CHARROI
CHARROI
L’évolution du charroi, liée au progrès de la construction des véhicules, aux modalités de l’attelage et, surtout, au développement de l’infrastructure, est finalement très lente. Les transports fluviaux l’emportent généralement de beaucoup sur le roulage.
On relèvera d’abord l’absence de tout charroi dans l’un des premiers foyers de civilisation, l’Amérique précolombienne, où les animaux de trait demeurent inconnus. Partout ailleurs, chariot et charrette à timon, sur deux ou quatre roues pleines, tirés par des bœufs, des ânes ou des mules, sont attestés. Un modèle réduit, provenant d’une tombe crétoise (\CHARROI 1900), représente l’un de ces chariots antiques, à caisse lourde, basse et allongée. Mais si des routes sont révélées, à haute époque, en Chine comme en Mésopotamie ou en Égypte, le trafic par caravanes, fleuves ou canaux le dispute, déjà, au charroi.
Mais en Asie centrale le chariot est largement employé pour traverser la steppe, dès le deuxième millénaire. Il connaît, d’ailleurs, une évolution rapide: capote de feutre, roues à raies et bientôt protégées de fer, attelage de deux ou quatre chevaux. D’origine chinoise, la voiture à brancards apparaît vers \CHARROI 500. Elle permettra l’attelage individuel, soit du bœuf à un jouguet de garrot, soit du cheval avec une bricole. Ce nouveau moyen de transport est introduit en Europe, au IVe siècle, à la faveur des incursions barbares.
À cette date, dans l’Empire romain, le charroi progresse grâce à l’extension du réseau routier et à la diversité des voitures, les fabrications gauloises ayant, à cet égard, une prépondérance manifeste. Les lourds transports demeurent cependant obérés par une technique d’attelage défectueuse, le collier de gorge, qui gêne la respiration et interdit l’effort. Cet inconvénient majeur est supprimé, au Xe siècle, par le collier d’épaule. Le chariot lui-même se perfectionne avec l’avant-train mobile, qui, toutefois, n’est attesté que vers la fin du XIVe siècle.
En dépit de ces innovations, le charroi n’a jamais eu l’importance des transports fluviaux. En France, à part quelques grands axes (routes de la vallée du Rhône, du mont Cenis, du nord et de l’est vers les Flandres et l’Allemagne), l’infrastructure, pendant tout le Moyen Âge et, pratiquement, jusqu’au XVIIIe siècle, est déplorable. Le réseau des voies romaines, définitivement hors d’usage, n’a jamais été reconstruit. Ces routes non seulement défoncées mais peu sûres, frappées en outre de péages et de droits divers, ne permettent qu’un roulage très localisé. Et quand il s’effectue sur de longues distances, le transport devient interminable: il faut quatre jours à une charrette, même légère, pour aller d’Orléans à Paris.
La création d’une école d’ingénieurs des Ponts et Chaussées, en 1747, fait partie d’une série de mesures qui permettent d’améliorer le réseau des routes carrossables: douze mille lieues tracées en 1788. Les messageries, assez bien équipées pour le transport des personnes (diligences, chaises de poste), abandonnent les marchandises aux seuls fourgons prévus à cet effet. L’extrême lenteur du charroi persiste donc: trente jours de Laval à Bayonne, par exemple. Les messageries ne s’émeuvent qu’au XIXe siècle, quand la menace d’une concurrence apparaît avec les premiers chemins de fer. Des voitures plus légères améliorent les temps de roulage: quatorze jours pour aller de Paris à Marseille, dix jours pour couvrir le trajet de Paris à Bordeaux. Mais la tonne kilométrique revient à quarante-cinq centimes, contre seize par voie ferrée (1835). Il n’est donc pas surprenant que le chemin de fer transporte déjà, en 1850, dix millions de tonnes de marchandises. Le coup de grâce sera donné au charroi par le moteur Diesel.
charroi [ ʃarwa ] n. m.
• 1155; de charroyer
♦ Transport par chariot, charrette, tombereau. Chemin de charroi. Un charroi de bois. « Le Charroi de Nîmes », chanson de geste.
● charroi nom masculin (de charroyer) Transport effectué par chariot ou par charrette.
charroi
n. m.
d1./d Transport par chariot, charrette, etc.
d2./d (Afr. subsah., Belgique) Parc d'automobiles.
⇒CHARROI, subst. masc.
A.— [Désigne le véhicule]
1. Vx ou région. Chariot. Du foin à pleins charrois (G. SAND, La Petite Fadette, 1849, p. 1). Un grand charroi à six bœufs (G. SAND, La Petite Fadette, 1849 p. 57) :
• 1. Il rêve charrois embourbés et percherons tirant du collier à sa voix et sous ses coups.
A. FRANCE, Pierre Nozière, 1899, p. 53.
— Expr. fig. Être dans un mauvais charroi (G. SAND, François le Champi, 1850, p. 149). Cf. l'expr. être dans une mauvaise passe.
2. Spécialement
a) TECHN. MILIT., vx, au plur. Transport des bagages et des munitions. Les charrois de l'artillerie (H. CHARDON, Les Trav. publ., 1904, p. 116).
— P. méton. Service du transport. Synon. train des équipages. Les charrois de l'armée (BALZAC, La Cousine Bette, 1846, p. 22).
