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ALBI
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En dépit des aléas de l’histoire, Albi a toujours joué le rôle d’une petite capitale régionale. La contrée dont elle a orienté le destin n’est pas une région naturelle. La ville a établi sa zone d’influence en organisant et en contrôlant les échanges entre deux domaines complémentaires: un haut pays de roches primaires, se rattachant au Ségala et au Rouergue, et une bande de terrains sédimentaires drainée par le Tarn. C’est en bordure de cette rivière que l’organisme urbain est né et a grandi, dans un site spécialement favorable aux relations et à la défense, à un endroit où la rivière s’encaisse entre des berges très abruptes, mais qui est aussi une zone de confluences.

On ne trouve cependant pas mention de la cité avant le Ve siècle. Elle est déjà le siège d’un évêché. Au VIe siècle, apparaît le monastère de Saint-Salvi, autour duquel se développera plus tard un nouveau quartier.

L’essor économique débute au XIe siècle avec la construction d’un pont, à laquelle participent les principales localités du diocèse, et même des villes aussi éloignées que Cahors, Rodez et Nîmes. On a ainsi la preuve que la cité se situe alors dans un large courant d’échanges établi au sud du Massif Central.

Albi, qui n’eut pas trop à souffrir de la croisade contre les cathares, connaît son plus grand essor à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe. C’est alors qu’un prélat énergique, Bernard de Castanet, entreprend, à partir de 1277, de reconstruire sa cathédrale. On doit voir dans ce monument prestigieux le chef-d’œuvre du gothique méridional, concurremment avec l’église des Jacobins de Toulouse. Il s’agit d’une nef unique, construite en brique et voûtée d’ogives. Sur tout son développement — abside comprise — l’édifice est ceinturé par une suite de chapelles qui, à l’origine, s’élevaient d’un seul jet jusqu’aux voûtes. Il illustre à la perfection le goût des hommes du Midi pour les vastes espaces. C’est par excellence le lieu du rassemblement communautaire et un temple de la parole. Les fenêtres, d’extension limitée en largeur comme en hauteur, ne brisent pas la continuité murale, c’est-à-dire une tradition héritée de Rome. Aucun portail monumental n’était prévu. Mieux, une tour puissante et massive est accolée au mur occidental.

L’allure de forteresse affichée par la cathédrale convenait au tempérament de Bernard de Castanet. Elle s’accorde également avec le caractère du palais épiscopal voisin qui, lui, est une fortification véritable. La construction en avait été commencée dès l’épiscopat de Bernard de Combret (1254-1271), mais les travaux furent surtout poussés activement par Bernard de Castanet. Bien que démantelé et même partiellement détruit, l’évêché d’Albi — la Berbie — constitue avec la cathédrale un ensemble d’une homogénéité parfaite. Il a pâti de la disparition, au XIXe siècle, des maisons anciennes qui l’accompagnaient, mais il conserve du côté du Tarn toute son autorité et son pittoresque.

Après les troubles de la guerre de Cent Ans, une œuvre de restauration est activement menée et elle est favorisée par l’extension que prennent la culture et le commerce du pastel, cependant qu’un prélat magnifique, Louis Ier d’Amboise (1473-1502) entreprend d’introduire dans la cathédrale, depuis peu achevée, les richesses quelque peu outrancières du gothique dans sa phase finale. Ce pari esthétique, qui pouvait sembler une gageure, compte tenu du caractère dépouillé et sévère du monument, fut cependant gagné, et l’on admire le chœur des chanoines, avec sa clôture où s’accrochent des statues d’anges, d’apôtres et de prophètes, et son jubé ouvragé en pierre. L’édifice fut lui-même mis au goût du jour à diverses reprises grâce au prestige coloré de cycles de peintures murales. Ce fut d’abord l’immense composition du Jugement Dernier , du revers de la façade occidentale, l’une des plus importantes manifestations du thème en France à la fin du Moyen Âge. Plus tard, à partir de 1509, on fit appel à une équipe d’artistes italiens pour décorer, dans le style de la Renaissance cette fois, les chapelles et les voûtes.

Le commerce d’entrepôt, qui faisait la fortune d’Albi, fut ruiné à la fin du XVIIe siècle par l’ouverture du canal des Deux-Mers et le déplacement des routes commerciales vers le sud. On utilisa désormais des voies plus directes par Montpellier, Lodève et Millau.

Cependant, vers la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe, on voit apparaître un nouvel urbanisme. La ville s’aère, grâce à la démolition des remparts, entreprise par Mgr de Choiseul à partir de 1761. Un premier projet d’aménagement urbain moderne est établi en 1776 par l’ingénieur Laroche, mais on lui substitua en 1839 celui de l’ingénieur Mariès.

La population ne s’accroît néanmoins que très lentement jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est-à-dire jusqu’à l’apparition d’une véritable activité industrielle. Celle-ci résulta de l’utilisation des matières premières et des sources d’énergie locales — charbons de Cagnac et de Carmaux, calcaire pour la production des chaux et des ciments, sable pour les verreries —, mais aussi de la construction des voies ferrées, qui sont à l’origine du développement de la métallurgie et de la production des fibres artificielles. De moins de 14 000 habitants en 1850, on passe à plus de 30 000 en 1930.

Le 24 novembre 1864 se produisit un événement qui aurait pu demeurer un fait banal si les circonstances n’en avaient décidé autrement en lui conférant une importance majeure pour l’histoire culturelle d’Albi: la naissance de Toulouse-Lautrec. On sait en effet que, phénomène très rare, la plupart des créations du peintre sont demeurées dans sa ville natale. Autre fait non moins digne d’être signalé: on a eu l’audace de présenter ces œuvres d’avant-garde dans la Berbie devenue musée Toulouse-Lautrec. Le succès de l’entreprise fut aussi total que le mariage auquel on avait procédé dans la cathédrale à la fin du XVe siècle entre les fastes du gothique tardif et les rigueurs du gothique méridional.

Albi
v. de France, ch.-l. du dép. du Tarn, sur le Tarn; 48 707 hab. Verreries.
Cath. gothique en brique (XIIIe-XVe s.); musée Toulouse-Lautrec.

Encyclopédie Universelle. 2012.