insurger (s') [ ɛ̃syrʒe ] v. pron. <conjug. : 3>
• XVIe; insurger tr. 1474; lat. insurgere
♦ Se soulever (contre l'autorité). ⇒ se révolter. Peuple qui s'insurge contre un tyran. ⇒ se dresser, se rebeller; insurrection. « les peuples s'insurgeaient [...] contre le sacrifice inutile » (Martin du Gard). — Par ext. S'insurger contre la mauvaise foi, contre une interprétation tendancieuse des faits.
♢ Trans. (précédé d'un pron. pers.) Dresser (contre qqch.). Une sorte de réprobation « contre quoi mon instinct secrètement m'insurgeait » (A. Gide).
⊗ CONTR. Soumettre (se).
insurger (s')
v. Pron. Se révolter (contre qqn, qqch). S'insurger contre le pouvoir.
⇒INSURGER, verbe
I. — Emploi trans., vieilli.
A. — Faire entrer en insurrection, pousser à l'insurrection. Synon. soulever. Insurger un pays, les paysans. Théramènes, maintenant à la tête du parti populaire, insurge les citoyens, et se saisit du général de la faction opposée (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 91). André Hofer, le brave, le bon paysan, choisi et désigné par l'Autriche, pour insurger le Tyrol contre l'armée franco-bavaroise, en 1808 (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 506) :
• 1. Les meneurs des sections, les agents de Lemaître, les clubistes lettrés, se coalisèrent [le 13 vendémiaire], et ne virent rien de mieux que d'insurger la capitale, en accusant la Convention de prolonger sa dictature, et d'attenter à la souveraineté du peuple.
SAINTE-BEUVE, Prem. lundis, t. 1, 1827, p. 217.
B. — P. ext. Faire se révolter, faire que l'on proteste avec force. C'est l'occasion pour Renan de faire l'éloge du ministre (...) et de le proclamer le premier écrivain du siècle : cela nous insurge Saint-Victor et moi (GONCOURT, Journal, 1870, p. 702). L'enfant que cette affreuse éducation insurge, se corrompt terriblement vite, raisonne juste dans le faux et conclut logiquement en devenant pire que ses tristes ascendants (VERLAINE, Œuvres posth., t. 2, Voy. Fr., 1896, p. 74).
Rem. On relève un emploi rare intrans. dans une constr. factitive : Un village brûlé en faisait insurger dix autres, et cette guerre d'extermination devait être fatale au parti le moins nombreux (MÉRIMÉE, Cosaques d'autrefois, 1865, p. 61).
II. — Emploi pronom.
A. — [Le suj. est un nom collectif ou au plur.] Se soulever contre un pouvoir politique établi en prenant les armes. Synon. se dresser, se soulever, se rebeller, se révolter (contre).
♦ S'insurger contre qqn, qqc. Plusieurs villes de la Bretagne épousèrent la cause des Girondins, et s'insurgèrent aussi contre la Convention (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 773). Ce ne fut point (...) un mouvement unanime et concerté; tout était particulier, local : chaque commune s'insurgeait pour son compte contre son seigneur (GUIZOT, Hist. civilisation, Leçon 7, 1828, p. 24).
♦ Absol. La Vendée, le Lyonnois, le Languedoc s'insurgent; et la république naissante, attaquée au dedans et au dehors, se voit menacée d'une ruine prochaine (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 20). On sentait bien que si les mercenaires triomphaient, depuis le soldat jusqu'au laveur d'écuelles, tout s'insurgeait, et aucun gouvernement, aucune maison ne pourrait y résister (FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 118).
— P. ext.
Refuser d'obéir, de se soumettre à une autorité, à ce qu'elle décide :
• 2. ... on peut dire qu'il n'y en a pas dix, pas cinq, sur cent [parmi les hommes mobilisables en Europe], qui accepteraient l'idée d'une guerre! (...) Suppose (...) que (...) il y ait seulement une douzaine, une demi-douzaine même, qui comprennent le danger et qui s'insurgent : c'est une véritable armée de récalcitrants que les gouvernements trouveraient devant eux!...
MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 232.
B. — Au fig.
1. S'insurger contre qqc. Refuser avec force, contester une autorité morale, religieuse, esthétique, un état de fait. Synon. se révolter (contre). S'insurger contre la société. La philosophie, en horreur de ce droit [de la guerre] qu'elle ne comprend point, s'insurge contre les faits et se plonge dans l'utopie (PROUDHON, Guerre et Paix, 1861, p. 127). Permettez-moi de rectifier entre nous certains détails et de m'insurger doucement contre quelques allégations (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1881, p. 85) :
• 3. LA REINE. — ... La jeunesse est anarchiste. Elle s'insurge contre ce qui est. Elle rêve d'autre chose et d'en être le mobile. Si je n'étais pas reine, je serais anarchiste. En somme je suis une reine anarchiste. C'est ce qui fait que la cour me dénigre et c'est ce qui fait que le peuple m'aime.
COCTEAU, Aigle, 1946, II, 4, p. 349.
♦ Protester avec force contre quelque chose (sans recourir à la violence). M. Edgard Faure se propose de faire la même politique que M. Pleven contre laquelle se sont insurgées les organisations syndicales socialistes aussi bien que communistes (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 5, col. 3).
