CHARRUE
CHARRUE
À l’époque gréco-romaine, tous les éléments constitutifs de la charrue sont attestés, mais encore employés séparément. En Italie du Nord, dans le Tessin, l’avant-train est connu. En Europe non méditerranéenne, on utilise un araire à coutre. Il suffira donc de réunir, sur le traditionnel araire à soc, le coutre et l’avant-train pour confectionner une charrue: celle-ci apparaît entre le VIe et le VIIe siècle. Ultérieurement, les progrès seront peu spectaculaires, malgré la diversité des instruments: versoir mobile, coutre orientable, système régulateur de l’age sur l’avant-train pour obtenir un labour plus profond, capable de retourner des sols lourds (argileux) d’accès difficile avec l’araire, la charrue permet les grands défrichements du XIe au XIIIe siècle; elle est l’une des causes de la disparition des grandes famines pendant cette période de l’histoire occidentale. La charrue de Dombasle, elle-même, n’apporte aucune nouveauté, si ce n’est une construction entièrement métallique. En revanche, la charrue «brabant double», avec ses deux socs, opposés et pivotant sur l’age, est une innovation importante: ce dispositif permet de tracer, en sens inverse du sillon précédent, un sillon juxtaposé. Mais la charrue se transforme vraiment quand on substitue à la traction animale la force motrice de la vapeur. Les premiers essais, à partir de 1825, ont lieu en Amérique et en Angleterre. Placée dans l’axe du champ, à égale distance des deux extrémités, une locomobile entraîne un tambour sur lequel s’enroule un câble. Tirée vers la machine, la charrue creuse le sillon; puis ramenée à la limite du champ, elle est tractée de nouveau par la locomobile qui progresse avec le labour. On expérimente encore, d’un bout à l’autre du champ, entre deux locomobiles, le va-et-vient d’un câble dont la charrue est solidaire: celle-ci, guidée par les mancherons et retournée à chaque fin de course, travaille dans les deux sens. Enfin, à la manière d’une herse, une batterie de socs sera tirée par la locomobile, système préfigurant la charrue polysoc et son tracteur Diesel.
charrue [ ʃary ] n. f.
• v. 1190; lat. imp. carruca « char gaulois », de carrus
♦ Instrument servant à labourer la terre, dont la pièce principale est un soc tranchant. ⇒ brabant, cultivateur, déchaumeuse, défonceuse, fouilleuse, grattoir. La charrue a remplacé l'araire. Le bâti (⇒ age, cep, entretoise, étançon) , les pièces travaillantes (⇒ coutre, étrier, soc, versoir) , les pièces de réglage et de direction de la charrue (⇒ 2. mancheron, palonnier, régulateur, timon) . Charrue à avant-train formé de deux roues. Charrue trisoc. Charrue vigneronne (ou enjambeuse),servant à labourer les vignes. Charrue tirée par des bœufs, des chevaux, un tracteur. ⇒ motoculteur. Retourner la terre, tracer un sillon avec une charrue (⇒ labourer) . — Loc. fig. Mettre la charrue avant, (vieilli) devant les bœufs : faire d'abord ce qui devrait être fait ensuite, après.
● charrue nom féminin (latin carruca, de carrus, char, du gaulois) Instrument agricole servant à labourer et travaillant d'une manière dissymétrique en rejetant et en retournant la terre d'un seul côté. Dispositif utilisé pour détruire la partie superficielle d'une chaussée en mauvais état. ● charrue (citations) nom féminin (latin carruca, de carrus, char, du gaulois) Anonyme Par l'épée et par la charrue. Ense et aratro. Commentaire Devise du maréchal Bugeaud, alors qu'il était gouverneur de l'Algérie.
charrue
n. f. Instrument servant à labourer la terre sur de grandes surfaces. Le coutre et le soc de la charrue découpent une bande de terre que le versoir retourne.
|| Loc. fig. Mettre la charrue avant, devant les boeufs: commencer par où l'on devrait finir.
⇒CHARRUE, subst. fém.
