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enfiler

enfiler [ ɑ̃file ] v. tr. <conjug. : 1>
XIIIe; de en- et fil
1Traverser par un fil, mettre autour d'une ficelle, d'une tringle. Une aiguille difficile à enfiler. « Suzanne mouilla le fil entre ses lèvres, prit l'aiguille et l'enfila » (Duhamel). Enfiler des perles, des anneaux. Enfiler une bague à son doigt. Loc. Fam. Nous ne sommes pas là pour enfiler des perles, pour perdre notre temps à des futilités.
2Débiter sans discontinuer, mettre à la suite. « Des notes, des choses vues, enfilées à la diable » (Henriot).
3Mettre (un vêtement) en faisant passer la tête ou les membres. Enfiler un pull, un pantalon, un collant. passer.
4Par ext. (1680) S'engager tout droit dans (une voie). prendre. « Nous enfilâmes un long corridor » ( Chateaubriand).
5Milit. Prendre en enfilade.
6Vieilli Rouler, tromper. « Je l'enfile, et le paye en sa monnaie » (Beaumarchais).
7(XVIIe) Vulg. Posséder sexuellement.
8Fam. S'ENFILER QQCH., l'avaler. ⇒ s'envoyer , se farcir. Elle s'est enfilé la moitié du plat. Il s'est enfilé toute la bouteille. siffler. Avoir à supporter (une corvée). se taper. S'enfiler tout le travail.

enfiler verbe transitif Passer un fil à travers le chas d'une aiguille ou toute matière filiforme au travers de quelque chose. Retenir des objets de petites dimensions sur un même fil passé au travers de chacun d'eux : Enfiler une à une les perles d'un collier. Passer quelque chose, une tige au travers d'objets, faire glisser les objets sur quelque chose, autour de quelque chose : Enfiler chaque morceau de viande sur une brochette. Mettre un vêtement sur soi, le passer assez rapidement : Enfiler un imperméable. S'engager dans un lieu : On enfilait des ruelles sombres. Vieux. Passer son épée à travers le corps de quelqu'un. Populaire. Pénétrer quelqu'un lors d'un rapport sexuel. Familier. Débiter sans interruption des mots, des phrases. ● enfiler (expressions) verbe transitif Familier. Enfiler des perles, perdre son temps à des choses insignifiantes.

enfiler
v. tr.
d1./d Passer un fil à travers, par le trou de. Enfiler une aiguille. Enfiler des perles pour faire un collier.
Débiter, mettre à la suite. Enfiler des phrases.
d2./d Fam. Passer (un vêtement). Enfiler une robe.
d3./d S'engager dans. Enfiler une rue.
|| v. Pron. S'enfiler dans un passage étroit.
d4./d Vulg. Posséder sexuellement.
d5./d v. Pron. Fam. Manger, avaler. Il s'est enfilé tout le plat de légumes.
Exécuter (une corvée). J'ai dû m'enfiler toute la vaisselle. Syn. s'envoyer, se taper.

