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CONTRAT DE TRAVAIL
CONTRAT DE TRAVAIL

Le contrat de travail, anciennement louage de services, est le contrat aux termes duquel une personne (le salarié) travaille, en échange d’un salaire, au profit d’une autre personne (l’employeur) en se plaçant sous la subordination de celle-ci. C’est l’existence d’une subordination qui permet de l’identifier. Ce critère est principalement utilisé pour opposer le salarié au travailleur indépendant (artisan) qui travaille aussi pour autrui, moyennant un prix convenu; ainsi qu’à celui qui dirige l’entreprise (mandataire social) et qui exerce les prérogatives de l’employeur. Les personnels d’encadrement – même les cadres supérieurs – ont la qualité de salariés: seul le président-directeur général d’une société anonyme, ou le gérant d’une société quelconque, est mandataire social, qualité qui exclut le salariat.

Ce critère de la subordination est utilisé pour l’affiliation aux Assedic (caisses de chômage) et le bénéfice des allocations pour privation d’emploi, pour l’affiliation au régime général de la sécurité sociale, pour le choix du tribunal compétent en cas de différend (conseil de prud’hommes), pour l’octroi du droit aux congés annuels, au salaire minimum interprofessionel; bref, pour l’application de l’ensemble de la législation du travail et de la protection sociale.

Toutefois, la loi a parfois reconnu la qualité de travailleur salarié à des professionnels semi-indépendants pour lesquels existait une hésitation. Elle leur a simultanément donné un statut spécial: ainsi des voyageurs et représentants de commerce; des travailleurs à domicile; des journalistes professionnels. Ce sont des salariés par l’effet de la loi et il y a, entre eux et les entreprises qui utilisent leur activité, contrat de travail.

De même qu’il existe des zones d’ombre entre salariat et profession indépendante, de même il arrive exceptionnellement qu’une même personne cumule un mandat social et un contrat de travail. La loi le permet dans certaines conditions; la pratique en révèle de multiples applications; les tribunaux ne l’admettent que difficilement, le cumul cachant souvent une fraude tendant à donner à un employeur le bénéfice d’une protection sociale à laquelle il n’a pas le droit, ou une stabilité de l’emploi contraire au principe d’ordre public de la libre révocabilité des dirigeants par les associés ou actionnaires.

Des deux parties au contrat de travail, l’une, le salarié, est aisément identifiable. L’autre en revanche, l’employeur (qui est le plus souvent une personne morale), est parfois difficile à repérer. Il en est ainsi d’abord dans le cas du travail dit intérimaire: l’entreprise au profit de laquelle le salarié accomplit sa prestation de travail, dite encore entreprise utilisatrice, n’est pas l’employeur; c’est, selon la loi française, l’entreprise de travail temporaire, qui recrute le salarié et le paye pour le mettre à la disposition de l’entreprise utilisatrice pendant le temps de sa mission. Dans les rapports triangulaires qui apparaissent ainsi, le salarié a donc un autre employeur que celui pour qui il travaille.

On retrouve une difficulté comparable dans le cas du groupe de sociétés. À l’intérieur de celui-ci existe une certaine mobilité du personnel; celui-ci a normalement pour employeur la société sous l’autorité de laquelle il travaille; mais il peut se voir détaché ou transféré auprès d’une autre société du groupe, auquel cas il arrive parfois que l’employeur soit la société dominante du groupe et même le groupe lui-même, c’est-à-dire l’ensemble des sociétés qui le composent. Elles seront, par exemple, solidairement tenues envers ce salarié du paiement de son salaire et, en cas de licenciement, des indemnités dues.

Un salarié peut aussi changer d’employeur. Il en est ainsi quand l’entreprise est vendue, louée, absorbée. Dès lors qu’il y a véritablement transfert d’une «entité économique» conservant son identité et dont l’activité se poursuit, la validité du contrat de travail est maintenue, par l’effet de la loi, dans les relations avec le nouvel exploitant, même si aucun lien de droit n’existe entre les employeurs successifs. Ainsi en va-t-il, par exemple, en cas de cession ou de mise en location-gérance d’un fonds de commerce ou en cas de changement de concessionnaire d’une exploitation. La jurisprudence était même allée jusqu’à assurer le maintien des contrats de travail en cas de changement de prestataire de service: les salariés affectés au nettoyage de locaux industriels devaient rester en place même si le propriétaire décidait de changer d’entreprise de nettoyage. Mais les inconvénients de ce type de solution ont conduit la jurisprudence à donner un coup d’arrêt à cette interprétation extensive et à exclure le transfert des contrats lorsque l’employeur ne fait que perdre un marché.

