décret [ dekrɛ ] n. m.
• 1190; lat. decretum « décision, sentence », de decernere → décerner
1 ♦ Relig. Acte de l'autorité ecclésiastique.
♢ Recueil d'anciens canons des conciles, des constitutions des papes et des sentences des Pères, à la base du droit canon. ⇒ décrétale.
2 ♦ (1789) Cour. Acte administratif à portée générale (⇒ règlement) ou individuelle, émanant du pouvoir exécutif. ⇒ 1. arrêté; ordonnance. Prendre un décret. Par décret. Décret présidentiel. Décret pris après avis du Conseil d'État. Décret de naturalisation, de promulgation d'une loi. Publication des décrets au Journal officiel. — (1917) DÉCRET-LOI :décret qui, sous les IIIe et IVe Républiques, avait force de loi. Des décrets-lois.
3 ♦ Littér. Décision, volonté d'une puissance supérieure. Se soumettre aux décrets de la Providence. ⇒ arrêt, décision, 1. loi, ordre. — Se conformer aux décrets du bon goût. ⇒ diktat, oukase.
● décret nom masculin (latin decretum) Acte réglementaire ou individuel pris par le président de la République, par le Premier ministre, ou conjointement par ces deux autorités, en vertu de leur pouvoir réglementaire. Littéraire. Décision sans appel : Les décrets de la Providence. Décision de l'autorité ecclésiastique en matière administrative, législative et judiciaire. Recueil ou compilation de textes canoniques (exemple : décret de Gratien). ● décret (expressions) nom masculin (latin decretum) Décret d'application, décret qui fixe les modalités d'application de certaines lois.
décret
n. m.
d1./d Décision, ordre émanant du pouvoir exécutif. Un décret ministériel.
|| Fig. Les décrets de la Providence, du destin, de la critique.
d2./d RELIG CATHOL Décision, ordre émanant de l'église. Décret pontifical.
⇒DÉCRET, subst. masc.
A.— DR. et usuel. Décision émanant de l'autorité souveraine, du pouvoir. Décret impérial, royal; rendre un décret. Ne croyez pas (...) que le rapt fut permis dans l'ancien droit. Vous trouverez dans Baluze un décret rendu par le roi Childebert à Cologne en 593 (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 482) :
• 1. ... jamais Néron n'a bravé la pudeur jusqu'à faire colporter et crier dans les rues l'arrêt de mort de Britannicus et un décret d'empoisonnement.
C. DESMOULINS, Le Vieux Cordelier, 1793-94, p. 255.
1. ANC. DR. FR.
a) Au Civil. Décision judiciaire relative à la vente des biens d'un mineur ou d'un débiteur. Décret volontaire, forcé. Maison mise en décret (Ac. 1798-1878). Terre en décret (MARAT, Pamphlets, Offr. patrie, 1789, p. 5).
b) Au Criminel. Ordonnance du juge rendue pendant l'instruction et relative à la comparution et l'arrestation d'une personne. Décret d'assigner pour être ouï; décret d'ajournement personnel; décret de prise de corps :
• 2. ... ils me firent signifier un décret d'ajournement personnel sur la plainte du sieur de Joly. Je ne comparus point; mais je chargeai un procureur de faire toutes les démarches nécessaires pour découvrir ce qui se tramait au Châtelet contre moi. Le greffier en chef l'assura qu'il n'existait aucun décret de prise-de-corps, et que le décret d'ajournement personnel n'aurait même aucune suite.
MARAT, Pamphlets, Appel à la nation, 1790, p. 136.
2. DR. FR. MOD. Décision émanant du pouvoir exécutif, agissant dans le cadre de ses attributions. Décret du Président de la République; prendre un décret; décret de mobilisation :
• 3. À la fin d'octobre 1913, le ministre de la Guerre soumettait à la signature du président de la République le décret portant Règlement sur la conduite des grandes unités :
JOFFRE, Mémoires, t. 1, 1931, p. 39.
SYNT. Décrets généraux (ou réglementaires); décrets spéciaux (ou individuels); décret en Conseil d'État (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 269); décret en Conseil des ministres (PINEAU, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 82); décret portant règlement d'administration publique; article, disposition du décret; le décret crée, fixe, modifie, prévoit...; prendre un décret.