Instrument de travail agricole, à traction animale ou mécanique, servant à labourer et dont la pièce principale est un soc tranchant. Atteler la charrue; garçon de charrue :
• 1. Les Chinois empruntèrent probablement la seule idée qu'ils partagèrent avec les autres civilisations et qui fut d'atteler un bœuf à la charrue.
R.-H. LOWIE, Manuel d'anthropol. culturelle, 1936, p. 57.
SYNT. Détacher, conduire la charrue; fer, soc de la charrue.
♦ P. anal. Charrue à neige. Type simple de chasse-neige :
• 2. Dans les contrées où les neiges sont abondantes, on a recours aux charrues à neige. Ce sont des châssis triangulaires formés de pièces de bois assemblées en forme de v.
J. BOURDE, Les Trav. publ., t. 1, 1928, p. 147.
— Spéc. Charrue à malte. Appareil permettant le pelletage de l'orge.
— Loc. fig., vx. Tirer la charrue. Faire un travail pénible. Mettre la charrue avant les bœufs. Ne pas faire les choses dans l'ordre :
• 3. Je répète cependant que l'on a mis un peu la charrue avant les bœufs en ce sens que la mise de la guerre hors la loi est bien antérieure à l'organisation des Nations Unies.
G. SCELLE, Le Fédéralisme européen, 1952, p. 23.
— P. méton., vx ou région. Étendue de terre, variable suivant les régions, susceptible d'être labourée en un an avec une charrue.
Rem. 1. Attesté ds les dict. du XIXe s. 2. On rencontre ds la docum. le subst. fém. charruée. Même sens. Chaque quartier de terre (...) se partage en deux charruées (A. MEYNIER, Les Paysages agraires, 1958, p. 83).
Prononc. et Orth. :[]. 1re syll. longue ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, LAND. 1834 et GATTEL 1841 qui recommande de prononcer r forte. Pour le timbre de la 1re syll., cf. charrette. Ds Ac. 1694 et 1718 s.v. charruë; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Pour la graph. avec 2 r alors que chariot n'en prend qu'un, cf. chariot. Étymol. et Hist. 1180-1200 (Alexandre, éd. E. C. Amstrong, Eliott Monographs, version A. de Paris, branche III, 584). Du lat. carruca (dér. de carrus, mot gaulois, HOLDER t. 1, s.v. char); attesté d'abord au sens de « char d'apparat, de luxe (pour des personnages de rang très élevé) », il semble désigner ensuite une voiture quelconque à deux roues (fin IIe-début IIIe s., Ulpien ds TLL s.v., 498, 62); le terme s'est spécialisé en Gaule pour désigner la charrue à deux roues importée par les Francs, p. oppos. à la charrue du type de celle des Romains (lat. aratrum, v. araire; W. Foerster ds Z. rom Philol., t. 29, pp. 1-17; FEW t. 2, p. 426a; B. Kratz ds Beiträge zur deutschen Philologie, t. 34, p. 16, 20, 22-25, 45-49); le sens de « charrue », confirmé dès 800 par le sens de « mesure de terre (la surface labourable avec une charrue dans un domaine) » (Codex Laureshamensis ds Mittellat. W. s.v., 312, 10), n'est attesté avec certitude qu'au IXe s. (Polyptique d'Irminon ds NIERM.), le sens du mot dans l'attest. de la Loi Salique (34, 2 ds TLL s.v., 498, 79) et du Capitulaire de Villis (Z. rom. Philol., t. 37, p. 535 et t. 38, p. 561) pouvant aussi bien être « voiture » que « charrue ». Fréq. abs. littér. :689. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 971, b) 1 222; XXe s. : a) 1 102, b) 782. Bbg. DAUZAT (A.). Araire et charrue. La Nature. 1934, t. 62, pp. 481-486. — FOERSTER (W.). Der Pflug in Frankreich. Z. rom. Philol. 1905, t. 29, pp. 14-16; 1913, t. 37, p. 535; 1914, t. 38, p. 561. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 51, 265. — KRATZ (B.). Zur Bezeichnung von Pflugmesser und Messerpflug in Germania und Romania. Giessen, 1966, p. 16, 20, 22, 25. — QUEM. 2e s. t. 1 1970.
charrue [ʃaʀy] n. f.