C’est un principe de liberté qui préside à l’établissement du contrat de travail. L’employeur est libre d’embaucher quand il veut qui il veut, à condition toutefois de ne pas établir de discriminations: il ne peut écarter un postulant à l’emploi en raison de son sexe, de sa situation de famille, de son activité syndicale, de sa race, de sa religion, de son âge ou de ses mœurs. Le salarié, de son côté, peut accepter ou refuser une offre d’emploi. C’est la liberté du travail, liberté essentielle, même si elle n’est souvent que théorique pour le salarié. En fait, lorsque le salarié accepte un emploi, il accepte les conditions qui lui sont imposées par l’employeur, ce que l’on exprime en disant que le contrat de travail est un contrat d’adhésion.

Mais, si l’embauche s’effectue ainsi sous le signe d’une double liberté, les conditions dans lesquelles le travail sera accompli ne dépendent que partiellement de l’accord des parties, qui sont ici loin d’être souveraines.

Certes, l’employeur dispose toujours de larges pouvoirs dans la définition des conditions de travail ; pouvoirs qui seront d’abord présentés. Mais le droit du travail tout entier est formé d’une série de limites assignées au pouvoir de l’employeur: non seulement le Code du travail donne au salarié des droits qu’il tient ainsi de la loi, mais encore les organisations d’employeurs et les syndicats de salariés ont conclu des conventions collectives qui fixent avec précision les règles auxquelles devront obéir les contrats individuels de travail. Ce sont autant de restrictions à la liberté de gestion de la force de travail, qui découle de la qualité d’employeur.

1. Les pouvoirs de l’employeur

L’employeur dispose de pouvoirs étendus pour déterminer les modalités d’exécution de la prestation de travail. Mais sa prérogative essentielle consiste en la possibilité de mettre, à tout moment, fin au contrat.

Définition du cadre et contrôle de l’exécution de la prestation de travail

L’employeur jouit d’abord d’une certaine liberté de choix de la durée du contrat. Le contrat de travail est normalement conclu pour une durée indéterminée, mais il peut, à certaines conditions, être souscrit pour une durée limitée.

L’employeur a également la faculté d’engager le salarié à l’essai, avant de conclure un contrat définitif. Pendant l’essai, il peut librement mettre fin au rapport de travail. C’est seulement si l’essai est concluant que le rapport de travail est définitivement établi.

L’employeur est ensuite, dans le cadre de son pouvoir de gestion, en droit d’assigner au salarié un emploi correspondant à sa qualification et de lui fixer le lieu de cet emploi, bref de définir son poste de travail. Mais il lui sera loisible ultérieurement de modifier les conditions de travail. Tout au plus, si cette modification porte sur un élément essentiel et entraîne, par exemple, une déqualification du salarié, une diminution de ses responsabilités et de son salaire, ou l’éloigne de manière importante de son domicile, le salarié est en droit de refuser: il appartient alors à l’employeur soit de maintenir les conditions de travail antérieures, soit de licencier l’intéressé. Le motif d’un licenciement opéré dans de telles conditions n’est pas nécessairement illégitime.

L’employeur peut donner des ordres au salarié pour l’exécution de sa prestation de travail. Il en est ainsi puisque le salarié est en état de subordination et doit respecter l’autorité du chef d’entreprise ou de celui qui a reçu à cet effet délégation de pouvoir (encadrement, maîtrise).

Si le salarié exécute mal son travail, ou ne se plie pas aux ordres donnés, il s’expose à une sanction disciplinaire. Ces sanctions disciplinaires doivent figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise. Et le salarié pourra saisir les tribunaux s’il estime la sanction disproportionnée à la faute commise; si le juge accueille cette demande, il annulera la sanction.

L’employeur fixe le salaire et les compléments de salaire qui seront versés en échange de la prestation de travail. Dès lors que ce salaire n’est pas inférieur au salaire minimum légal et à celui prévu par la convention collective, son taux horaire ou mensuel et son mode de calcul sont déterminés par le chef d’entreprise, dont la liberté est ici plus étendue qu’il n’est généralement admis. De même, celui-ci établit l’horaire de travail et bénéficie dans ce domaine d’une double possibilité: il peut librement imposer un certain contingent annuel d’heures supplémentaires, ce qui entraînera un dépassement de l’horaire prévu; il peut, en sens inverse, réduire l’horaire de travail au-dessous de la durée légale de trente-neuf heures par semaine. Les salariés sont alors mis en chômage économique ou chômage partiel, avec les conséquences sur le niveau de la rémunération. S’ils refusent, le contrat prendra fin, mais, ici encore, la cessation du contrat sera qualifiée de licenciement du fait qu’il y aura modification essentielle des conditions de travail. Enfin, l’employeur peut proposer au salarié un emploi à temps partiel.

