hébéter [ ebete ] v. tr. <conjug. : 6>
• 1355; lat. hebetare « émousser »
1 ♦ Rare Enlever toute vivacité, toute subtilité à (l'esprit, l'intelligence). « l'accoutumance hébète nos sens » (Montaigne). ⇒ émousser, engourdir. — Passif Être hébété de joie, de douleur, de stupeur, de fatigue.
2 ♦ Rendre (qqn) stupide. ⇒ abêtir, abrutir. Des « incertitudes à hébéter le plus fort cerveau » (Gautier).
⊗ CONTR. Dégourdir, éveiller.
● hébéter verbe transitif (latin hebetare, émousser) Faire perdre à quelqu'un toute intelligence, tout sentiment de la réalité, rendre stupide, abrutir : Le choc l'avait hébété. ● hébéter (difficultés) verbe transitif (latin hebetare, émousser) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : j'hébète, nous hébétons ; il hébéta.
hébéter
v. tr. Rendre stupide, ahuri. être hébété par la douleur, par la surprise.
⇒HÉBÉTER, verbe
A. — Priver (une personne ou l'une de ses fonctions) de vivacité, de sensibilité, de lucidité. Synon. émousser, engourdir :
• ... l'usage des liqueurs spiritueuses est toujours inutile, souvent nuisible, quelquefois tout-à-fait pernicieux (...) leur abus dégrade le système sensitif, autant que l'abus des narcotiques eux-mêmes. Il hébête également les fonctions de l'organe cérébral, il diminue plus directement encore la sensibilité des extrémités sentantes...
CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 83.
— Emploi abs. Les quatre degrés que descend l'ivrogne : la première ivresse, celle qui égaye; la deuxième, celle qui irrite, la troisième, celle qui hébète; la dernière enfin, celle qui abrutit (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 603).
B. — P. ext. Rendre stupide (une personne), priver d'intelligence, de sens critique. Synon. abasourdir, abêtir. Que peut devenir la sociabilité humaine entre un prince que le despotisme hébète et un paysan que l'esclavage abrutit? (HUGO, Rhin, 1842, p. 441). Un monde de gueux et de gueuses hébétés d'oisiveté, et déformés par la satisfaction régulière et naïve de leurs vices pauvres (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 131). Ils cherchent [les Allemands] à nous exterminer. Ils ont essayé de nous hébéter par la terreur; ils épuisent sur nous et sur les Belges toutes les variétés des supplices les plus affreux de l'histoire ancienne (BARRÈS, Cahiers, 1915, p. 127).
— Emploi pronom. S'hébéter (de/par). Se rendre, devenir stupide (sous l'effet de). Je m'hébète depuis huit mois par le travail de bureau le plus excessif, et dans le fait le plus stupide (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 364). Mes camarades connaissaient, savouraient cet acide printemps, alors que je m'efforçais de n'y pas penser, que je m'hébétais de travail (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1211).
♦ Réfl. indir. Mes efforts pour entendre et pour résumer ces analyses (...) eurent beau être suprêmes, je n'arrivai qu'à m'hébéter l'intellect et je me trouvai moins capable de résister à l'idée fixe (BOURGET, Disciple, 1889, p. 174).
— Au part. prés. en emploi adj. Douze heures de travail hébétant par jour (BALZAC, Lettres Étr., t. 1, 1850, p. 477).
REM. Hébétation, subst. fém., rare. Action d'hébéter; résultat de cette action. Hébétation de l'organe nerveux qu'occasionnent les narcotiques (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 88). L'hébétation d'un sommeil lourd rendait hideuse cette face qui, éveillée et vivifiée par l'esprit, paraissait joviale (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 37).