B.— DR. CANON.
1. Décision de l'autorité ecclésiastique; en partic. décision relative à la discipline ecclésiastique (p. oppos. au canon plutôt relatif à la doctrine). Décret du concile. Décret du concile de Trente (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 320). Décret du Pape sur les premières communions (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1899-1926, p. 151) :
• 4. Dans le décret sur l'héroïcité des vertus (du P. Eudes), Léon XIII le proclame « auteur du culte liturgique des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie »; ...
BREMOND, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 586.
2. P. méton. Compilation de textes canoniques, recueil de canons des conciles, des constitutions des Papes, de sentences des Pères de l'Église. Décret d'Yves de Chartres, décret de Burchard de Worms (cf. infra).
— Spéc. Décret de Gratien et, absol., le Décret. Compilation de canons de conciles, de décrétales effectuée par le moine bénédictin Gratien au XIIe siècle :
• 5. ... successivement il avait dévoré, dans son appétit de science, décrétales sur décrétales, celles de Théodore, évêque d'Hispale, celles de Burchard, évêque de Worms, celles d'Yves, évêque de Chartres; puis le décret de Gratien qui succéda aux capitulaires de Charlemagne; ...
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 172.
♦ P. méton. Synon. de droit canon. La Faculté de Décret. L'Université (...) chargea de l'examen des douze articles la sacrée Faculté de Théologie et la vénérable Faculté des Décrets (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 339).
C.— P. anal. ou au fig., surtout au plur. [En parlant de Dieu, du destin, du sort, de la nature] Circonstance, situation, fait imposé de l'extérieur comme une décision émanant d'une puissance supérieure contre laquelle on ne peut rien. Décret divin; décret éternel; les décrets de la Providence (cf. avenir ex. 12). L'ecclésiastique (...) discourait sur la vanité des choses terrestres. Dieu était bien grand, bien bon; on devait sans murmure se soumettre à ses décrets (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 185) :
• 6. Comme il ne dépendait pas de nous d'exister, il ne dépend pas de nous de ne plus exister. Le décret divin nous a condamnés à l'être; faits par la création, refaits par la rédemption, et à quel prix! nous n'avons le choix qu'entre une misère ou une béatitude également éternelles.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., 1931, p. 199.
— P. ext. Décision, affirmation à laquelle on se soumet. Décrets somptuaires sur la coupe des pourpoints et la couleur des robes (DUMAS père, C. Howard, 1834, II, 2, p. 259). La mode changeant tous les mois par décret de cour (SAND, Impress. et souv., 1873, p. 24).
Prononc. et Orth. :[]. Enq. :/, (D)/. Ds Ac. 1694-1932. Ac. 1694 et 1718 écrivent decret, cf. FÉR. Crit. t. 1 1787 : ,,Plusieurs écrivent et prononcent decret sans accent sur la 1re syllabe faisant cet e muet``. Cf. dé-. Étymol. et Hist. 1. 1172-74 dr. canon (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 46); 2. 1193-97 « décision du pouvoir exécutif » (HELINAND, Vers de la Mort, éd. Fr. Wulff et Em. Walberg, XXXII, 7); début XIIIe s. (Assises de Jérusalem, éd. A. Beugnot, t. 1, p. 183); 3. 1585 decret « décision judiciaire » (DU FAIL, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 131). Empr. au lat. class. jur. decretum « décret », également attesté en lat. chrét. comme terme de dr. canon puis en lat. médiév. au sens de « diplôme royal » (752 ds NIERM.). Fréq. abs. littér. :1 235. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 606, b) 1 714; XXe s. : a) 855, b) 1 595.
COMP. Décret-loi, subst. masc. Acte ayant force de loi, de la compétence normale du Parlement et qui est pris par le Chef de l'État. La pratique des décrets-lois sous la Troisième République était inconstitutionnelle. Les Chambres devaient elles-mêmes faire les lois et ne pouvaient charger le Président de la République de les faire à leur place (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 118). — []. Au plur. des décrets-lois. — 1re attest. 1924 (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, p. 282); de décret et de loi. — Fréq. abs. littér. : 3.
décret [dekʀɛ] n. m.