2. Absol. Marquer son désaccord, sa désapprobation avec force. Synon. s'indigner, protester. Mais pour le passage de Montesquieu relatif aux immolations d'enfants, je m'insurge. Cette horreur ne fait pas dans mon esprit un doute (FLAUB., Corresp., 1862, p. 66). Il inventera un nouveau personnage (...) dont il ne sait encore rien, ni ce qu'il vient faire dans l'histoire, ni même s'il lui trouvera un rôle à y jouer. Naturellement, je m'insurge. Construction d'abord! (MARTIN DU G., Notes Gide, 1951, p. 1386).
• 4. — Tu ne feras pas ça, dit Croquebol. — Je le ferai! déclara La Guillaumette, et quant aux cinq balles du chef je vais les foutre dans le canal! Croquebol s'insurgea : — Eh! pas d'blague! rigole pas avec le pognon!
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., III, p. 127.
REM. Insurgence, subst. fém., hapax. Elle [la femme, après quinze ou vingt ans de mariage] affecte l'égalité, elle plaisante sur son maître. Si son mari sort, elle prend la même licence, etc.; il faut réprimer cela; ne souffrir aucune insurgence (PROUDHON, Pornocratie, 1865, p. 217).
Prononc. et Orth. : [], (il) insurge []. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1474 soy insurger « s'élever contre l'autorité » (Instruction de Louis XI ds Hist. gén. et particulière de Bourgogne, éd. U. Plancher, IV, 337a d'apr. BARTZSCH, p. 153), rare jusqu'en 1792, 20 févr. (CRESTIN ds Moniteur XI, 428b d'apr. RANFT, p. 117); 1790, 31 août, part. passé adj. insurgé « soulevé contre l'autorité » (BARNAVE ds Moniteur V, 531a, ibid.); 1792, 12 juill. subst. (ds La Société des Jacobins, Recueil de doc., éd. A. Aulard, IV, 93, ibid., p. 118). Empr. au lat. insurgere « se lever (pour attaquer) », dér. de surgere, v. surgir; noter la forme s'insurgir (1414 ds GDF. — XVIe s. ds HUG.). Fréq. abs. littér. : 193. Bbg. BARB. Loan-words 1921, p. 256 (s.v. insurgence). - DUB. Pol. 1962, p. 325. - GOHIN 1903, p. 267 (s. v. insurgence).
insurger (s') [ɛ̃syʀʒe] v. pron. et tr. [CONJUG. bouger.]
ÉTYM. XVIe; insurger, trans., 1474; repris fin XVIIIe, d'après insurgent; de in- locatif, et surgere « dresser, se lever », de sub-, et regere « guider »; lat. insurgens, p. prés. de insurgere « se lever contre ».
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1 V. pron. a Se soulever (contre l'autorité). ⇒ Révolter (se), soulever (se). || Peuple qui s'insurge contre le gouvernement, contre un tyran. ⇒ Dresser (se). — Absolt. || Humanité qui s'insurge pour rebâtir un monde (→ Hors-la-loi, cit. 1). — Au p. p. || Insurgé, ée. || Les provinces, les populations insurgées, qui se sont insurgées, soulevées. — N. (1794). || Un insurgé : un agitateur, un révolté. || Insurgés sur les barricades (→ Écrêter, cit. 1; 1. feu, cit. 50). ⇒ vieilli Barricadeur, barricadier. || L'Insurgé, roman de J. Vallès (1886).
1 (…) les insurgés posaient des vedettes au coin des carrefours et envoyaient audacieusement des patrouilles hors des barricades.
Hugo, les Misérables, IV, X, IV.
2 En 1776, un événement considérable venait de se produire : les colonies anglaises de l'Amérique du Nord s'étaient insurgées.
J. Bainville, Hist. de France, XV, p. 304.
3 Dans toutes les villes d'Europe, les peuples s'insurgeaient, avec la même violence, contre le sacrifice inutile.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 65.
b Par ext. || S'insurger contre la mauvaise foi; contre une interprétation tendancieuse des faits. ⇒ Dresser (se).
4 Cet esprit, positif au milieu de ses enthousiasmes (…) s'insurgeait devant les mystères de la foi (…)
Flaubert, Mme Bovary, I, VI.
5 Celui qui a compris la réalité ne s'insurge pas contre elle, mais s'en réjouit; le voilà conformiste.
Camus, l'Homme révolté, p. 196.
2 Trans. Vx. || Insurger une nation (Littré). — Par ext. Faire se révolter. — (Précédé d'un pron. pers.). Faire s'insurger, dresser (contre qqch.).
6 (…) j'y cultivais plutôt une sorte de réprobation pour ce que j'entrevoyais de la débauche, contre quoi mon instinct secrètement m'insurgeait.
Gide, Si le grain ne meurt, I, VII, p. 189.
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insurgé, ée p. p. adj.
♦ Voir ci-dessus, supra cit. 1. — N. || Un insurgé, une insurgée (→ cit. 1 ci-dessus). — REM. Le fém. est rare :
7 Les gares des tubes du sud étaient encombrées d'insurgés et surtout d'insurgées.
A. Robida, le Vingtième Siècle, p. 276.
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Encyclopédie Universelle. 2012.