♦ P. ext. Le charroi de la table (GIONO, Triomphe de la vie, 1941, p. 152).
b) AGRIC., VITIC. Médé qui faisait les charrois de la gare petite vitesse pourrait prêter les siens [de chevaux] (GIONO, Triomphe de la vie, 1941 p. 133).
c) Littér. Le charroi du Grand Artus (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 166). Le charroi du diable. C'est l'heure ample de la terreur, Où passe en son charroi d'horreur, Le vieux Satan des labours rouges (VERHAEREN, Les Villes tentaculaires, Les Campagnes hallucinées, 1895, p. 34).
3. P. méton. Contenu, chargement d'un chariot ou d'une charrette. Quelle joie que de se rouler sur le sommet du charroi, ou sur les miloches! (G. SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, p. 31).
B.— [Désigne l'action de transporter]
1. Transport effectué par charrette ou chariot.
— [Charroi est souvent suivi d'un déterminant indiquant la charge transportée, ou bien est employé au plur.] Un charroi de pierres. Le charroi des pièces de cuvée (HAMP, Vin de Champagne, 1909, p. 144) :
• 2. Déjà la route entre le plateau de Grande-Vue et les sources était en partie frayée, et avec un chariot mieux conditionné que le premier, les charrois seraient plus faciles, surtout si l'on parvenait à capturer quelque animal de trait.
VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 271.
♦ Expr. Droit de charroi (cf. droit de circulation). Impôt sur le transport. J'ai un marché avec la marine pour que l'accès de mon île soit franc de tout droit de charroi et de voyage (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 756).
2. Transport quelconque, charriage. L'incessant charroi (...) de nourritures fumantes (A. ARNOUX, Double chance, 1958, p. 7).
— P. ext. Remue-ménage, agitation. Le vivant charroi des villes (SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 143) :
• 3. ... cela faisait toute la journée un énorme charroi, un remuement de paille et de caisses et un grand piétinement de chevaux : ...
NIZAN, La Conspiration, 1938, p. 217.
C.— Groupe de chariots, de véhicules qui font route ensemble. Le roulement sourd d'un grand charroi (GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 123) :
• 4. La route est encombrée d'un interminable charroi et d'un long cortège de mules, d'ânes, de chevaux, portant chacun un cavalier, souvent deux, quelquefois trois.
T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 123.
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. carruque, antiq. Chariot luxueux à quatre roues, où l'on pouvait dormir. Au sommet d'un char à quatre roues, (...), apparut tout à coup (...) la toile ourlée de dorures qui portait imprimé le programme des XII futurs travaux du nouvel Hercule, et tout un chœur de bugles et de cors sonnait dans le lit de ce lourd carruque, aussi riche que le charroi du Grand Artus (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 166).
Prononc. et Orth. :[] ou [-]. Pt Lar. 1968 et Larg. Lang. fr. notent la finale avec [a] ant.; cf. aussi GATTEL 1841, NOD. 1844, DG. Pour FÉR. 1768 la 2e syll. est douteuse. PASSY 1914 donne [] post.; Pt ROB. et WARN. 1968 admettent [a] ou []. Pour G. STRAKA, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 20, ,,[] dans le groupe [] est devenu postérieur sous l'influence de l'r vélaire précédent : froide, paroisse, etc.`` Cf. aussi FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 62 : ,,On peut encore prononcer [] bref après un [].`` Noter que LAND. 1834 transcrit l'anc. prononc. : châ-roê. Durée longue pour la 1re syll. ds FÉR. 1768, LAND. 1834 et GATTEL 1841 qui recommande de prononcer ,,r forte``. Pour le timbre de la 1re syll., cf. charrier1 et charrette. Ds Ac. 1694 et 1718 s.v. Charroy; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. Mil. XIIe s. « chariot » (Charroi de Nîmes, éd. D. Mc Millan, 1476) — 1635 (MONET, Abr. du parallèle des lang. fr. et lat., Genève); 2. ca 1200 « train, convoi » ici au fig. en lonc charroi « lentement » (Renaut de Montauban, éd. H. Michelant, 72, 37); 3. 1398 « transport par chariot » (A.N. MM 31, f° 270 v° ds GDF. Compl.). Déverbal de charroyer. Fréq. abs. littér. : 109. Bbg. KEMNA 1901, p. 41.
charroi [ʃaʀwa] n. m.
ÉTYM. Mil. XIIe; de charroyer.
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1 (1398). Transport par chariot, charrette, tombereau. ⇒ Charriage. || Un charroi de bois. || Chemin de charroi. — Milit. ⇒ Train, transport. || Le Charroi de Nîmes, chanson de geste.
♦ Littér. Agitation d'une foule en mouvement. || « Le vivant charroi des villes » (Saint-Exupéry, in T. L. F.).
1 Au fond de l'horizon courait un roulement sourd : le charroi sur la piste de Megalopolis.
J. Giono, Naissance de l'Odyssée, p. 68.
♦ Par métonymie. Ce que transporte un chariot. ⇒ Charretée.
2 Il cueillait dans ses prés du foin à pleins charrois (…)
G. Sand, la Petite Fadette, I, p. 5.
Encyclopédie Universelle. 2012.