⇒ENFILER, verbe trans.
A.— [Le compl. dir. désigne un obj. filiforme] Passer à l'intérieur (de quelque chose). Enfiler une corde dans une poulie. Il attendit, pour continuer, que ma nièce eût enfilé de nouveau le fil, qu'elle venait de casser (VERCORS, Silence mer, 1942, p. 52).
B.— [Le compl. désigne un obj. percé de part en part]
1. a) Faire traverser par un fil de manière à retenir à la suite. Petites pièces d'or dont les Syriennes se font des colliers et des bracelets en les enfilant avec un brin de soie (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 185). Pour faire le cœur, enfilez une perle de verre sur un bout de laiton (P. ROUSSET, Trav. pts matér., 1928, p. 173) :
1. Alors bonne-maman sortait du buffet la toupie métallique sur laquelle on enfilait, pendant qu'elle tournait, des ronds de carton multicolores...
BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 13.
Loc. fig. Enfiler des perles. N'être d'aucune utilité. À quoi que tu crois que ça sert, une paillasse? À enfiler des perles? (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 171).
b) En partic. Traverser par un fil. Il lui avait offert d'enfiler son aiguille (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 180).
2. P. anal. [Le compl. désigne des productions verbales] Raconter à la suite, sans discontinuer. Enfiler des bobards, des bons mots, des compliments. Synon. débiter. C'est-y singulier! reprit Madame Vauquer en enfilant une suite de phrases insignifiantes sur cet événement (BALZAC, Goriot, 1835, p. 215). Ce n'était plus le moment d'enfiler des maximes ou des oracles sur la politique (AYMÉ, Jument, 1933, p. 159).
3. [Le compl. désigne un vêtement] Mettre, revêtir. Enfiler ses bas, son pantalon. Là-dessus, il prend son chapeau, enfile son pardessus, et va voir ses malades (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 209). Il possédait autant de bretelles que de pantalons, de façon à enfiler le tout ensemble (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 67).
SYNT. Enfiler ses chaussettes, son pyjama, sa veste, ses bas, ses gants, son peignoir, un caleçon de bain.
C.— P. anal. [Le compl. désigne un lieu par où l'on passe] S'engager tout droit (dans, sous quelque chose).
1. Emploi trans. Enfiler la porte, l'escalier. Je le vois pendant cinq secondes, et puis il disparaît, enfilant à toutes jambes le chemin qui mène aux bois (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 111). L'une après l'autre, depuis vingt minutes, ils enfilaient des rues sombres et presque désertes (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 968).
Loc., vx. Enfiler le degré, enfiler la venelle. ,,S'enfuir`` (Ac.).
Spéc., ART MILIT. Prendre en enfilade. Enfiler une tranchée, un navire.
2. Emploi pronom. S'enfiler sous un porche. Les eaux s'enfilaient et battaient leurs rives (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 74).
Au fig., arg. S'engager. Ne t'enfile jamais dans cette combinaison-là; tu serais dans le seau (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1905, p. 168).
D.— P. ext.
1. Vx. Transpercer d'un coup d'épée. Enfiler un ennemi.
2. Vulg. Pénétrer (quelqu'un) par sodomie. Synon. enculer. Ah! ça oui, les filles, il y a de la ressource, si ça ne leur plaît pas, le turbin, elles peuvent toujours se faire enfiler (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 72). Mon vit de marbre noir t'enfile jusqu'au cœur (GENÊT, Poèmes, 1948, p. 25).
Emploi pronom. C'est les bestioles du bled qui se coursent pour s'enfiler ou se bouffer (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 207).
3. Au tric-trac, vieilli. Se faire enfiler, s'enfiler. Disposer son jeu de manière telle qu'on ne puisse jouer soi-même et qu'on soit constamment battu.
4. Emploi pronom. indir., pop. Absorber, S'enfiler un cognac, un bifteck. Synon. fam. s'envoyer, se taper. Moi je me connais un mec qui s'enfile soixante jaunes d'œufs durs (MUSETTE, [Cagayous phil.], 1906, p. 248) :
2. ... jamais elle ne trinquait avec l'un de ses clients malgré toutes les politesses que l'on pouvait lui faire, mais après (...) elle s'enfilait des rasades d'eau-de-vie.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 86.
Prononc. et Orth. :[], (j')enfile []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1193-97 « passer un fil ou un objet analogue au travers de quelque chose » aguille enfiler (HÉLINANT DE FROIDMONT, Les Vers de la Mort, éd. Fr. Wulff et E. Walberg, IX, 11); 1595 enfiler qqn « transpercer quelqu'un avec une épée, une arme » (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. 48, p. 328); 2. 1549 pronom. « se laisser prendre au piège » (EST.); 3. 1609 « s'engager dans une voie » en partic. pour prendre la fuite enfiler la venelle (RÉGNIER, Sat., XII, 327 ds Œuvres, éd. G. Raibaud, p. 166); 4. 1618 enfiler un long pourparler (D'AUB., Hist., I, 140 ds LITTRÉ); 5. 1866 « mettre un vêtement » elles enfilent leur bas (TAINE, Voy. Ital., t. 1, p. 10); 6. 1878 fam. « boire » enfiler sa potée (RIGAUD, Dict. jargon paris., p. 279). Dér. de fil; préf. en-; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 437 (enfilé : 112). Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 198, b) 586; XXe s. : a) 854, b) 858. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 213, 237, 412. — GUIRAUD (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. 96-109. — QUEM. Fichier.