Liberté de rupture

Lorsqu’aucune limite de temps n’a été d’avance convenue, l’employeur dispose de la faculté de mettre un terme au contrat à tout moment qui lui paraît opportun. Cette rupture du contrat, ou licenciement, peut intervenir sans autre forme que la convocation et l’audition du salarié et l’envoi d’une lettre recommandée, dès lors que l’employeur a «une cause réelle et sérieuse» de mettre fin aux relations de travail. Cette cause peut être d’ordre disciplinaire (une faute caractérisée), d’ordre technique (une insuffisance ou inaptitude professionnelle), ou d’ordre économique (la nécessité de réduire les effectifs). Un certain contrôle s’exerce en ce domaine sur les pouvoirs de l’employeur. Il est exercé par les tribunaux qui s’assurent que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que la procédure qui s’impose a été respectée. Mais rien ne peut priver l’employeur de son droit de licenciement. En cas d’irrégularité, qu’elle soit de fond ou de forme, une indemnité sera versée au salarié mais celui-ci n’obtiendra pas sa réintégration contre la volonté de l’employeur.

Lorsque le salarié atteint un certain âge (âge prévu par la convention collective ou par le contrat de travail), l’employeur peut le mettre à la retraite. Mais il ne peut le faire que si l’intéressé remplit les conditions requises pour bénéficier d’une pension vieillesse à taux plein. Si ce n’est pas le cas, la mise à la retraite équivaut à un licenciement.

À partir du moment où le rapport de travail a cessé, le salarié est libre soit de s’embaucher auprès d’un nouvel employeur, soit de travailler pour son propre compte. Il arrive cependant que sa liberté du travail soit restreinte par une clause de son contrat, appelée clause de non-concurrence, aux termes de laquelle il accepte de ne pas exercer la même profession pendant une certaine durée et dans un secteur géographique délimité. Cette clause restrictive de la liberté du travail est estimée valable, sauf si son contenu est excessif. Elle s’accompagne de plus en plus souvent du paiement au salarié d’une compensation pour son inactivité temporaire.

2. Les droits légaux et conventionnels du salarié

Le contrat de travail ne livre cependant plus le salarié au seul vouloir de l’employeur. Le développement depuis un siècle de la législation du travail, l’apparition de nombreuses conventions collectives enserrent ce contrat dans un réseau assez dense de contraintes. Celles-ci concernent les trois moments de l’existence du contrat: sa conclusion, son exécution, sa rupture.

Conclusion du contrat

Au moment de la conclusion du contrat, le choix par l’employeur d’une embauche à durée déterminée ou indéterminée n’est plus entièrement libre. La loi en effet a posé en principe que le contrat à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travail et elle réserve le contrat à durée déterminée, qui place le salarié dans une position précaire, à certaines hypothèses précises: remplacement d’un salarié momentanément absent, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, etc. Un tel contrat doit obligatoirement être écrit. Il peut être renouvelé mais une seule fois, et sa durée totale ne doit pas, en règle générale, excéder dix-huit mois. Si le travail se poursuit au-delà, le contrat devient à durée indéterminée.

Le recours au travail temporaire est lui aussi réglementé de façon similaire. Et la méconnaissance de la réglementation des formes d’emploi précaire (contrat à durée déterminée et intérim) est passible de sanctions pénales.

La précarité de l’emploi s’étant développée, le législateur essaie de la cantonner dans certaines limites. La loi a également prévu divers avantages (exonération de charges et impôts) en faveur des employeurs qui embaucheraient des jeunes candidats à un premier emploi; simultanément, elle réglemente strictement les contrats correspondants: contrat d’apprentissage, contrat emploi-formation, lesquels combinent la fourniture d’un travail et une formation professionnelle, et sont des variétés particulières de contrats de travail, se développant dans le cadre de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle, voire des contrats qui, tels les contrats de stages d’initiation à la vie professionnelle, ne sont pas des contrats de travail.

