ajournement [ aʒurnəmɑ̃ ] n. m.
1 ♦ Anciennt Assignation à comparaître à jour fixe devant un tribunal.
2 ♦ (1751) Renvoi à une date ultérieure ou indéterminée. ⇒ remise. Le ministre a demandé l'ajournement du débat. Ajournement d'un procès. Ajournement des Chambres : suspension de la session des Chambres par le gouvernement pour un temps indéterminé.
♢ Renvoi d'un conscrit (ajournement d'incorporation) à une nouvelle séance du conseil de révision, d'un candidat à une nouvelle session d'examen.
3 ♦ Fait de remettre à plus tard les décisions, d'atermoyer. ⇒ atermoiement, procrastination, retard. Cette habitude « de l'ajournement perpétuel » (Proust).
● ajournement nom masculin Action d'ajourner quelqu'un, quelque chose. Décision prise par une assemblée délibérante de renvoyer à une date ultérieure la discussion d'un texte de loi, la tenue d'un débat, etc. Décision de renvoi à un nouvel examen médical d'aptitude au service national des jeunes gens qui ne peuvent être momentanément déclarés aptes ou exemptés. ● ajournement (expressions) nom masculin Ajournement de peine, faculté, pour un tribunal correctionnel ou un tribunal de police qui a déclaré un prévenu coupable, d'ajourner le prononcé de la peine, pour permettre au prévenu, dans le délai fixé par le Tribunal, de respecter une obligation souhaitable dans le procès en cours (exemples : indemniser la victime, justifier d'un traitement contre l'alcoolisme). ● ajournement (synonymes) nom masculin Action d' ajourner quelqu'un, quelque chose.
Synonymes :
- remise
- renvoi
Contraires :
- réussite
ajournement
n. m. Action d'ajourner. Ajournement des débats.
⇒AJOURNEMENT, subst. masc.
I.— Vx, DR. ANC. Assignation à comparaître à jour fixe devant un tribunal.
♦ Ajournement personnel (ancienne procédure criminelle). Avertissement donné à quelqu'un à comparaître en personne :
• 1. Il intervient un arrêt, qui décrète (...) le sieur Dairolles et moi d'ajournement personnel...
P.-A. DE BEAUMARCHAIS, Mémoires, t. 1, 1789, p. 34.
• 2. Pour m'enlacer dans leurs filets, ils me firent signifier un décret d'ajournement personnel sur la plainte du sieur de Joly. Je ne comparus point; mais je chargeai un procureur de faire toutes les démarches nécessaires pour découvrir ce qui se tramait au Châtelet contre moi. Le greffier en chef l'assura qu'il n'existait aucun décret de prise-de-corps, et que le décret d'ajournement personnel n'aurait même aucune suite.
MARAT, Les Pamphlets, Appel à la Nation, 1790, p. 136.
♦ Ajournement, même sens : Avertissement donné à quelqu'un à comparaître en personne
• 3. ... et ici il est difficile de comprendre la raison de la conduite de ce parti dans cette circonstance. S'il voulait sauver le roi, il en était le maître; il n'avait qu'à voter pour la déportation, l'exil ou l'ajournement; mais le condamner à mort, et faire dépendre son sort d'une volonté populaire, était le comble de l'inconséquence et de l'impolitique...
E.-D. DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 772.
• 4. Le connétable fut d'abord ajourné à la chambre du Parlement de Paris; les huissiers se rendirent en Bretagne sans pouvoir lui remettre en personne l'assignation. Les autres ajournemens eurent lieu de quinzaine en quinzaine, en suivant les formes de justice.
P. DE BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-1824, p. 82.
II.— Renvoi à plus tard.
A.— DR. PUBL. et PRIVÉ, DR. INTERNAT. Renvoi d'un débat ou d'une décision à une date ultérieure (déterminée ou indéterminée) :
• 5. Après la disparition des ministres et l'ajournement à huitaine, dans la cohue qui dévalait des gradins, la stupeur des premières minutes fit bientôt place à une ivresse capiteuse; elle gagnait de proche en proche, elle pétilla gaiement dans les couloirs.
