BOYARD
BOYARD
Terme attesté dans les langues slaves orientales (russe: sing. bojarin , plur. bojare ) et méridionales (sous la forme boljarin ), «boyard» sert à désigner les membres de l’aristocratie.
En Russie, le groupe des boyards a une double origine: la truste princière (droujina ); l’aristocratie terrienne locale. Toutefois, l’attribution de terres aux membres de la droujina entraîna une fusion des deux catégories dès le XIIe siècle. L’aristocratie terrienne fut particulièrement puissante dans l’État de Novgorod dont elle assuma, en fait, la direction du XIIe au XVe siècle, ainsi que dans la principauté de Galicie-Volynie où, aux XIIIe et XIVe siècles, elle constitua une dangereuse opposition au pouvoir princier. Dans la Russie du Nord-Est, les cités de Souzdal et surtout de Rostov furent dominées par les boyards.
Au XIVe siècle, l’attribution officielle du titre de boyard est liée, dans les principautés de la Russie centrale, au service du prince. Des boyards sont chargés de la gestion de certains secteurs du domaine princier; quelques-uns constitueront le Conseil des boyards (Bojarskaja duma ). Toutefois, d’après une tradition solidement établie, les fonctions et titres de boyard sont attribués aux représentants des principales familles de la noblesse terrienne. Les fonctions confiées aux boyards dans l’armée ou à la cour sont soumises à des principes hiérarchiques: un boyard ne peut pas servir sous les ordres d’un autre boyard dont un ancêtre aurait occupé un rang inférieur à celui de l’ancêtre du premier. Cette coutume (en russe, mestnitchestvo ) était une source permanente de querelles de préséances; aussi, dès la fin du XVe siècle, la répartition des fonctions fut-elle consignée dans les razriadnye knigi , livres de répartition des offices.
Les propriétés foncières de l’aristocratie jouissaient presque toujours d’une immunité fiscale et judiciaire. De plus, les boyards disposaient, jusqu’à la fin du Moyen Âge, du droit de quitter le service de leur prince pour celui d’un autre, tout en conservant leurs terres héréditaires situées sur le territoire de leur premier prince.
Dans ces conditions, la classe des boyards — renforcée par les nombreux descendants d’anciennes familles souveraines — constituait pour la jeune monarchie moscovite un réel danger. Aussi, dès le règne d’Ivan III (1462-1505), la politique des souverains moscovites consista-t-elle à développer une nouvelle catégorie de serviteurs, les dvoriane , mot-à-mot, les «gens de cour», auxquels le prince conférait, en échange de leurs services, une terre à titre précaire. Une âpre lutte opposera, jusqu’au début du XVIIe siècle, les boyards à la monarchie absolue et à sa nouvelle classe de serviteurs. L’aristocratie foncière parviendra à s’emparer du pouvoir à deux reprises, entre 1538 et 1548, pendant la minorité d’Ivan IV le Terrible, et en 1606-1610, quand le représentant de l’une des familles de boyards les plus puissantes, les Chouïski, sera couronné tsar.
Mais, cruellement décimée par Ivan le Terrible (à partir de 1565) et par Boris Godounov, compromise par son attitude conciliante vis-à-vis des tentatives polonaises de mainmise sur la Russie (1610-1612), la classe des boyards perd progressivement, dans le courant du XVIIe siècle, son poids politique, tout en conservant de multiples avantages socio-économiques et en veillant jalousement à préserver les signes extérieurs de sa puissance passée (la richesse du vêtement, l’arrogance et la morgue des boyards du XVIIe siècle ont été notées par les observateurs étrangers). L’abolition, en 1682, des préséances (mestnitchestvo ), les mesures vexatoires prises par Pierre le Grand contre les boyards n’étaient que la manifestation extérieure de la disparition d’un groupe social, plus exactement de sa fusion dans une classe nobiliaire désormais unique, héritière à la fois des boyards et des dvoriane de l’époque moscovite.
boyard [ bɔjar ] n. m.
• 1415; mot russe
♦ Anciennt Noble, en Russie. Les moujiks et les boyards.
● boyard nom masculin (russe boïarine) Noble de haut rang dans les pays slaves, particulièrement en Russie (Xe-XVIIIe s.), ainsi qu'en Moldavie, en Valachie et en Transylvanie.
boyard
n. m. Seigneur, dans l'ancienne Russie et dans d'autres pays slaves.
⇒BOYARD, BOÏAR, subst. masc.
