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TRÉSOR PUBLIC
TRÉSOR PUBLIC

TRÉSOR PUBLIC

Si l’origine du Trésor public remonte à Philippe Auguste, ce n’est qu’au début du XIXe siècle, avec les réformes introduites par le comte Mollien (notamment la création d’une caisse unique, la Caisse de service), que le Trésor apparaît sous les traits qu’il présente aujourd’hui. Aucune institution distincte de l’État, à aucun moment de son histoire, n’a été créée pour concrétiser l’existence du Trésor. Celle-ci est tout au plus illustrée par la présence au sein du ministère de l’Économie et des Finances d’une direction du Trésor. Pourtant, bien qu’il ne possède ni personnalité juridique ni autonomie financière, le Trésor peut être considéré comme la «personnalisation» monétaire et financière de la puissance publique: le Trésor est en effet l’État envisagé en tant que caissier et banquier. Pendant longtemps, le Trésor a principalement eu un rôle de caissier: sa tâche était d’assurer à tout moment l’équilibre entre les flux de recettes et les flux de dépenses de toute nature enregistrés par les comptables publics. Le Trésor devait veiller à ce que chaque soir son compte courant à la Banque de France, qui matérialise l’unicité de caisse, soit soldé; c’est-à-dire que l’éventuel découvert de gestion constaté en fin de journée, après prise en compte des opérations courantes de trésorerie, puisse être immédiatement apuré par tirage sur les concours mis directement à sa disposition par la Banque centrale (essentiellement le plafond d’avances). Cet objectif n’a pu à maintes reprises, au moins jusqu’en 1958, être respecté. Son rôle de banquier, autrement dit d’emprunteur et de prêteur, s’est considérablement développé du début du XIXe siècle, où sa tâche principale était la gestion quotidienne de la dette publique, au milieu du XXe siècle, et tout particulièrement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec le développement de l’interventionnisme économique de l’État. Sous la IVe République, pour faire face aux importants découverts auxquels conduisait la nécessité de prendre en charge le financement d’une part très élevée des investissements, le Trésor a cherché à recueillir le maximum de ressources. À cette fin, il avait mis en place tant par le biais d’incitations fiscales (bons du Trésor, emprunts à long terme) qu’au moyen de procédés réglementaires contraignants (planchers d’effets publics imposés aux banques, obligations de dépôt au Trésor ou de souscription à des bons spéciaux pour certains correspondants) une technique propre à lui assurer la disposition «automatique» d’une part très importante de l’épargne et des disponibilités monétaires existant dans l’économie. Grâce à ce mécanisme, appelé «circuit du Trésor», ce dernier était généralement à même de trouver les ressources dont il avait besoin, sans qu’il lui soit nécessaire de faire appel à des concours supplémentaires de l’institut d’émission. La «fermeture» du circuit, plus dépendante de la situation monétaire générale que du montant de «l’impasse», n’était pas pour autant nécessairement assurée: les crises de trésorerie de 1953 et 1957 l’ont clairement illustré. Avantageux pour le Trésor, ce système avait pour résultat de fausser profondément la concurrence dans la collecte de l’épargne et était accusé par certains d’être à l’origine des pressions inflationnistes constatées dans l’économie, dans la mesure où il permettait d’importants découverts budgétaires.

Aussi l’État s’est-il efforcé, après la restauration des finances publiques largement réalisée au début des années soixante, de modifier ce régime: les soucis d’orthodoxie financière vont se traduire à partir de 1963 par une transformation profonde du rôle exercé par le Trésor. Celle-ci est caractérisée à la fois par la «débudgétisation» de certaines charges auparavant financées dans le cadre de la loi de finances et par une «neutralisation» plus marquée des mécanismes de collecte des liquidités. La politique de débudgétisation, rendue nécessaire par la volonté d’assurer le retour progressif à un strict équilibre du budget sans accroissement notable de la pression fiscale, a eu pour résultat de reporter le financement de certaines dépenses soit sur quelques grands organismes «satellites» du Trésor, soit directement sur le marché financier. Ainsi la Caisse des dépôts s’est-elle vu confier, à compter de 1964, la charge, autrefois directement assurée par le budget, de la consolidation des prêts spéciaux à la construction et du financement du logement social. En ce qui concerne les entreprises publiques, bénéficiaires principales des prêts du Fonds de développement économique et social jusqu’en 1962 qui absorbaient plus de 70 p. 100 de la dotation budgétaire globale inscrite à ce compte spécial du Trésor, l’évolution depuis plus de dix ans va vers une décroissance relative et assez rapide des prêts, celle-ci n’étant qu’en partie compensée par des dotations en capital inscrites dans les opérations à caractère définitif de la loi de finances: une part croissante du financement est obtenue par recours direct au marché financier. Cet appel au marché financier se retrouve à partir de 1969 à la fois pour le téléphone et les autoroutes: plutôt que de développer ses prêts pour accélérer l’équipement du pays dans ces deux domaines essentiels, le Trésor préfère laisser ce soin à des sociétés privées qui se procurent directement leurs ressources par la voie d’émissions obligataires.