E.-M. DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, p. 214.
• 6. Il a la certitude que l'impôt sur le revenu sera voté par la Chambre et finira par l'être au Sénat, malgré les ajournements.
J. RENARD, Journal, 1908, p. 1166.
• 7. On commençait à se demander si toute la France était à l'image de Paris, si elle n'allait pas élire une majorité modérée, peut-être réactionnaire, paralyser la République, sinon la détruire. Alors ce furent les plus avancés qui réclamèrent l'ajournement des élections et la « dictature du progrès ».
J. BAINVILLE, Histoire de France, t. 2, 1924, p. 188.
♦ Ajournement indéfini. Fin de non-recevoir :
• 8. Vous ne m'écrivez point depuis la cruelle lettre qui m'annonçait l'ajournement indéfini de votre départ. Vous voulez rompre avec moi.
G. DE STAËL, Correspondance générale, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1794, p. 219.
• 9. Toujours des ajournements, toujours des fins de non-recevoir.
L. REYBAUD, Jérôme Paturot, 1842, p. 254.
• 10. ... peut-être cette habitude, vieille de tant d'années, de l'ajournement perpétuel, de ce que M. de Charlus flétrissait sous le nom de procrastination, était-elle devenue si générale en moi qu'elle s'emparait aussi de mes soupçons jaloux...
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière, 1922, p. 86.
♦ D'ajournement en ajournement, même idée (= Fin de non-recevoir) :
• 11. Mes volontés à moi m'intéressent si peu, que la moindre chose venant à la traverse me paraît mériter de passer avant elles; et c'est ainsi que d'ajournements en ajournements la vie à différer s'écoule, on perd à différer le jour, le mois, l'année, et l'enfant se réveille avec des cheveux blancs!
H.-F. AMIEL, Journal intime, 22 janv. 1866, p. 90.
B.— ADMINISTRATION
1. ADMIN. MILIT. Renvoi d'un conscrit à une nouvelle séance du conseil de révision :
• 12. Sa fiche dont nous avons pu recopier le signalement (lequel est conforme à celui que nous possédons d'autre part) porte qu'il aurait déjà bénéficié d'un premier ajournement pour motif d'insuffisance mitrale, en 1910, par décision du conseil de révision du VIIe arrondissement de Paris, et d'un second ajournement, à la suite d'un rapport médical présenté en 1911 au consulat français de Vienne (Autriche).
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1194.
• 13. 15 000 hommes provenant de ressources données par le troisième examen médical à la suite de deux ajournements, et du passage d'hommes du service auxiliaire dans le service armé.
J. JOFFRE, Mémoires, t. 1, 1931, p. 94.
2. ADMIN. SCOL. et UNIVERSITAIRE :
• 14. Il y a encombrement partout, et les épreuves par lesquelles il faut nécessairement passer pour arriver sont, en raison de cela, devenues plus difficiles. Ainsi l'agrégation est un pas très difficile à franchir, il est rare qu'on soit reçu la première fois qu'on se présente. Mais quand on a comme j'ai maintenant pied dans un collège et des relations assez bien établies, on peut subir ces ajournements, sans autre inconvénient que celui de la perte d'autant d'ancienneté, ce qui recule nécessairement les droits à la retraite.
M. DE GUÉRIN, Correspondance, 1835, p. 187.
C.— Lang. commune. [Avec ou sans compl. prép. de pour indiquer ce qui est ajourné] Action de reporter à une date ultérieure (déterminée ou non) un acte, une décision, un jugement, etc. Résultat de cette action :
• 15. Les entrevues de Tilsit et d'Erfurt, des suspensions d'armes forcées, une paix que le caractère de Bonaparte ne pouvait supporter, des déclarations d'amitié, des serrements de main, des embrassades, des projets fantastiques de conquêtes communes, tout cela n'était que des ajournements de haine.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 407.
