gouffre [ gufr ] n. m.
• XIIe; bas lat. colpus, gr. kolpos → golfe
1 ♦ Trou vertical, effrayant par sa profondeur et sa largeur. ⇒ abîme. Les bords, les parois, le fond d'un gouffre. Gouffre béant. Spéléologue qui explore un gouffre. Gouffre d'un terrain accidenté (⇒ précipice) . Gouffre sous-marin. ⇒ fosse.
♢ Spécialt Courant tourbillonnaire. Le gouffre du Maelström.
♢ Géol. Vaste cavité en forme d'entonnoir creusée par les eaux de ruissellement dans les terrains calcaires. ⇒ aven, bétoire, doline, igue. Le gouffre de Padirac.
2 ♦ Fig. En parlant de ce qui a la profondeur d'un gouffre, de ce qui est insondable Le gouffre du néant, de l'oubli. « On se perd dans ces gouffres de misère qu'on appelle la nature humaine » (Barbey). Un gouffre de malheurs, de souffrances. Loc. Être au bord du gouffre, devant un péril imminent (⇒ précipice) . — Un gouffre nous sépare.
3 ♦ Spécialt Ce qui engloutit de l'argent, chose ruineuse. Ce procès est un gouffre. ⇒ ruine. « Prends garde ! dit Pécuchet, tu vas te lancer dans les réceptions. C'est un gouffre ! » (Flaubert) .
● gouffre nom masculin (bas latin colpus, du grec kolpos, entrailles) Cavité béante d'une grande profondeur. (Les principaux gouffres se rencontrent dans les régions calcaires et résultent de l'effondrement du toit d'une cavité souterraine.) Trou vertical effrayant par sa profondeur ; abîme : Les gouffres sous-marins. Littéraire. Ce qui paraît insondable ; le niveau le plus bas du malheur : Le gouffre de l'oubli. Ce qui engloutit d'énormes sommes d'argent ; personne qui fait dépenser énormément d'argent ou qui dilapide une fortune : Cette maison est un gouffre. Familier. Personne qui mange énormément. ● gouffre (expressions) nom masculin (bas latin colpus, du grec kolpos, entrailles) Être au bord du gouffre, être près de la ruine, de la catastrophe. ● gouffre (synonymes) nom masculin (bas latin colpus, du grec kolpos, entrailles) Cavité béante d'une grande profondeur.
Synonymes :
- abîme
- aven
Littéraire. Ce qui paraît insondable ; le niveau le plus bas du...
Synonymes :
- abîme
- précipice
Ce qui engloutit d'énormes sommes d'argent ; personne qui fait dépenser...
Synonymes :
- panier percé (familier)
- ruine
gouffre
n. m.
d1./d Dépression naturelle très profonde aux parois abruptes.
— Spécial. GEOMORPH Vaste puits naturel, typique du relief karstique. Le gouffre de Padirac. Syn. abîme, aven.
d2./d Fig. Catastrophe. Le pays est au bord du gouffre.
d3./d Fig. Ce dans quoi l'on engloutit beaucoup d'argent. Cette voiture est un gouffre!
⇒GOUFFRE, subst. masc.
A. — [Accept. concr. physiques]
1. Trou profond et large qui s'ouvre à la surface du sol. Bord, fond du gouffre; gouffre béant, entr'ouvert, profond; jeter précipiter, tomber dans un gouffre; le gouffre s'ouvre; se pencher sur le gouffre; au-dessus du gouffre :
• 1. À quelques pas de là, la vallée de gauche, qui va toujours en se creusant, forme alors un gouffre circulaire, auquel son étendue, sa profondeur et son ensemble gigantesque ont fait donner le nom de Bol-de-Punch-du Diable...
LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 249.
2. GÉOL. Cavité souterraine creusée par les eaux dans les régions calcaires. Le gouffre de Padirac :
• 2. Redressés et très plissés dans les Alpes et les Pyrénées, ils [les terrains secondaires] forment, sur la bordure sud du Massif Central, cette curieuse région des Causses, plateaux élevés, froids, véritables déserts de pierres, pays des gorges profondes, des gouffres et des cavernes, résultant de la dissolution des calcaires...
BOULE, Conf. géol., 1907, p. 139.
3. Vaste tourbillon qui se produit dans la mer ou l'océan, provoqué par la rencontre de deux courants contraires. Le gouffre de Maelstrom :
• 3. Comme un vaisseau qui sombre aux gouffres de la mer.
