inquisition [ ɛ̃kizisjɔ̃ ] n. f.
• 1160; lat. inquisitio
1 ♦ Vx Enquête, recherche. « Il n'y a point de fin dans nos inquisitions » (Montaigne).
2 ♦ (1265) Hist. Tribunal de l'Inquisition, et absolt l'Inquisition : juridiction ecclésiastique d'exception instituée par le pape Grégoire IX pour la répression, dans toute la chrétienté, des crimes d'hérésie et d'apostasie, des faits de sorcellerie et de magie, active du XIII e au XVI e s. Par ext. Les membres de ce tribunal. ⇒ inquisiteur. La Sainte Inquisition. ⇒ saint-Office.
3 ♦ (1686) Enquête ou recherche rigoureuse et vexatoire, entachée d'arbitraire. ⇒ perquisition. L'inquisition fiscale. Le citoyen « astreint à tant de contrôles, d'investigations, d'inquisitions, de censures » (Duhamel). C'est de l'inquisition !
● inquisition nom féminin (latin inquisitio, -onis) Littéraire. Enquête indiscrète considérée comme arbitraire et vexatoire. Mode de procédure consistant en une enquête [inquisitio] menée par le juge, qui interrogeait des témoins obligés par serment de dire la vérité sur eux-mêmes et sur les autres. Tribunal, distinct de l'ordinaire, dirigé par l'évêque, et permanent, chargé par la papauté de lutter contre l'hérésie au moyen de la procédure d'inquisition. (Avec une majuscule)
inquisition
n. f.
d1./d HIST Tribunal de l'Inquisition ou, absol., l'Inquisition: institution chargée, entre le XIIIe et le XIXe s., de rechercher et de poursuivre l'hérésie dans certains états catholiques.
d2./d Par anal., péjor. Recherche acharnée, menée de manière vexatoire.
Encycl. Le tribunal de l'Inquisition menait une procédure secrète. Toute personne pouvait être poursuivie sur simple dénonciation, l'essentiel pour les juges étant d'obtenir l'aveu des inculpés (sous la torture à partir de 1252). Au XVe s., les progrès de la centralisation royale firent tomber en désuétude les tribunaux d'Inquisition en Europe, sauf en Espagne, où ils eurent, jusqu'au XVIIIe s., un grand rôle: expulsion des Maures, des Juifs et des marranes (Juifs convertis).
⇒INQUISITION, subst. fém.
A. — Enquête, recherche méthodique, rigoureuse. Il n'est pas d'alphabet conventionnel qui ne cède à l'inquisition d'un spécialiste (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 228).
B. — Enquête indiscrète, arbitraire menée par une autorité politique ou religieuse contre une personne, une catégorie de personnes, parfois contre leurs biens :
• 1. En 1597, Boris (...) prescrivit les recherches les plus rigoureuses contre les serfs fugitifs. De là une inquisition insupportable, aussi odieuse aux gentilshommes qu'aux paysans eux-mêmes.
MÉRIMÉE, Faux Démétrius, 1853, p. 49.
— En partic. Inquisition fiscale. Contrôle de l'assiette des impôts par les agents du fisc. À la fureur des socialistes qui n'admettent l'inquisition fiscale que contre les bourgeois (MORAND, Londres, 1933, p. 79).
— HISTOIRE
♦ (Tribunal de l') Inquisition, Sainte Inquisition. Juridiction instituée par l'Église catholique au début du XIIIe siècle dans divers pays d'Europe pour lutter contre les hérésies et la sorcellerie avec l'appui du bras séculier et qui connut un développement tout particulier en Espagne; ensemble des membres de cette juridiction. Inquisition espagnole, cachots de l'Inquisition. Galilée a été livré à l'inquisition pour avoir dit que la terre tournoit (STAËL, Allemagne, t. 1, 1810, p. 24). L'Espagne de Philippe II où l'Inquisition brûle, tenaille et roue (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 260).
♦ Inquisition d'état. [Dans l'anc. république de Venise, du XVIe au XVIIIe siècle environ] Tribunal secret composé de trois magistrats aux pouvoirs illimités. Venise, je vais vous le dire, c'est l'inquisition d'état, c'est le conseil des Dix (HUGO, Angelo, 1835, p. 13).
C. — Fait d'une personne qui cherche à découvrir de façon indiscrète quelque chose concernant une autre personne, qui se mêle sans raison ou exagérément des affaires de quelqu'un. Échapper à l'inquisition de qqn. Louise (...) était intimidée par l'inquisition des regards des bourgeoises (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 103) :
• 2. « Eh! dit-il, je ne puis remuer ni pied ni patte sans que tu sois inquiète. Il ne faudra bientôt plus bouger. C'est une inquisition qui m'obsède. Je veux être comme il me plaît, triste, gai, sans être condamné à subir un interrogatoire (...) »
DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 257.