• 16. Les adieux de Régina et de Saluce, en se séparant des deux fugitives délivrées, ne furent qu'un court et heureux ajournement de leur réunion et de leur félicité. Ils devaient se retrouver six semaines après à Paris.
A. DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences, 1851, p. 206.
• 17. Ne faites pas mettre encore en page le livre V Le Revolver, j'ai un chapitre ajouté très important à vous envoyer. — J'allais vous envoyer deux paragraphes nouveaux ajoutés au chapitre préliminaire. Je suspends l'envoi jusqu'à la mise sous presse. Je profiterai de l'ajournement pour compléter encore ce chapitre.
V. HUGO, Correspondance, 1865, p. 509.
• 18. Il n'y a pas de mots pour exprimer l'horreur de la prévarication qui consiste à choisir ce qui plaît dans le fait de la Salette et à rejeter comme rêverie ou mensonge ce qui ne plaît pas. Et on s'étonne de ne pas être exaucé! Mais on s'étonnera bien plus de ce qui va venir, après des ajournements inconcevables et de prodigieux sursis. J'ai été informé de l'imminence du cataclysme en 1880, exactement le 19 septembre, à la Salette même, un peu après la publication ou plutôt la diffusion du secret de Mélanie. Depuis, l'attente continuelle des divines catastrophes est devenue ma raison d'être, ma destinée, mon art, si vous voulez.
L. BLOY, Journal, 1906, p. 330.
• 19. Quels ménagements n'avons-nous pas eus pour ce Jaurès; quels atermoiements; quels désarmements nous-mêmes. Quels délais ne lui avons-nous pas accordés. Quelles rémissions; quels ajournements. Combien de fois lui avons-nous laissé la paix, lui qui n'a jamais laissé la paix à son pays.
Ch. PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1296.
• 20. Il n'y a que le poète, peut-être, qui sache bien ces choses; car, une difficulté de rime, quel merveilleux ajournement des pensées!
ALAIN, Propos, 1933, p. 1145.
Rem. Pour le sens « fin de non-recevoir », supra II A ex. 8, 9, 10.
Prononc. ET ORTH. — Forme phon. :[]. — Rem. FÉR. Crit. t. 1 1787 : ,,On écrivait et prononçait autrefois adjournement.``
Étymol. ET HIST.
I.— 1. Fin XIIe s. ajornement « lever du jour » (Horn, 4303, éd. Fr. Michel ds T.-L. : Itiel cum vus soffrez, sofferrai bonement, U ja mais ne verrai nul autre ajornement). — XIVe s. Froissart ds LITTRÉ; 2. mil. XIIIe s. dr. « assignation en justice à un jour déterminé » (Assises de Jerusalem, 81 ds GDF. Compl. :Je n'enten que je tel ajornement deie acuillir, come voz me faites).
II.— 1672 adjournemen cont. angl., angl. parlementaire « renvoi d'une séance à une date ultérieure » (E. CHAMBERLAYNE, État présent de l'Angleterre, 2, p. 76 d'apr. MACK. t. 1 1939, p. 81 : adjournemens); 1771 id. (Trév. : Ajournement [...] Se dit en Angleterre, d'une espèce de prorogation, par laquelle on remet la séance du Parlement a un autre temps, toutes choses demeurant en état); 1776 cont. amér. « id. » (Cour. de l'Europe, 13 déc. 1776 ds PROSCHWITZ, Introd. à l'étude du vocab. de Beaumarchais, p. 207 : En conséquence d'un ajournement, le Congrès, représentant les États Unis et indépendants de l'Amérique, s'assembla à Cambridge); 1790 id. cont. fr. « renvoi d'une décision, d'un vote etc... à une date ultérieure » (MIRABEAU, Disc., 16 mars 1790 ds BRUNOT t. 9, p. 780, en note 7 : Proposer, combattre, l'« ajournement »); p. ext. 1794 (Beaumarchais à Raymond de Verninac, 4 déc. 1794 d'apr. A. JOUBIN, Rev. des Deux Mondes, [1937], p. 548 : Mais comme il m'est impossible d'aller vous interroger de vive voix sur les causes successives de tant d'ajournements successifs, dont les motifs ne m'ont jamais été confiés [...] Ah! que je serais orgueilleux de mon enfant si je pouvais me figurer que ce dernier ajournement provient de sa délicatesse; si je pouvais croire, en effet, qu'elle n'a pu souffrir de se donner à celui dont elle ne pouvait plus augmenter la fortune!).