Ils fendaient engloutis ces ténèbres palpables;
L'écume des brouillards ruisselait sur les câbles...
LAMART., Chute, 1838, p. 971.
B. — [Accept. abstr. et au fig.]
1. [Gouffre exprime la notion de perte]
a) [matérielle]
— [En parlant d'une chose] Chose, opération où s'engloutissent les biens, les richesses, la vie, etc. Prends garde! dit Pécuchet, tu vas te lancer dans les réceptions. C'est un gouffre! (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 47). Même en allant à l'économie, cette maison est un gouffre (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 231) :
• 4. Enfin, à la corbeille, Delarocque et Jacoby surtout passaient pour avoir gagné personnellement de grosses sommes, déjà englouties du reste dans les deux gouffres toujours béants, impossibles à combler, que creusaient chez le premier l'appétit de la femme et chez l'autre la passion du jeu.
ZOLA, Argent, 1891, p. 377.
— [En parlant d'une pers.] Personne absorbant d'impressionnantes quantités de nourriture. Quelle différence avec ce goinfre de Pigeonneau, un abîme à victuailles, un goufre [sic] insondable, sans fond (FABRE, Roi Ramire, 1884, p. 125).
b) [intellectuelle] Le gouffre de l'oubli. Voici le temps où Julien, Fabrice, Dominique, Lucien, quand je m'efforce de les arracher au gouffre, ne me racontent plus que des histoires à dormir debout (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 69).
c) [morale] Au moment de se jeter dans le gouffre de la prostitution parisienne, à l'âge de seize ans, belle et pure comme une Madone, celle-ci rencontra Castanier (BALZAC, Melmoth, 1835, p. 331).
2. [Gouffre exprime la notion de mystère et de ténèbres]
a) Tentation et vertige. Au bord du gouffre. L'abîme, que des forces fatales avaient creusé entre eux, ne les séparait que matériellement; ils restaient sur les bords du gouffre, à s'adorer de loin. (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 249) :
• 5. Au moral comme au physique, j'ai toujours eu la sensation du gouffre, non seulement du gouffre du sommeil, mais du gouffre de l'action, du rêve, du souvenir, du désir, du regret, du remords, du beau, du nombre, etc.
BAUDEL., Cœur nu, 1867, p. 668.
b) L'insondable. Au fond du gouffre. Plus souvent encore, il apparaît errant dans l'immensité, cherchant à sortir du « noir » pour aboutir à la clarté, se heurtant le front à des plafonds de nuages sombres, rencontrant des êtres monstrueux ou éclatants, ou bien s'abîmant dans des gouffres sans fond (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 369).
c) Les puissances du mal. Du fond de mon exil, si j'y retourne, Dieu m'appellera au royaume du ciel; et toi, de ton royaume en ce monde, tu seras précipitée dans les gouffres de l'enfer (THIERRY, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 174).
3. [Gouffre exprime le très haut ou le plus haut degré où se trouve une chose] Par instants je trébuche dans des gouffres d'horreur (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 891).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 « abîme, cavité béante où l'on risque d'être englouti » (B. DE STE-MAURE, Troie, 28881, ds T.-L. : Al gofre e al sorbissement); en partic. 1538 « tourbillon » (EST.); cf. 1774-79 le gouffre... de la mer de Norvège (BUFF., Théorie de la terre, Preuves, art. XV ds LITTRÉ); 2. a) ca 1330 fig. « ce qui, comparé à un gouffre, engloutit comme lui; ici gorge, gosier » (G. DE DIGULLEVILLE, Pelerinage vie hum., 10479 ds T.-L.); b) fin XIVe s. « personne qui engloutit de grandes quantités de nourriture » (E. DESCHAMPS, Œuvres, II, 53, 6, ibid.); c) av. 1525 « chute, situation déplorable, état de perdition dans lequel on tombe » (J. Lemaire ds PALSGR., p. 63); d) 1611 un gouffre d'argent (COTGR.). Du gr. « pli, creux » d'où « golfe, repli de la côte » quelquefois « vallée », empr. tardivement (IVe s.) par le lat. sous la forme colpus, colfus (forme vulg.); on peut donc penser que le fr. ne tient pas le mot du lat. mais des Grecs de la côte méditerranéenne : le f s'expliquerait comme un traitement hypercorrect du devenu (en réaction contre le phénomène illustré par enter). Fréq. abs. littér. : 1 561. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 003, b) 3 651; XXe s. : a) 2 777, b) 1 301. Bbg. ANTOINE (G.). Pour une nouvelle exploration du gouffre baudelairien. Fr. mod. 1962, t. 30, pp. 81-98. - ARVEILLER (R.). Golfe, gouffre. Fr. mod. 1955, t. 23, pp. 191-196. - FONDANE (B.). Baudelaire et l'exp. du gouffre. Paris, 1947, 383 p. - GUIRAUD (P.). Ch. styl. du gouffre de Baudelaire. Orbis litterarum. 1958, t. 13, pp. 75-84. - HOPE 1971, pp. 40-41. - VIDOS 1939, pp. 429-430. - VIDOS (B.E.). Fr. gouffre, golfe. R. port. Filol. 1956, t. 7, pp. 1-15; Gouffre golfe ou golfe-gouffre? Fr. mod. 1956, t. 24, pp. 139-141.