ÉTYM. V. 1170; lat. decretum « décision, sentence », p. p. de decernere. → Décerner.
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1 Relig. Acte de l'autorité ecclésiastique. ⇒ Bulle. — Spécialt (au moyen âge). Décision rendue par les théologiens de Sorbonne. ⇒ Sentence.
1 Les théologiens ne donnent des décrets ni en Angleterre, ni en Prusse; aussi les Anglais et les Prussiens nous ont bien battus.
Voltaire, Lettre à Marmontel, 1er janv. 1768.
♦ Recueil d'anciens canons des conciles, des constitutions des Papes et des sentences des Pères formant la base de l'élaboration du Droit canon. ⇒ Décrétale. || Le Décret de Gratien. || École du Décret. || Les commentaires du Décret.
2 (1789). Cour. Décision écrite émanant du pouvoir exécutif dans le cadre tracé par la constitution, et soumis au contreseing ministériel. ⇒ Arrêté; ordonnance. || Le décret est un écrit qui porte des considérants (motifs) avec visas, un dispositif formé le plus souvent de plusieurs articles, la date, la signature, un ou plusieurs contreseings. || Faire passer (cit. 24) un décret.
2 Traditionnellement, le décret est un acte du chef de l'État. Sous la Restauration et le Gouvernement de Juillet, il s'est appelé « ordonnance »; sous la République de 1848 « arrêté ». Aujourd'hui, il peut émaner également du chef du Gouvernement.
Marcel Prélot, Précis de droit constitutionnel, IV, 449.
♦ Décret présidentiel, contresigné par le président du Conseil et par un ministre, au moins. — Décret pris par le président du Conseil, contresigné par le ou les ministres des départements intéressés. || Décret pris en Conseil des ministres, signé par tous les membres du gouvernement. || Décrets réglementaires. || Décrets individuels (relatifs à des situations particulières). || Décret pris après consultation du Conseil d'État.
♦ Décret portant règlement d'administration publique. ⇒ Règlement. || Décret de nomination. || Décret de naturalisation. || Le décret est publié au Journal officiel. — Décret de grâce. — Décrets ratifiant un traité.
3 Toute congrégation religieuse peut obtenir la reconnaissance légale par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'État (…)
Loi du 8 avr. 1942 modifiant l'art. 13 de la loi du 1er juil. 1901.
4 Il est certain qu'en France, en dépit de décrets et de circulaires absurdes, tout va plutôt mieux qu'ailleurs.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, XVII, p. 187.
5 Il voudrait être le chef qui dicte des plans, rature et redresse les projets, indique au crayon bleu des tracés impératifs; celui qui promulgue les décrets et les ordonnances, qui parle au nom de l'utilité publique; celui qui démolit les masures, met les rues à l'alignement, joint l'un à l'autre deux tronçons d'avenues qui, par-dessus un labyrinthe de plâtras, se faisaient vainement signe depuis un siècle.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVIII, p. 137.
3 Littér. Décision, volonté d'une puissance supérieure. || Les divins décrets, les décrets de la Providence. ⇒ Arrêt, décision, dessein, jugement, loi, ordre, volonté. || Se soumettre, se conformer aux décrets de la Providence.
6 (…) l'obligation du travail et la nécessité de la mort tiennent le même rang dans les divins décrets (…)
7 Il s'était soumis aux décrets de la Providence.
Antoine Hamilton, Mémoires du comte de Gramont, VI.
♦ Les décrets du sort, du destin. || Les décrets de la nature.
8 (…) les sages mouches à miel. Si économes, si sobres, si prévoyantes d'habitude, obéissaient à une sorte de folie fatale, à une impulsion machinale, à une loi de l'espèce, à un décret de la nature, à cette force qui pour tous les êtres est cachée dans le temps qui s'écoule.
Maeterlinck, la Vie des abeilles, I, VI, p. 47.
♦ Les décrets de la mode, du bon goût.
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DÉR. Décréter.
COMP. Décret-loi.
Encyclopédie Universelle. 2012.