eunuque [ ønyk ] n. m.
• eunique, eunucheXIIIe; lat. eunuchus, gr. eunoukhos « qui garde (ekhein) le lit (eunê) des femmes »
1 ♦ Homme châtré qui gardait les femmes dans les harems. « vous avez beau me dire que des eunuques ne sont pas des hommes » (Montesquieu ).
2 ♦ Méd. Homme qui a subi une castration. ⇒ castrat. Une voix d'eunuque, très aiguë.
3 ♦ Fig. et fam. Homme sans virilité (physique ou morale).
● eunuque nom masculin (latin eunuchus, du grec eunoukhos, de eunê, lit, et ekhein, avoir) Homme castré chargé de fonctions administratives et militaires importantes, ainsi que de la garde des harems impériaux (Iran ancien, Byzance, Chine, monde musulman médiéval, Empire ottoman). Littéraire. Homme sans énergie, dépourvu de toute virilité. Nom donné à des officiers des rois juifs, chargés de la garde de la chambre, bien que nullement mutilés. Nom donné à des sectaires fanatiques du IIIe s. qui se mutilaient eux-mêmes et forçaient à se mutiler ceux qui tombaient entre leurs mains. ● eunuque (citations) nom masculin (latin eunuchus, du grec eunoukhos, de eunê, lit, et ekhein, avoir) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Il y a des gens qui ont une bibliothèque comme les eunuques ont un harem. Fragments
eunuque
n. m.
d1./d HIST Homme castré auquel était confiée la garde des femmes dans les harems.
d2./d MED Homme castré.
— Fig. Homme mou, sans virilité.
⇒EUNUQUE, subst. masc.
A.— Homme privé de la faculté de se reproduire par suite de castration. Une voix d'eunuque; devenir, faire, rendre eunuque. Jamais menton d'eunuque ne fut plus glabre (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 12). Asservies à l'amour brutal, elles se sont privées de toute volupté, et elles approchent par là des hommes qui se sont faits eunuques en vue du royaume de Dieu (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 205). Parmi les eunuques, il n'y a jamais eu de grands philosophes, de grands savants, ou même de grands criminels (CARREL, L'Homme, 1935, p. 103) :
• 1. Ce brave organe génital est le fond des tendresses humaines; ce n'est pas la tendresse, mais c'en est le substratum comme diraient les philosophes. Jamais aucune femme n'a aimé un eunuque...
FLAUBERT, Corresp., 1852, p. 24.
— Spéc. [En Orient] Homme châtré employé comme serviteur et chargé en particulier de la garde des femmes dans les harems. Un eunuque noir; le chef des eunuques. La loi de Soliman (...) jeta l'empire en proie aux intrigues des eunuques et aux révoltes des janissaires (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 370). Les eunuques silencieux Versent les liqueurs parfumées Dans les fines coupes gemmées (MORÉAS, Cantil., 1886, p. 178) :
• 2. L'impuissance, la féminisation et l'obésité des eunuques contribuaient à en faire les gardiens, à la fois efficaces et inoffensifs, des gynécées et des harems.
BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 757.
♦ P. métaph. :
• 3. Bon Dieu! que d'amateurs ayant des collections, véritables sérails dans lesquels ils sont eunuques, sans le sentiment de l'art, n'entrant dans le sens, ni dans le secret de tout ce qu'ils ont, entourés de choses qui prouvent qu'ils ne peuvent rien y comprendre...
GONCOURT, Journal, 1858, p. 434.
— P. ext. Homme impuissant ou déficient du point de vue sexuel. Cette volatilisation de l'instinct ne comporte que deux issues, toutes deux aberrantes : ou bien elle est effective, et produit des eunuques; ou bien la sensualité (...), loin d'avoir désarmé, s'abrite dans les recoins (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 151).
B.— Au fig., péj. Homme dépourvu des qualités traditionnellement (et souvent abusivement) attribuées au sexe masculin (énergie physique et morale, honnêteté, puissance créatrice). Ils feront leur métier ces eunuques du feuilleton [les journalistes] (BALZAC, Corresp., 1839, p. 560). Ne te fais pas d'illusion, n'espère pas éviter la destinée. Sois eunuque et engraisse, ou sois homme et lutte; il n'y a pas de milieu (SAND, Mlle de la Quintinie, 1863, p. 70) :
• 4. Il expliquait dès 1941 l'énorme différence de tonus moral entre les gars des kommandos et les bourgeois des camps, et comment, tandis que les seconds, devenus eunuques, s'enfonçaient dans le mensonge et la servitude, les premiers reprenaient conscience de leur dignité d'hommes et de Français.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 191.