REM. 1. Inquisitionner, verbe trans. Soumettre (quelqu'un) à une inquisition. Art de sonder ou inquisitionner (PROUDHON, Créat. ordre, 1843, p. 66). P. Plaisant. (en emploi intrans.). Avoir une attitude d'inquisiteur. Brave homme au demeurant et susceptible de bien faire quand il a fini de déposer, mais à la barre il inquisitionne avec fureur (VERLAINE, Œuvres posth., t. 3, Prose, 1896, p. 205). 2. Inquisitoire, adj., dr. pénal. Procédure inquisitoire. ,,Procédure criminelle où le juge, saisi par une plainte, une dénonciation ou la rumeur publique, prend l'initiative de la poursuite et, à la différence de la procédure accusatoire, dirige la marche du procès`` (LEP. 1948). Cf. accusatoire. Relatif à cette procédure. Procédure mixte mêlant les caractères inquisitoires aux caractères accusatoires (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 47).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1175 « enquête, recherche » (B. DE STE-MAURE, Chron., éd. C. Fahlin, 9966); ca 1260 dr. (Assises de Jérusalem, éd. A. Beugnot, t. 1, p. 396. Livre de J. d'Ibelin, CCXLVIII); 1265 relig. « enquête concernant la foi » (Li Livres de Jostice et de plet, éd. P. Rapetti, p. 12 : quant l'en ara soupecenos un home de bogrerie... li esveques et le prelaz... devent fere l'inquisicion de la loi sor li et demander li de la foi); spéc. 1559 [ou 1565-67] (Papiers d'Etat du Card. de Granvelle, éd. Ch. Weiss, t. 5, p. 677 : que ladicte loy...ne soit en aulcune manière appellée inquisition, à cause que naturellement, il n'y a chose qui soit tant odieuse à ces nations septentrionales [provinces de Basse-Allemagne] que ce vocable de l'inquisition d'Espagne); p. ext. 1686, 21 juin « perquisition qui relève de l'arbitraire » (BAYLE, Lett. à Lenfant ds LITTRÉ). Empr. au lat. inquisitio, -onis « recherche, information, enquête » à l'époque class.; au Moy.-Âge « interrogatoire de témoins, poursuite, procès » (BLAISE Latin. Med. Aev.), spéc. « enquête concernant la foi » (1223, 20 avr., Statuts du comte de Toulouse contre les hérétiques ds DEVIC et VAISSÈTE, Hist. gén. de Languedoc, 1879, t. 8, col. 964; v. aussi Y. DOSSAT, Les crises de l'Inquisition toulousaine au XIIIe s., 1959, notamment pp. 105-151 : Les débuts de l'Inquisition). Fréq. abs. littér. : 272. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 528, b) 293; XXe s. : a) 501, b) 246.
inquisition [ɛ̃kizisjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1160; lat. inquisitio, de inquisitum, supin de inquirere. → Enquérir.
❖
2 (1265). Hist. et cour. || Tribunal de l'Inquisition, et, absolt, l'Inquisition, l'inquisition : juridiction ecclésiastique d'exception instituée par le pape Grégoire IX pour la répression, dans toute la chrétienté, des crimes (cit. 16) d'hérésie et d'apostasie, des faits de sorcellerie et de magie. || Les autodafés (cit. 1), les horreurs (cit. 51), les tortures de l'Inquisition. || Arrêter les hérétiques dénoncés à l'Inquisition (⇒ Inquisitorial). || Victimes de l'Inquisition portant le sanbenito. — Hist. || Inquisition d'État : tribunal secret qui jouissait à Venise d'un pouvoir illimité.
1 L'inquisition est, comme on sait, une invention admirable et tout à fait chrétienne pour rendre le pape et les moines plus puissants, et pour rendre tout un royaume hypocrite (…) Au reste on connaît assez toutes les procédures de ce tribunal (…) On est emprisonné sur la simple dénonciation des personnes les plus infâmes; un fils peut dénoncer son père, une femme son mari; on n'est jamais confronté devant ses accusateurs; les biens sont confisqués au profit des juges; c'est ainsi du moins que l'inquisition s'est conduite jusqu'à nos jours (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Inquisition.
♦ Par ext. Les membres de ce tribunal. ⇒ Inquisiteur. || La Sainte Inquisition. ⇒ Saint-Office; → Cadenas, cit. 2. || L'Inquisition de Madrid, de Rome (→ Index, cit. 7).
3 (1686, Bayle). Par anal. Péj. Enquête ou recherche rigoureuse et vexatoire, entachée d'arbitraire. ⇒ Perquisition. || L'inquisition fiscale (→ Gabelle, cit. 2). || Échapper à l'inquisition d'un espion, d'un indiscret (→ Change, cit. 4). || C'est de l'inquisition !
2 (…) Pétion insouciant, indolent de sa nature, était infiniment peu propre à ce travail d'inquisition sur les personnes, à l'examen minutieux des biographies, des précédents, des tendances, des intérêts de chacun.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, IX.
3 (…) certainement, le paysan de Rousseau, qui cachait son vin et son pain dans un silo, avait une cachette plus mystérieuse encore : un peu d'argent dans un bas de laine ou dans un pot échappe mieux que le reste à l'inquisition des commis.
Taine, les Origines de la France contemporaine, t. II, p. 227.
4 Le citoyen, vous disais-je, astreint à tant de contrôles, d'investigations, d'inquisitions, de censures, n'est pas seulement la proie des bureaucrates (…)
G. Duhamel, Scènes de la vie future, IV.
❖
DÉR. Inquisitionner.
Encyclopédie Universelle. 2012.