charogne [ ʃarɔɲ ] n. f.
• v. 1120; lat. pop. caronia, de caro « chair »
1 ♦ Corps de bête morte en putréfaction. Charogne puante. Insecte qui dépose ses œufs sur les charognes. ⇒ nécrophore. — Cadavre humain abandonné. « Une charogne », poème de Baudelaire.
● charogne nom féminin (latin populaire caronia, de caro, carnis, chair) Corps de bête morte qui entre en putréfaction. Cadavre humain. Viande détestable, pourrie. Populaire. Sale individu.
charogne
n. f.
d1./d Corps d'animal mort, en décomposition.
d2./d Péjor. Mauvaise viande, viande avariée. De la charogne.
d3./d Injur. Individu ignoble.
⇒CHAROGNE, subst. fém.
I.— [À propos d'animaux] Péj.
A.— Chair morte en état de décomposition plus ou moins avancée, viande avariée. Donn[er] de la charogne à nos soldats et mett/re/ le cachet rouge des fournitures militaires sur la viande d'animaux crevés (Doc. d'hist. contemp., t. 2, 1892, p. 55). Le gibier faisandé (...) charogne (RENARD, Journal, 1900, p. 601).
Rem. Carne2/charogne. Carne2 et charogne désignent tous deux de la viande peu comestible, mais carne2 est moins péj., désignant surtout une viande trop dure, tandis que charogne désigne une viande avariée.
— P. anal. Quartier de charogne (...) part de royauté (BARBIER, Iambes et poèmes, La Curée, 1840, p. 20).
B.— Bête morte, cadavre d'animal en état de décomposition plus ou moins avancée :
• 1. Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, Une Charogne, Paris, Gallimard, 1964 [1857-61], pp. 29-30.
— P. anal. ... hommes lâches, serviles; (...), Vous, de la royauté-charogne, vrais corbeaux! (BOREL, Rhapsodies, 1831, p. 189).
II.— [À propos d'êtres humains] Très péj.
A.— Corps humain
1. [Après la mort, en état de décomposition ou non] :
• 2. Il avait ainsi pu mieux souffrir, râler, crever, ainsi qu'un bandit, ainsi qu'un chien, salement, bassement, en allant dans cette déchéance jusqu'au bout, jusqu'à l'ignominie de la pourriture, (...); jamais peintre n'avait brassé de la sorte le charnier divin (...). Grünewald était le plus forcené des réalistes; mais à regarder de près ce Rédempteur de vadrouille, ce Dieu de morgue, cela changeait. De cette tête ulcérée filtraient des lueurs; une expression surhumaine illuminait l'effervescence des chairs, l'éclampsie des traits. Cette charogne éployée était celle d'un Dieu, ...
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 18.
— P. métaph. :
• 3. Il y a des symbioses de spécialistes (...) L'érudit, qui mange des cadavres, respectera la paix du romancier tant que celui-ci ne lui disputera pas ses charognes, mais combattra le biographe qui vient chasser sur son îlot.
MAUROIS, Mes songes que voici, 1933, p. 144.
2. [En tant qu'élément mortel ou en tant que composante la plus vile de l'être humain] :
• 4. Ah! Prison de chair, je te maudis! Pourquoi es-tu là? Voyons! Que fais-tu, misérable charogne vivante, qui traînes ta pourriture par les rues, qui bois, qui manges, qui dors et qui jouis? Pourquoi suis-je attaché à ce cadavre qui me traîne sur la terre, moi qui veux voler dans les cieux et partir dans l'infini? Qu'avais-tu donc fait, pauvre âme, pour venir là, dans la prison de ce corps, où tu bats en vain des ailes que tu brises aux parois qui t'entourent?
FLAUBERT, Smarh, 1839, p. 116.
Rem. A. Artaud (Le Théâtre et son double, 1939, p. 51) a forgé avec charogne un mot composé, qui souligne bien ce sens partic. : L'homme provisoire et matériel, (...) l'homme-charogne.
B.— P. ext. Individu qui se rend odieux par sa déchéance physique ou morale, ou par ses mauvais procédés. (Quasi-)synon. carne2 (cf. carne2 B 2), carogne (cf. carogne ex. 1). À cette crapule, à ce saligaud, à cette charogne de Prussien (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Boule de suif, 1880, p. 139). Le XIXe siècle (...) siècle des morts (...) siècle des charognes (...) ce mot de « charognes » dont l'élégance est incertaine et la suavité discutable (...) l'unique pour exprimer ma pensée (...) pour qualifier et apanager suffisamment l'abomination que voici (BLOY, Journal, 1900, p. 379).