Parallèlement à cette diminution de son rôle de prêteur, le Trésor a pu progressivement desserrer sa pression sur l’épargne et amorcer une harmonisation des conditions de concurrence avec les autres réseaux de collecte des liquidités: cette neutralisation est en effet indispensable pour que le relais de financement recherché puisse se réaliser sans heurts.

De nombreuses mesures ont été prises en ce sens. En ce qui concerne les emprunts d’État , si les émissions ne disparaissent pas, elles tendent à se faire plus rares et moins massives et surtout, le plus souvent, elles ne sont plus assorties d’avantages particuliers, fiscaux notamment. Les privilèges fiscaux des bons du Trésor sur formules tendent à diminuer de façon à en rapprocher les conditions des bons de caisse émis par les entreprises et les autres intermédiaires financiers. Quant aux bons en comptes courants , il faut noter que les «planchers» d’effets publics que les banques étaient tenues depuis 1949 de détenir sont en diminution accélérée au cours des années 1960 avant de disparaître complètement en 1967; parallèlement, leur mode d’émission ne se fait plus que par voie d’adjudications sur le marché monétaire, c’est-à-dire en respectant les conditions de concurrence (liberté de souscription, taux déterminé par la situation du marché). Quant aux bons spéciaux , sortes de planchers particuliers maintenus en 1967 pour la Caisse des dépôts et pour la Caisse nationale du crédit agricole et destinés à éviter une décroissance trop brutale des liquidités à la disposition du Trésor, ils n’existent plus depuis le début de 1974, date à laquelle leur amortissement intégral a été réalisé. Certains correspondants du Trésor retrouvent une plus grande liberté de placement de leur trésorerie: ainsi la Caisse des dépôts et le Crédit agricole ne sont-ils plus tenus depuis 1967 de déposer au Trésor l’intégralité de leur trésorerie et, depuis le début de 1974, avec la disparition des bons spéciaux et le renoncement du Trésor à l’utilisation de la mobilisation des prêts spéciaux à la construction pour son compte propre, ils ont même retrouvé une entière liberté de gestion de leurs avoirs liquides; la S.N.C.F. bénéficie depuis 1971 d’un régime similaire; quant au budget annexe des Postes, s’il n’a pas recouvré encore la maîtrise de sa trésorerie, il dispose, depuis 1972, pour ses encours supplémentaires déposés au Trésor, d’une rémunération conforme à celle qu’il obtiendrait sur le marché monétaire.

Ainsi la spécificité du Trésor n’a pas encore totalement disparu mais ses privilèges se sont amoindris sous l’influence d’une politique libérale considérée, à tort ou à raison, comme financièrement indispensable dans une économie largement ouverte sur l’extérieur et toujours davantage soumise à des impératifs de compétitivité. Elle n’est peut-être pas irréversible dans la mesure où sa raison d’être pourrait être amenée à disparaître: en fait le rôle monétaire et financier du Trésor a toujours eu tendance à se développer en période de crise et à se restreindre, au moins relativement, en période d’expansion. Il semble, par ailleurs, que l’efficience économique est maximisée si les compétences fiscales sont réparties entre les diverses collectivités de façon à tirer parti des caractéristiques des différents impôts reçus (élasticité, équité, facilité d’administration).

Si les relations fiscales sont inadaptées entre collectivités, la répartition des ressources peut être gravement compromise. Les compétences budgétaires devraient, dans la mesure du possible, coïncider avec les compétences fiscales afin d’éviter la formation de déséquilibres importants.

Encyclopédie Universelle. 2012.