ÉTYM. V. 1190; du lat. impérial carruca « char d'apparat », puis « char gaulois ».
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1 Instrument servant à labourer la terre (instrument aratoire) dont la pièce principale est un soc tranchant. ⇒ Brabant, buttoir, cultivateur, déchaumeuse, défonceuse, fouilleuse, grattoir, ritte, tourne-oreille. || Remplacer l'araire, la houe par la charrue. || Le bâti d'une charrue. ⇒ Âge, étançon, entretoise, sep. || Les pièces travaillantes de la charrue. ⇒ Coutre, étrier, soc, versoir. || Les pièces de réglage et de direction de la charrue. ⇒ Mancheron, palonnier, régulateur, timon. || Pièces accessoires d'une charrue. ⇒ Rasette, sellette; enfouisseur. || Charrue simple. ⇒ Araire; areau. || Charrue à support, à sabot, à roulette. || Charrue à avant-train, formée de deux roues. || Charrues à socs multiples. || Charrues bissoc, trisoc, polysoc. ⇒ Bissoc, trisoc, polysoc; et aussi canadienne. || Charrue vigneronne, servant à labourer les vignes. || Charrue-balance, mue par un treuil (à vapeur ou électrique). — Charrue à mains, en horticulture. ⇒ Binot, ratissoire, sarcloir. || Le tranchant d'une charrue. || Cheville ouvrière d'une charrue. || Crochet d'attelage d'une charrue. || Charrue tirée par des bœufs, des chevaux, un tracteur. || Nettoyer le soc d'une charrue avec un débouchoir. || Retourner la terre, tracer un sillon avec une charrue (⇒ Labourer). || Premier sillon qu'ouvre la charrue dans un champ. ⇒ Enrayure. || Ados formé par la charrue dans une terre labourée. ⇒ Billon; tranche (→ Biner, cit. 1).
0.1 (…) il conduisit les charrues dans les terres; il y fit passer légèrement le soc, et y sema de l'orge mélangé d'avoine, le plus clair possible.
Restif de La Bretonne, la Vie de mon père, p. 49.
1 On ne trouve aucun reste de charrue ni d'instrument aratoire, de sorte que l'on peut douter que l'homme connût l'agriculture.
Fustel de Coulanges, Leçons à l'impératrice…, p. 15.
2 Charrues, que des bœufs sur nos champs vous promènent ! Creusez la terre comme un boutoir : le soc inemployé dans le hangar se rouille (…)
Gide, les Nourritures terrestres, V, III, p. 121.
♦ (1868). Par anal. || Charrue à neige : type de chasse-neige.
2 Fig., littér., vx. Les travaux des champs. ⇒ Agriculture.
3 Il ne sait pas que la charrue est plus noble que le froc.
Voltaire, l'Homme aux 40 écus.
♦ ☑ Loc. Par le fer et par la charrue (lat. : ense et aratro) : maxime de la conquête coloniale (c'était notamment la devise de Bugeaud).
3 ☑ Loc. fig., fam. (vieilli). Tirer la charrue : mener une vie pénible, fatigante — ☑ C'est une charrue mal attelée.
♦ ☑ Mod. Mettre la charrue devant, avant les bœufs : faire d'abord ce qui devrait être fait ensuite, après.
4 Martial avait mis la charrue devant les bœufs. Il aurait voulu d'abord être sûr que Dieu existe, que la mort n'est pas la mort; et ensuite, fort de cette assurance, il aurait peut-être essayé de vivre un peu mieux (…)
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 256.
♦ ☑ Loc. vieillie. Un cheval de charrue : un homme grossier, stupide. Syn. : cheval de labour.
♦ ☑ Rare. Pousser, aider à la charrue : apporter son aide. → Pousser à la roue.
5 C'est vrai ? demandait Germaine, anxieuse de comprendre, anxieuse d'aider, de pousser à la charrue.
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 13.
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DÉR. Charruer.
Encyclopédie Universelle. 2012.