— Spéc., arg. (Individu) caractérisé par l'acerbité de sa critique :
• 5. ... elles me témoignèrent cette obligeance discrète et désintéressée, cette réserve timide et courtoise qui semble avoir sa patrie dans les seules coulisses du music-hall. (...) elles me donnaient poliment, en guise de bonsoir, le renseignement bref et utile : « Un public en or! » ou bien : « Ce qu'ils sont charognes, aujourd'hui! »
COLETTE, L'Envers du music-hall, 1913, p. 237.
— En exclam. injurieuse. Les carnes! les charognes! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 68). Fumier! charogne! bourrique! (NIZAN, La Conspiration, 1938, p. 207). [S'adressant à un animal] En train d'insulter son chien (...) salaud! charogne! (CAMUS, L'Étranger, 1942, p. 1143).
Rem. 1. Le mot s'emploie parfois adj. : Si charogne que... (BLOY, La Femme pauvre, 1897, p. 141); mille fois plus charognes! râleurs! écumeux! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 532). 2. Il s'emploie parfois en antéposition expr. avec valeur qualificative. Charogne de + subst. : charogne d'obus (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 79), charogne de vie (AYMÉ, La Rue sans nom, 1930, p. 38).
Prononc. et Orth. :[]. La majorité des dict. transcrit [a] ant. dans le mot et dans ses dér. WARN. 1968 admet [] post. ou [a] ant. Pour [] cf. LAND. 1834 et FÉL. 1851; à ce sujet cf. carrosse. Ds Ac. 1694-1932. Lar. Lang. fr. rappelle que la lang. class. a conservé la forme pic. carogne. Étymol. et Hist. 1. 1115-30 « chair de cadavre » (PH. DE THAON, Bestiaire, 2636 ds T.-L.); 2. 1154-73 « cadavre en décomposition » (B. DE STE MAURE, Troie, éd. L. Constans, 12809 : Des charoignes ist la flairor). Issu d'un lat. vulg. caronia prob. dér. de caro, carnis « chair » (REW, n° 1707; FEW t. 2, p. 394a), cf. le dimin. lat. d'où l'on peut déduire un rad. (n) (v. Ascoli ds Archivo Glottologico Italiano, t. 11, 1890, pp. 419-421; Meyer-Lübke ds Rom. Sprachwissenschaft, Heidelberg, 1901, p. 163 et 164). Un étymon caronia issu par dissimilation de carionia, dér. de caries « pourriture » (C. Salvioni ds Rendiconti, série 2, t. 49, 1916, p. 742), fait difficulté du point de vue morphologique. Fréq. abs. littér. :254. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 119, b) 198; XXe s. : a) 749, b) 421. Bbg. ASCOLI (C. I.). Saggiuoli diversi. Archivo glottologico italiano. 1890, t. 11, pp. 419-421.
charogne [ʃaʀɔɲ] n. f.
ÉTYM. V. 1120; du lat. pop. caronia, du lat. class. caro, carnis « chair ».
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1 (V. 1120). Corps de bête morte en putréfaction, cadavre humain en décomposition. || Charogne puante. || Animaux, oiseaux qui se nourrissent de charognes (⇒ Charogner). — Insecte qui dépose ses œufs sur les charognes. ⇒ Nécrophore.
1 Ne considérons plus un corps comme une charogne infecte.
2 Au détour du chemin une charogne infâme (…)
Les jambes en l'air comme une femme lubrique
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture
Comme afin de la cuire à point
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Une charogne ».
3 L'Église sait pourtant que la charogne du riche purule autant que celle du pauvre et que son âme pue davantage encore.
Huysmans, En route, p. 19.
3.1 Un homme mort est une charogne qui pue.
Claude Mauriac, le Temps immobile, p. 41.
3.2 Patrie, Sacrifice, Héroïsme, Honneur. Le haut lieu de ce culte est l'hôtel des Invalides qui dresse sur Paris sa grosse bulle d'or gonflée par les émanations de la Charogne impériale et des quelques tueurs secondaires qui y pourrissent.
M. Tournier, le Roi des Aulnes, p. 84.
2 (1606, in D. D. L.). Fam. (t. d'injure). Individu ignoble. ⇒ Crapule, saleté. → Carogne, cit. 2, Proust.
4 Y en a, ici, qui sont venues de Grenelle en carrosse, tout exprès pour se faire traiter de charognes.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, VIe tableau, III.
♦ Adjectif :
5 Les clients pour se le concilier, pour qu'il se montre un peu moins charogne sur la question des renouvellements, s'inquiétaient beaucoup de son état (…)
Céline, Guignol's band, p. 204.
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DÉR. Charognard, charogner, charognerie.
Encyclopédie Universelle. 2012.