Ancien seigneur, gros propriétaire terrien des pays slaves en particulier de Russie et, p. ext. des provinces danubiennes d'Europe centrale :
• 1. Shéhérazade et Casanova ont été, furent, sont et seront, quelles que soient les guerres futures, des boîtes russes où les garçons et les maîtres d'hôtel, sommeliers, barmen et portiers sanglés dans des uniformes de hauts dignitaires, sont des princes ou jouent au prince désabusé, baisant la main des soupeuses, et méprisent hautainement le client, par principe, comme le boyard méprisait le moujik, ...
FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 146.
— Emploi subst. opposé :
• 2. Un quart d'heure plus tard, il donnait, à la mode boyard, un bon coup de poing dans le dos à son cocher pour le faire stopper devant la villa Trébassof.
G. LEROUX, Rouletabille chez le tsar, 1912, p. 80.
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[]. KAMM. 1964, p. 121, note : ,,Dans certains cas, la lettre y entre voyelles vaut uniquement yod, la voyelle qui précède garde alors sa valeur propre (...). [Dans] le groupe -oy- : les mots boyard, goyave, cacaoyère, oyat, caloyer, coyau, coyote``; (cf. aussi MART. Comment prononce 1913, p. 191). 2. Forme graph. — Ac. 1798 boïard; Ac. 1835 et 1878 : boyard tout en consacrant à boïard une vedette de renvoi (cf. aussi LITTRÉ et ROB.); Ac. Compl. 1842 et Ac. 1932 donnent uniquement boyard; Lar. 19e-Pt Lar. 1906 admettent parallèlement boyard ou boïard; cf. aussi GATTEL 1841 et DG qui signale, s.v. boyard : ,,on écrit aussi boïard; le d est dû à l'influence du suffixe -ard``. GUÉRIN 1892, à côté de boyard, mentionne les formes boyar et boyare. BESCH. 1845 à côté de boïard et boyard la forme boïar. Cf. aussi Lar. 20e pour qui boiar est la meilleure orth. comme répondant aux formes slaves. Noter dans PISSOT 1803 en plus de boyard les formes bojares ou bojards.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1415 boyare « seigneur russe » (GHILL. DE LANNOY, Voy. et embassades, 33, Potvin dans R. Hist. litt. Fr., 1898, p. 301); forme encore répertoriée par Trév. 1771; 1575 boyar (THEVET, Cosmogr., XIX, 12 dans HUG.) — Trév. 1721; 1637 boiare (DAVITY, Le Monde, États de Moscovie dans R. Hist. litt. Fr., 1898, p. 301), Trév. 1721 boïar (Trév.); 1721 boyard (ibid., s.v. boyar); 1762 boïard (Ac.); qualifié de terme hist. dep. Ac. Compl. 1842; 2. 1932-35 « homme riche » (Ac.).
Empr. au russe boiarin « seigneur » dont la forme du génitif plur. (qui représente une forme non suffixée) boiar, empl. régulièrement en russe apr. certains adv. de quantité, explique le phonétisme du fr. (G. Stréhly dans R. de Philol. fr., t. 8, p. 142); étant donné que les attest. anc. ont trait à des réalités russes, cette hyp. satisfait mieux le point de vue hist. que celle d'un intermédiaire polon. ou tchèque bojar, forme non suffixée (FEW t. 20, p. 36a); cf. lat. médiév. boiarus, 1470, domaine polon. « nobilis inferioris ordinis » (Homag. praestitum Casimiro III inter Leg. Polon., t. 1, pag. 237 dans DU CANGE, s.v. bojari). La forme fr. boyard s'explique par assimilation au suff. fr. -ard.
STAT. — Fréq. abs. littér. Boyard. :41.
BBG. — JÄNICKE (O.). Zu den slavischen Elementen im Französischen. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, p. 445, 455.
boyard ou boïar [bɔjaʀ] n. m.
ÉTYM. 1415, boyare; mot russe, « seigneur ».
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1 Anciennt. Noble, en Russie. || Les moujiks et les boyards.
0 Enfouis sous un amoncellement de burnous et de couvertures, Paul et moi, nous avions l'air de deux boyards (…)
Gide, Si le grain ne meurt, II, 1.
2 (1932). Fam. Vieilli ou par plais. Homme riche, cossu. || Il s'est payé un costume de boyard. || C'est un vrai boyard.
Encyclopédie Universelle. 2012.