VERTISOLS
Les vertisols sont des sols argileux, de couleur sombre, qui se fendillent profondément à l’état sec. On les trouve surtout en régions tropicales et subtropicales à alternance de saison humide et de saison sèche. Bien que leurs caractéristiques physiques rendent leur mise en culture difficile, ils ont un potentiel de production considérable.
Caractères morphologiques et physico-chimiques
Les variations de teneur en eau des vertisols s’accompagnent de gonflement et de retrait. Leur richesse en argile, dont une grande partie est du type gonflant (par exemple, montmorillonite), rend ces sols plastiques et collants à l’état humide, alors qu’à l’état sec ils sont durs, compacts et profondément fissurés. Lorsque les fentes de retrait s’emplissent de matériau meuble de surface et que le sol se réhumecte, le gonflement de l’argile donne lieu à de fortes pressions internes. Celles-ci entraînent des glissements d’éléments structuraux qui se reflètent dans le sol par des faces d’agrégats lustrées et striées (slickensides ). Les pressions exercées se traduisent dans le paysage par un microrelief (gilgai ) formé par une alternance de buttes et de petites dépressions. Du comblement des fentes de retrait par des matériaux de surface, suivi d’une remontée d’horizons peu profonds, résulte un brassage (self-mulching ) du sol, d’où le nom de vertisol (du latin vertire , retourner). Ces sols ne présentent pas d’horizons nettement différenciés entre eux: l’horizon A, sombre, passe progressivement à un horizon B de structure, dont la profondeur correspond à celle des fentes de retrait.
Dans les horizons superficiels, le pH varie normalement entre 6 et 7,5; il se situe entre 7,2 et 8,5 dans les vertisols contenant du calcaire. Le pH augmente généralement en profondeur. En raison de leur compacité, ces sols ont une densité apparente élevée, variant de 1,5 à 2; leur capacité d’échange et leur teneur en éléments nutritifs sont grandes.
La majorité des vertisols sont de couleur noire ou grise; toutefois, ils peuvent être bruns ou brun-rouge. Leur teneur en matière organique est relativement faible; leur couleur foncée est due surtout à un complexe stable de matière organique et d’argile, dont la formation semble être favorisée par les conditions d’hydromorphie qui prédominent en saison humide.
Genèse
Les vertisols se forment dans des milieux contenant une quantité suffisante de magnésium et de calcium, nécessaires à la synthèse et à la stabilité des argiles gonflantes. Ces éléments proviennent soit de l’altération de roches basiques – en particulier, de celles qui sont riches en plagioclases, en minéraux ferro-magnésiens ou en carbonates de calcium et de magnésium –, soit d’un enrichissement secondaire à partir des eaux de circulation latérale interne, en bas de pente, ou de ruissellement en terrain plat et dans les dépressions.
La genèse des vertisols est favorisée par un climat chaud et humide permettant l’altération des roches et l’évolution de la matière organique, mais aussi suffisamment sec, par périodes, pour entraîner la fissuration et entraver un lessivage rapide. La migration en profondeur des composés solubles est également freinée par la faible perméabilité et le mauvais drainage interne des matériaux à texture lourde. Ces conditions sont généralement satisfaites quand les sols se forment à partir de matériaux basiques sous des climats présentant des températures moyennes élevées, une pluviométrie moyenne ou faible et une saison sèche marquée. Les vertisols peuvent aussi se former dans les zones arides, là où des inondations se substituent aux pluies d’une saison humide.
Nomenclature et classification
Les vertisols ont été différemment désignés dans diverses régions du globe. Les vocables les plus répandus sont: black cotton soils en Afrique du Sud; black earths en Australie; regurs en Inde; tirs au Maroc; grumusols et vertisols aux États-Unis; smonitza ou smolnitza en Bulgarie, Roumanie et Yougoslavie. Le terme vertisol est devenu l’appellation la plus commune de ces sols.
Après avoir classé les vertisols d’abord dans le sous-ordre hydromorphe à cause de leur engorgement en saison des pluies (1954), ensuite dans la classe des sols calcimorphes en raison de l’importance des éléments alcalino-terreux (1956), la classification française en fait actuellement une classe indépendante (1995).
Dans la classification utilisée par les pédologues soviétiques pour dresser la carte des sols de l’Asie, les sols argileux foncés figurent parmi les sols des zones tropicales et équatoriales, faciès des sols formés sous climats présentant une saison sèche peu marquée. Ces sols sont subdivisés en regurs , que caractérise un horizon de surface grenu, et en sols margalitiques , non grenus.
En Australie, les sols argileux foncés sont rapprochés des grands groupes des terres noires (black earths ) et des sols bruns et gris à texture lourde (gray and brown soils of heavy texture ).
La classification américaine distingue les vertisols au niveau de l’ordre et les subdivise au niveau du sous-ordre en aquerts , cryerts , uderts , usterts , xererts , et torrerts , d’après l’intensité, la fréquence et la durée de la fissuration et les conditions climatiques (1994).
Le système F.A.O. les subdivise en vertisols gypsiques, calciques, dystriques et entriques d’après leur teneur en gypse, calcaire ou leur saturation en bases (1989).
Répartition
La superficie globale occupée par les vertisols est estimée à 300 millions d’hectares, soit une surface comparable à celle de l’Europe occidentale. Ils se rencontrent surtout dans les zones tropicales, subtropicales et tempérées chaudes.
Les vertisols occupent de grandes surfaces en Afrique (Mali, Tchad, Soudan, Afrique du Sud) et en Asie (plateau du Deccan). En Australie, on trouve des zones étendues de vertisols à l’est du Grand Désert. En Amérique du Nord, on les observe principalement dans le centre-sud des États-Unis (Texas et Alabama). En Amérique latine, ils occupent de vastes superficies en Argentine, en Uruguay, dans la partie méridionale du Brésil et au Mexique. En bordure de la Méditerranée, ils occupent des surfaces importantes au Maroc, en Espagne, en Italie (Sicile) et au Portugal. En Europe centrale, ils sont largement représentés en Roumanie, Bulgarie et Yougoslavie.
Utilisation
À cause de leurs propriétés physiques, les vertisols sont difficiles à cultiver, surtout sans engins mécaniques. En conséquence, de grandes surfaces sont demeurées incultes ou sont réservées aux pâturages extensifs. Ils posent aussi de sérieux problèmes pour la construction de routes, de bâtiments et de conduites enterrées. Toutefois, comparés aux autres sols des mêmes zones climatiques, les vertisols offrent des caractéristiques favorables à la production agricole. Ils sont généralement riches en éléments nutritifs, présentent bien souvent une bonne structure superficielle, possèdent une capacité élevée de rétention en eau, une grande activité biologique et, grâce au processus de brassage, résistent à la salinisation excessive en surface.
Avec un labour approprié, une fertilisation rationnelle et un assainissement superficiel en saison humide, les vertisols donnent de hauts rendements en coton (Afrique du Sud, Soudan, États-Unis), en blé (Australie, Portugal), en canne à sucre (Hawaii, Indonésie), en riz (Indonésie, Inde).
Les vertisols occupent une place de choix parmi les ressources en terres encore disponibles pour l’accroissement de la production agricole mondiale.
Encyclopédie Universelle. 2012.