gouffre [gufʀ(ə)] n. m.
ÉTYM. Fin XIIe; gofre, v. 1160; var. gloufe en anc. franç., confondu longtemps avec golfe, distingué au XVIIe; du bas lat. colpus, du grec kolpos « pli creux ». → Golfe.
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1 Trou vertical, effrayant par sa profondeur et sa largeur. ⇒ Abîme. || Les bords, les parois, le fond (cit. 5) d'un gouffre. || Gouffre béant, gouffre qui s'ouvre devant qqn. || Attirance (cit. 1 et 2), vertige qu'inspire la vue d'un gouffre. || Descendre, tomber, plonger, se précipiter au fond d'un gouffre (→ Fabuleux, cit. 6). || Gouffres dans un terrain accidenté (⇒ Précipice). || Gouffre sous-marin (⇒ Fosse). || Gouffre d'eau : creux profond entre les lames d'une mer agitée. — Gouffre de feu, gouffre de l'enfer.
1 (…) des peines éternelles préparées aux impies dans le gouffre noir du Tartare (…)
Fénelon, Télémaque, IV.
2 (…) nous sortîmes, résolus à examiner plus soigneusement l'abîme de granit noir dans lequel nous étions entrés lors de notre première exploration. Nous nous souvînmes de n'avoir regardé qu'imparfaitement à travers l'une des fissures qui sillonnaient la paroi du gouffre, et nous nous sentîmes impatients de l'explorer, bien que nous n'eussions guère l'espoir de découvrir une issue.
Baudelaire, Trad. E. Poe, les Aventures d'A. Gordon Pym, XXIII.
3 Pendant un plus effroyable mouvement de roulis, on le jeta dans un de ces gouffres d'eau, qui s'ouvrent et aussitôt se referment.
Loti, Matelot, L.
♦ Poét. || Le gouffre de la mer, la profondeur des eaux. || Le gouffre mouvant (→ Balancer, cit. 3). || Navire glissant « sur les gouffres amers » (→ Amer, cit. 2, Baudelaire).
4 Il les aurait fait tous voler, jusqu'au dernier, Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage.
La Fontaine, Fables, XII.
5 Je sens vibrer en moi toutes les passions D'un vaisseau qui souffre, Le bon vent, la tempête et ses convulsions Sur l'immense gouffre Me bercent (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et idéal, « La musique ».
2 (1538). Courant tourbillonnaire, dans les mers et les océans. || Le gouffre du Maelstrom, rendu célèbre par le récit d'E. Poe. ⇒ Maelstrom. || Tournoiement d'eau d'un gouffre. || Navire englouti dans un gouffre.
6 (…) ils (les gouffres de la mer) sont produits par le mouvement de deux ou de plusieurs courants contraires (…)
Buffon, Théorie de la terre, Preuves, XV.
7 Le baril auquel j'étais attaché nageait presque à moitié chemin de la distance qui séparait le fond du gouffre de l'endroit où je m'étais précipité par-dessus bord, quand un grand changement eut lieu dans le caractère du tourbillon. La pente des parois du vaste entonnoir se fit de moins en moins escarpée. Les évolutions du tourbillon devinrent graduellement de moins en moins rapides. Peu à peu l'écume et l'arc-en-ciel disparurent, et le fond du gouffre sembla s'élever lentement.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Hist. extraordinaires, Descente dans le Maelstrom.
3 Géol. et cour. Vaste cavité creusée par les eaux de ruissellement dans les terrains calcaires. ⇒ Aven, bétoire, chantoir, doline, embut, igue puits (3.), tindoul. || Le gouffre de Padirac. || Spéléologues qui explorent un gouffre.