— Emploi adj. :
• 5. Voilà Parny. Le puritas impuritatis de Juste Lipse, est fait pour lui. Il a le cœur et l'âme eunuques. Son impuissance sans doute a quelque grâce; mais il ne se montre insinuant que parce qu'il est énervé.
JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 215.
♦ [Appliqué à une chose] Les faits les plus énormes (...), retranchés de l'orbite, excommuniés de tout ensemble, acéphales et eunuques (BLOY, Désesp., 1886, p. 135).
Rem. On rencontre ds la docum. le néol. eunuchat, subst. masc. État de celui qui est eunuque. Le vétuste Pontmartin, rossignol de catacombes, dont l'eunuchat réfrigère opportunément les préhistoriques ardeurs (ID., ibid., p. 193).
Prononc. et Orth. :[ønyk]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1274 eunuche (Chron. de St Denis, ms. Ste Geneviève [782 du XIIIe s.], f° 31d ds GDF. Compl.); 2. 1794 fig. « homme mou, sans énergie » (CHÉNIER, Odes, p. 254). Empr. au lat. eunuchus, lui-même du gr. de même sens. Fréq. abs. littér. : 205. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 328, b) 500; XXe s. : a) 388, b) 89. Bbg. POHL (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Fr. mod. 1963, t. 31, p. 298 (s.v. eunuqué). — QUEM. DDL t. 9.
eunuque [ønyk] n. m.
ÉTYM. 1274, eunique, eunuche; lat. eunuchus, grec eunoukhos, proprt « qui garde (ekhein “avoir, tenir”) le lit (eunê) des femmes ».
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1 Anciennt. En Orient, Homme châtré qui gardait les femmes dans les harems. || Les eunuques byzantins étaient appelés « imberbes ». || L'Eunuque, comédie de La Fontaine.
1 Après sa naissance, on le donnait (le fils aîné du roi de Perse), non à des femmes, mais à des eunuques de la première autorité autour des rois, à cause de leur vertu.
Montaigne, Essais, I, XXV.
2 (…) vous avez beau me dire que des eunuques ne sont pas des hommes, et que votre vertu vous met au-dessus des pensées que pourrait faire naître en vous une ressemblance imparfaite (…) vous m'ôtez l'honneur, en vous exposant (…) aux entreprises d'un perfide qui vous aura souillée par ses crimes, et plus encore par ses regrets et le désespoir de son impuissance.
Montesquieu, Lettres persanes, XX.
3 Une autre différence (entre nous et les Orientaux), qui naît de nos usages avec les femmes, c'est cette coutume de mettre auprès d'elles des hommes dépouillés de leur virilité; usage immémorial de l'Asie et de l'Afrique, quelquefois introduit en Europe chez les empereurs romains. Nous n'avons pas aujourd'hui dans notre Europe chrétienne trois cents eunuques pour les chapelles et pour les théâtres; les sérails des Orientaux en sont remplis.
Voltaire, Essai sur les mœurs, CXCVII.
2 Méd. Homme qui a subi une castration. || État d'eunuque. ⇒ Eunuchisme. || Rendre eunuque. ⇒ Castrer, émasculer, stériliser. || Eunuque à la voix de soprano. ⇒ Castrat. || Apparence féminine, tendance à l'obésité des eunuques.
4 (…) le sujet qui a subi une double castration (ablation des testicules) perd à la fois sa fécondité et son instinct sexuel, parce que la mutilation totale de sa glande supprime toute sécrétion. Si l'opération a lieu avant la puberté, les conséquences sont encore plus graves. Non seulement on ne voit apparaître aucune évolution sexuelle, mais la constitution même de l'individu ainsi que son caractère, sont gravement troublés. C'est ainsi que les eunuques ont le buste court, les membres longs et grêles, la voix aiguë, le système pileux absent et l'instinct sexuel nul (organes génitaux rudimentaires).
P. Vallery-Radot, le Grand Mystère de la cellule à l'homme, p. 69.
3 (1794). Fig et fam. Homme sans virilité (physique et morale). ⇒ Impuissant. || Il ne sait pas ce qu'il veut, c'est une chiffe molle, un eunuque !
5 Seule (Charlotte Corday), tu fus un homme et vengeas les humains, Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme, Nous savons répéter quelques plaintes de femme, Mais le fer pèserait à nos débiles mains.
André Chénier, Odes, II, IX.
♦ Par analogie. Personne incapable de créer. || Les critiques sont parfois accusés d'être des eunuques. — Adj. :
6 (…) il ne restera pas de Lamartine de quoi faire un demi-volume de pièces détachées : c'est un esprit eunuque.
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 201.
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DÉR. et COMP. Eunuchisme. V. Eunuchat, eunuchoïde.
Encyclopédie Universelle. 2012.