Exécution du contrat

C’est dans l’exécution de la prestation de travail que s’exercent les contraintes les plus rigoureuses:

– interdiction de verser un salaire inférieur au salaire minimum interprofessionnel fixé par les pouvoirs publics (S.M.I.C.) ou au salaire fixé par la convention collective pour la qualification envisagée;

– obligation de payer ponctuellement le salaire, accompagné d’un bulletin de paie aux fins de vérification;

– respect de l’égalité de traitement entre salariés (non-discrimination), par exemple entre hommes et femmes; syndiqués et non-syndiqués, nationaux et étrangers (sous réserve qu’ils détiennent une carte de travail);

– impossibilité de dépasser la durée du travail maximale (à ne pas confondre avec la durée légale hebdomadaire de 39 heures). Le maximum quotidien est de 10 heures, le maximum hebdomadaire est de 48 heures;

– nécessité, au-delà de la durée légale de trente-neuf heures, de payer un salaire à tarif majoré, correspondant aux heures supplémentaires accomplies;

– obligation de respecter le repos hebdomadaire et d’accorder chaque année au salarié un congé légal rémunéré de cinq semaines, fractionné en deux périodes;

– enfin, respect strict des règles nombreuses sur l’hygiène et la sécurité du travail, le travail de nuit, etc.

La loi prescrit, au surplus, de tenir compte aux salariés de ce que certaines interruptions de la fourniture de travail ne leur sont pas imputables. L’employeur ne peut en tirer argument pour mettre fin au contrat. On dit que celui-ci est suspendu. Il en est ainsi pour la salariée en état de grossesse: l’employeur ne peut rompre le contrat, qui se poursuivra de plein droit à la fin du congé de maternité. Il en est ainsi aux cas d’accident du travail et de maladie professionnelle. Beaucoup de conventions collectives font également bénéficier le salarié malade d’une suspension temporaire de son contrat, la cessation de celui-ci ne pouvant intervenir que si la maladie se prolonge et nécessite le remplacement du malade. Un procédé technique moins efficace que la suspension consiste à reconnaître au salarié une simple priorité de réembauchage lorsque l’empêchement dont il est victime cesse (accomplissement du service militaire).

Rupture du contrat

La rupture du contrat de travail peut intervenir à l’initiative du salarié: c’est la démission ou le départ à la retraire. Lorsque c’est l’employeur qui décide de rompre le contrat de travail, la loi intervient pour définir les droits du salarié. C’est d’abord le droit au préavis de licenciement (préavis minimal légal ou préavis plus long résultant de la convention collective). Le salarié ne perd ce droit que s’il peut lui être reproché une faute grave. Il y a alors renvoi immédiat. Pendant le cours du préavis, le rapport de travail se poursuit, le salarié conservant l’ensemble de ses droits.

Le salarié congédié a droit à une indemnité de licenciement, proportionnelle à son salaire et à l’ancienneté de services; son taux minimal est fixé par la loi, mais les conventions collectives ou les contrats individuels fixent généralement un taux supérieur. Le salarié n’en est privé qu’en cas de faute grave.

Le congédiement, surtout, n’est plus un acte entièrement libre. Qu’il repose sur un motif personnel ou sur un motif économique, il doit avoir une cause réelle et sérieuse, et celle-ci sera éventuellement appréciée par le juge, à la requête du salarié. Dans l’un comme dans l’autre cas, le salarié puisera dans le non-respect des règles légales le principe d’une indemnisation. Mais les dommages-intérêts alors dus ne se confondent ni avec l’indemnité de délai-congé ni avec l’indemnité de licenciement.

La loi prescrit enfin, lors de la rupture de contrat, la remise au salarié d’un certificat de travail attestant qu’il est dorénavant libre de tout engagement. Un règlement de compte intervient en général, donnant lieu à la remise d’un reçu «pour solde de tout compte». Mais la loi est intervenue pour atténuer les effets de la signature du salarié. Elle pourra être rétractée dans un certain délai si une erreur à son préjudice est découverte.

L’importance du contrat de travail ne saurait donc être sous-estimée. C’est le seul procédé technique permettant à quelqu’un sans travail d’obtenir un emploi, observation essentielle en période de chômage (même s’il s’agit d’un emploi marqué aujourd’hui du signe de la précarité).

C’est par lui qu’un travailleur acquiert le bénéfice de l’ensemble de la législation du travail et de la protection sociale: son contenu est donc d’ordre essentiellement législatif et conventionnel. Longtemps dénoncé comme ayant un caractère unilatéral évident, il ne mérite plus cette critique dans la mesure, d’une part, où s’est développée une législation d’ordre public, qu’il doit respecter, et dans la mesure, d’autre part, où s’est tissé un réseau de plus en plus dense de conventions collectives, qu’il doit aussi respecter. Son utilité pour le salarié tient finalement à ce qu’il peut déroger à ces lois et à ces conventions collectives, à condition que ce soit dans un sens favorable au salarié.

Contrat de travail engagement liant un employeur et un salarié, par lequel le salarié met au service de l'employeur et sous son autorité son activité moyennant rémunération.

Encyclopédie Universelle. 2012.