enfiler [ɑ̃file] v. tr.
ÉTYM. XIIIe; de en-, fil, et suff. verbal.
1 Traverser par un fil, mettre autour d'une ficelle, d'une tringle. || Enfiler une aiguille (cit. 7). || Enfiler des perles, et, par ext., enfiler un collier, un chapelet. || Enfiler des éponges avec une ficelle. || Enfiler des anneaux sur une tringle. || Enfiler une bague à son doigt. || Enfiler des harengs sur une broche, des rognons sur une brochette.
1 La fourmi ne perd pas sa peine à discuter et elle se hâte de rejoindre ses sœurs qui suivent toutes le même chemin, semblables à des perles noires qu'on enfile.
J. Renard, Histoires naturelles, p. 147.
Fam. Nous ne sommes pas là pour enfiler des perles, pour perdre notre temps à des futilités.
2 Est-il temps d'enfiler des perles
Et d'aller à la chasse aux merles ?
Scarron, Virgile travesti, IV, in Littré.
2 Par anal. Vx. Traverser le corps de (qqn) avec une lame, une épée. || Enfiler son adversaire au cours d'un duel. Embrocher.
3 (…) Macartney, qui lui servait de second, enfila sur-le-champ le duc d'Hamilton par derrière, et s'enfuit.
Saint-Simon, Mémoires, t. IV, IV.
REM. Comme le sens 6 et tous les emplois où le compl. est un nom de personne, ce sens a vieilli, à cause du sens 7.
3 (1680). Par ext. S'engager tout droit dans (une voie). || Enfiler une rue, un chemin. Prendre. || Enfiler la venelle. Venelle.Le vent enfile le boulevard.
4 Vous enfiliez tout droit, sans mon instruction,
Le grand chemin d'enfer et de perdition.
Molière, l'École des femmes, III, 1.
5 Lorsque ces courbes se trouvent situées de manière à être enfilées par les vents froids et humides (…)
Buffon, Expériences sur les végétaux, 2e mém., in Littré.
6 Nous enfilâmes à droite, au rez-de-chaussée, un long corridor qu'éclairaient de loin en loin des lanternes de verre accrochées aux parois du mur, comme dans une caserne ou dans un couvent.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 50.
7 J'enfilai prudemment une ruelle voisine (…)
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 306.
Milit. Prendre en enfilade, battre dans le sens de la longueur. || Le tir enfile la tranchée. Enfilade.
4 Fam. Mettre, passer (un vêtement). || Enfiler un pantalon, une jupe, une veste, un polo (cit. 4). || Enfiler des bas, des bottes, des gants.
8 (…) il ne lui fallait guère plus de cinq minutes pour passer sous la douche, se raser, enfiler la chemise glacée (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p 10.
5 Débiter sans discontinuer, mettre à la suite. || Enfiler un discours, une histoire, des phrases interminables. Vx. || Enfiler qqch. à qqn (→ ci-dessous, cit. 10).
9 Quand un plaideur s'en vient m'enfiler son procès,
Quelque excuse aussitôt m'épargne un mal de tête (…)
La Fontaine, l'Eunuque, V, 2.
10 Il m'enfila de longs raisonnements où je ne compris rien du tout; puis en conséquence de sa sublime théorie, il commença in anima vili la cure expérimentale qu'il lui plut de tenter.
Rousseau, les Confessions, VI.
6 Vieilli. Engager (un joueur) dans une partie désavantageuse, ou truquée.REM. Par suite de l'évolution du mot au sens 7, enfiler n'est plus d'usage normal en ce sens ou serait pris pour une métaphore érotique. Abuser, enjôler, rouler, tromper.
11 Le comte à part : Il veut rester. J'entends (…) Suzanne m'a trahi.
— Figaro : Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, III, 8.
7 (XVIIe). Fam. et vulg. Posséder sexuellement (une femme).
11.1 Elle est jolie, et elle mérite bien qu'on l'enfile.
Richelet, Dict. (1680), artEnfiler (Remarques sur la lettre E).
11.2 Qu'est-ce qu'il espérait ? qu'après ça elle ne coucherait plus qu'avec lui, qu'elle allait se priver de se faire enfiler par le premier venu (…)
Claude Simon, la Route des Flandres, p. 154.
Spécialt. Pénétrer (qqn, homme ou femme) par sodomie.
11.3 C'est aux bains que cela se pratique. On retient le bain pour soi (5 francs, y compris les masseurs, la pipe, le café, le linge) et on enfile son gamin dans une des salles.
Flaubert, À Louis Bouilhet, 15 janv. 1850, in Correspondance, Pl., t. I, p. 572.
——————
s'enfiler v. pron.
(1859, in D. D. L.). Fam. Envoyer (s'), taper (se). || S'enfiler un bon dîner, le manger. || S'enfiler un grand verre d'eau, le boire.Avoir à supporter (une corvée). Taper (se). || S'enfiler tout le travail, s'enfiler le chemin à pied, le faire (avec une nuance de mécontentement).
12 (…) pendant que vos vieux cocos s'enfileront dans le gésier vos verres d'eau de bidet, l'air de la forêt de Rambouillet leur entrera dans le système respiratoire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 288.
——————
enfilé, ée p. p. adj.
Traversé d'un fil ou de quelque chose de semblable. || Aiguille enfilée (→ Brochette, cit. 1; chapelet, cit. 4; collier, cit. 3).
Figuré :
13 Ce sont des notes sur des contemporains, des choses vues, enfilées à la diable, sans suite, comme des anecdotes viennent à l'esprit quand on parle.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 128.
CONTR. Désenfiler; ôter.
DÉR. Enfilade, enfilage, enfilement, enfileur.
COMP. Désenfiler, renfiler. — Enfile-aiguilles.

Encyclopédie Universelle. 2012.