I dér. de ajourner; suff. -ement (-ment1); II empr. à l'angl. adjournment « id. » (BARB. Infl. 1919, p. 8; ID., Loan-words 1921, pp. 141-142; MACK. t. 1 1939, p. 81, 113, 157, 178), attesté dep. 1641 dans un cont. jur. (Termes de la Ley, 11 ds NED : Adjournment, is when any Court is dissolved and determined, and assigned to be kept againe at another place or time), 1670 cont. parlementaire (ds SOMERS'S, Tracts, I, 28 ibid. :During one Day's Adjournment made by the House); 1762 (HUME, Hist. Eng., [1806], IV. LXV. 789 ibid. :The parliament met, according to adjournment).
STAT. — Fréq. abs. litt. :97.
BBG. — AQUIST. 1966. — BACH.-DEZ. 1882. — BAR 1960. — BARB. Infl. 1919, p. 8. — BARR. 1967. — BEHRENS Engl. 1927, p. 52. — BÉL. 1957. — BLANCHE 1857. — BOISS.8. — BOUILLET 1859. — CAP. 1936. — Comm. t. 1 1837. — DAIRE 1759. — DUP. 1961. — FÉR. 1768. — Lar. comm. 1930. — LAVEDAN 1964. — NOTER-LÉC. 1912. — Pol. 1868. — PRÉV. 1755. — RÉAU-ROND. 1951. — SPR. 1967. — ST-EDME t. 1 1824.
ajournement [aʒuʀnəmɑ̃] n. m.
ÉTYM. Mil. XIIIe; « lever du jour », fin XIIe; de ajourner.
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♦ Action d'ajourner.
1 Dr. anc. (le terme a disparu du Code de procédure civile). Assignation à comparaître à jour fixe devant le tribunal civil. || Exploit d'ajournement : exploit d'huissier par lequel la partie adverse était invitée à comparaître, à tel jour, devant le tribunal. ⇒ Assignation, citation.
2 (1751; adjournement, 1672; angl. adjournment; au XVIIIe dans des contextes politiques anglais puis américains; 1790, Mirabeau, en contexte français). Renvoi à une date ultérieure, ou à un temps indéterminé. ⇒ Remise, renvoi. || L'ajournement d'un procès, d'un mariage, d'une discussion, d'un projet. || Le ministre a demandé l'ajournement du débat. || Ajournement des Chambres : suspension de la session des Chambres par le gouvernement pour un temps indéterminé.
♦ Spécialt. Renvoi d'un conscrit (ajournement d'incorporation) à une nouvelle séance du conseil de révision, d'un candidat à une nouvelle session d'examen.
3 Fait de remettre à plus tard les décisions, d'atermoyer. ⇒ Atermoiement, procrastination, retard, temporisation. || D'ajournement en ajournement, le projet est à peu près abandonné. || Ajournement indéfini : fin de non-recevoir.
0 (…) peut-être cette habitude, vieille de tant d'années, de l'ajournement perpétuel, de ce que M. de Charlus flétrissait sous le nom de procrastination (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, I, p. 105.
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CONTR. Admission.
Encyclopédie Universelle. 2012.