8 (…) aucune discussion n'est possible sur la légitimité de l'expression de « relief calcaire » (…) Ce sont partout les mêmes murailles abruptes, les mêmes gorges étroites aux parois percées de grottes, les mêmes plateaux sans eaux courantes, crevés de gouffres béants.
E. de Martonne, Géographie physique, t. II, p. 649.
4 Par compar. || Noir, profond comme un gouffre. || Engloutir (cit. 3) comme un gouffre. ⇒ Engouffrer.
9 (…) il pénétra dans la cuisine qui s'ouvrait à côté de l'armoire comme un gouffre noir (…)
P. Mac Orlan, Quai des brumes, VII.
B Métaphorique ou fig.
1 (V. 1330). Ce qui a la profondeur d'un gouffre, ce qui est insondable. ⇒ Abîme. || Le gouffre du néant, de l'oubli. || Le gouffre de l'ennui (→ Emmitoufler, cit. 2), un gouffre d'ennui. || Un fossé (cit. 3) nous séparait, c'est maintenant un gouffre. || La sensation du gouffre (→ Moral, cit. 13).
10 (…) ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, c'est-à-dire que par Dieu lui-même.
Pascal, Pensées, VII, 425.
11 Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
Baudelaire, Nouvelles fleurs du mal, VIII, Le gouffre.
12 On se perd dans ces gouffres de misère qu'on appelle la nature humaine.
Barbey d'Aurevilly, Histoire sans nom, p. 242.
2 (Av. 1525). Situation déplorable, lieu ou état de perdition dans lequel on sombre. || Un gouffre de malheurs (→ Abîme, cit. 6), de souffrances. || Rouler au gouffre de la guerre (→ Conservation, cit. 5). || Tomber dans le gouffre des vices. — ☑ Loc. Être au bord du gouffre, devant un péril imminent (⇒ Précipice). — Tomber au fond du gouffre.
13 En quel gouffre d'horreur m'as-tu précipité ?
Corneille, Rodogune, V, 4.
14 Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices (…)
Molière, le Misanthrope, V, 4.
15 L'amour de la gloire, passion menteuse, feu follet ridicule, qui conduit toujours droit au gouffre de tristesse et de vanité.
E. Delacroix, Lettre à M. Soulier, p. 11.
16 (…) Toi l'unique que j'aime, Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et idéal, « De profundis clamavi ».
17 (…) elle se sentit replongée comme par degrés dans son même gouffre, jusqu'au fond de son désespoir affreux (…)
Loti, Pêcheur d'Islande, IV, X.
18 C'est cependant une loi de l'histoire que de l'excès du mal naisse toujours un grand bien, et c'est lorsque ce donquichottisme patronal nous eut menés au bord du gouffre (…) que nous nous sommes ressaisis (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, II, II.
19 Une voix intérieure, à peine perceptible, l'avertit, une dernière fois, qu'elle sombrait dans un gouffre redoutable; qu'elle avait tort d'aimer justement celui-là (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 162.
3 Ce qui engloutit et paraît insatiable.
20 Or telle est votre convoitise. C'est un gouffre toujours ouvert, qui ne dit jamais : C'est assez (…)
Bossuet, 1er Sermon pour le 4e Dimanche de Carême.
21 (…) un gouffre flamboyant, rouge comme une forge;
Gouffre où les régiments, comme des pans de murs,
Tombaient (…)
Hugo, les Châtiments, V, XIII, II (→ Forge, cit. 3).
♦ (Fin XIVe). Personne qui engouffre la nourriture.
♦ (1690). Spécialt. Ce qui engloutit de l'argent; chose ruineuse. || Le gouffre du jeu. || Ce procès est un gouffre. ⇒ Ruine. || Cette maison est un vrai gouffre : le toit à réparer, l'enduit à refaire… — (1611). || Un gouffre d'argent : une personne très dépensière. || Cet homme est un gouffre, ne lui prêtez plus d'argent. ⇒ Dissipateur.
22 Cette disposition chimérique fait comprendre les folles entreprises de Balzac à la poursuite de l'argent, dans son continuel embarras financier, ses fabuleux rêves de fortune, le gouffre sans cesse élargi de ses dilapidations et de ses spéculations désastreuses.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 354.
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CONTR. Éminence, pic.
COMP. Engouffrer.
Encyclopédie Universelle. 2012.