan, XIIe s.), à Marie de France le Lai du chèvrefeuille (XIIe s.) et à Wagner le drame lyrique de Tristan et Isolde (1857-1859, représenté en 1865).

Encyclopédie Universelle. 2012.