Prononc. et Orth. : [ebete], (j', il) hébète []. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. : devant syll. muette, change é du rad. en è : hébète. La graph. -bê- (supra ex.) est anal. de bête. Étymol. et Hist. 1. XIVe s. [ms.] « émousser, affaiblir l'activité physique, intellectuelle... » ici part. passé adj. sens ... hebetez (BERSUIRE, T.-Liv., B.N. 20312ter, fol. 103 v° ds GDF. Compl.); 2. 1631 « diminuer la vivacité de l'esprit, rendre stupide » ici part. passé subst. un hébété (BALZ., Le Prince, 5 ds LITTRÉ); cf. 1690 (FUR. : Hebeter. Rendre beste & stupide); 3. 1813 part. passé adj. « qui traduit un état d'hébétude » des regards hébétés (JOUY, Hermite, t. 3, p. 107). Empr. au lat. hebetare « émousser, enlever la finesse, la pénétration », du lat. hebes, -etis « émoussé, qui manque de vicacité ». A été rapproché secondairement de bête (cf. ebester « rendre bête » XVIe s. ds HUG.; ébêtement, Voltaire ds FEW t. 1, p. 342b, également ds BOISTE 1812-47), d'où les sens 2 et 3. Fréq. abs. littér. : 43.
hébéter [ebete] v. tr. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. V. 1355, v. tr. et p. p.; du lat. hebetare « émousser », de hebes, etis « émoussé »; évol. de sens sous l'infl. probable de bête.
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1 Rare. Rendre obtus, émoussé; enlever toute vivacité, toute subtilité à (l'esprit, l'intelligence). || L'alcool hébète le cerveau, l'esprit, la raison. ⇒ Émousser (cit. 3), engourdir.
1 Ces exemples (…) ne sont pas étranges, si nous considérons (…) combien l'accoutumance hébète nos sens.
Montaigne, Essais, I, XXIII.
2 (1631). Rendre (qqn) stupide. ⇒ Abêtir (cit. 2), abrutir. || Les abus hébètent l'homme. || La douleur l'avait tout hébété. ⇒ Abasourdir.
2 C'était dans ma tête un flux et reflux d'incertitudes à hébéter le plus fort cerveau (…)
Th. Gautier, Mlle de Maupin, XI.
3 Le tabac, impôt mille fois plus immoral que le jeu, détruit le corps, attaque l'intelligence, il hébète une nation (…)
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 902.
4 Les contrariétés de cette existence ainsi tiraillée finirent par hébéter madame du Bousquier (…)
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 330.
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s'hébéter v. pron. (réfl.)
ÉTYM. V. 1587.
♦ Littér. Devenir hébété, se rendre hébété. || À vivre ainsi, il s'est hébété. || Chercher à s'hébéter pour ne plus souffrir, pour oublier. || S'hébéter de travail. || S'hébéter par la boisson.
5 Que je hais ces sortes de vapeurs d'épuisement ! Qu'elles sont difficiles à guérir, quand le remède est de s'hébéter, de ne point penser, d'être dans l'inaction ! C'est un martyre pour une personne aussi vive et aussi active que vous (…)
Mme de Sévigné, 1168, 22 avr. 1689.
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hébété, ée p. p. adj.
♦ (1669). Cour. Rendu stupide. ⇒ Abêti, abruti, ahuri, sidéré, stupide, troublé. || État d'une personne hébétée. ⇒ Hébétude. || Un homme hébété. || Être hébété de joie, de douleur, de stupeur, de fatigue. || Se réveiller, rester tout hébété (→ Empêtrer, cit. 13; équilibre, cit. 17). — (1631). N. || Un, une hébété(e).
6 Mais il est devenu comme un homme hébété.
Depuis que de Tartuffe on le voit entêté (…)
Molière, Tartuffe, I, 2.
7 (…) son honnête homme de mari, lequel avait la tête faible et finit même par être tenu enfermé dans une chambre comme hébété.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 9 juin 1851, t. IV, p. 218.
8 (…) je tombe sur mon divan et j'y reste hébété dans un marais intérieur d'ennui.
Flaubert, Correspondance, 318, 24 avr. 1852, t. II, p. 394.
♦ Air, regard hébété. || Yeux hébétés. → Galbe, cit. 4.
9 Il souriait en fixant sa mère, sans s'occuper de Sammécaud. C'était un sourire non pas hébété, mais lent et profond.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 203.
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CONTR. Dégourdir, éveiller, réveiller.
DÉR. Hébétant, hébétement.
Encyclopédie Universelle. 2012.