CONTRE-CULTURE
L’ensemble des courants de pensée, des mouvements et même des associations volontaires qui forment la contre-culture de l’époque contemporaine, dans les sociétés industrielles capitalistes, n’a pas d’unité propre. Il serait plus exact de parler d’oppositions culturelles. Mais l’unité historique du phénomène n’en est pas moins claire: il s’agit de l’ensemble des mouvements de marginalisation ou de contestation formés au moment d’une extension et d’une accélération d’une croissance organisée autour des exigences des grandes organisations: intégration interne, manipulation des besoins et des attitudes, répression de plus en plus forte des conduites qui «dévient» par rapport aux valeurs et aux normes qu’elles créent.
C’est aux États-Unis que la contre-culture est née, qu’elle a eu les effets les plus étendus et qu’elle a trouvé ses héros et ses analyses. L’influence américaine s’est étendue surtout à l’Europe occidentale, où cependant elle a été limitée par la force des mouvements ouvriers militants en France et en Italie. Partout la contre-culture s’est mêlée aux nouveaux mouvements contestataires, en particulier parmi les étudiants. Mais sans jamais se confondre avec eux et parfois en marquant nettement la distance entre le changement culturel et le conflit politique.
Bien que la même œuvre ou le même mouvement puissent avoir plusieurs significations, il faut distinguer à l’intérieur de la contre-culture des tendances très diverses, en particulier celles qu’on pourrait nommer la nouvelle culture, le refus, la recherche de l’équilibre, la rupture culturelle, la contestation culturelle.
La nouvelle culture
Renversant l’image traditionnelle du rôle des collèges, un sociologue américain (R. Flacks) a pensé que la révolte étudiante provenait du conflit entre les normes très traditionnelles, bureaucratiques, voire répressives, de l’enseignement et celles que des étudiants de niveau social élevé ont apprises dans des familles libérales et donnant beaucoup d’importance à l’expression, à l’affectivité, à la libre curiosité, à l’affaiblissement des contraintes et des interdits de tous ordres.
Charles A. Reich plus que tout autre a rendu populaire cette image d’une nouvelle époque de l’histoire américaine; celle d’un passage du monde de la production, du travail pénible et de la règle à une société où la consommation, l’expression et la communication sont les valeurs souveraines. Bien auparavant, David Riesman avait fait pénétrer dans un très large public l’idée du passage de l’inner-directed à l’other-directed , de l’individu gouverné par sa conscience et ses principes à l’individu dirigé du dehors par le jugement des autres.
C’est la jeunesse qui introduit ces nouvelles conduites, qui seraient ainsi plus modernisatrices que contestataires. Leurs manifestations n’ont-elles pas été rapportées avec beaucoup de sollicitude par les mass media? Les grands magazines de la classe moyenne, tels que Life , n’ont-ils pas accueilli très favorablement les innovations touchant les soins du corps, la mode et un nouveau type de relations interpersonnelles, sans d’ailleurs renoncer pour autant à défendre les valeurs «instrumentales» d’une société industrielle.
Des étudiants aux cadres dirigeants s’introduiraient de nouveaux types de comportements.
Le refus
L’analyse précédente a le mérite de protéger contre l’illusion qui voit dans toute innovation une contestation. Elle ne rend pas compte de l’opposition aux normes, si évidente et même si spectaculaire dans tous les mouvements considérés ici.
La contre-culture est d’abord le fait des drop-out , de ceux qui rompent soit avec les études, soit avec les formes habituelles de la vie professionnelle. Et cet abandon est une protestation. Pas nécessairement une contestation, mais l’expression d’un manque et le désir d’échapper à une organisation sociale qui apparaît comme étouffante.
Des premiers beatniks au personnage de Easy Rider , un nouveau mythe de la route, du voyage, apparaît dans ce pays qui avait si longtemps vécu en repoussant ses frontières et qui se sent de plus en plus enfermé dans des limites non seulement géographiques mais surtout professionnelles et morales. Ce refus est le fait de jeunes gens de niveau social élevé: 55 à 70 p. 100 des beatniks ou des hippies viennent des classes moyenne et supérieure, de la bourgeoisie. Allen Ginsberg, l’auteur de Howl , qui eut tant d’influence, est le meilleur symbole de cette attitude, au moins pendant la première phase de sa vie. Jack Kerouac, de la même manière, écrivant d’un jet, sans se corriger et seulement en complétant le premier état de son texte, fut aussi un des modèles de la génération des beatniks. Plus nombreux, les hippies ont souvent été des jeunes gens rompant avec leur famille ou leur école, prenant la route, surtout en direction de la Californie. San Francisco, surtout le quartier de Haight-Ashbury, devint le centre principal du mouvement: des milliers de hippies s’y rassemblèrent, notamment à l’occasion du gigantesque love-in de 1967.
Mais assez vite ces groupes se dissolvent, chassés par la police, et se réfugient à la campagne pour devenir des communautés d’un style différent. Beaucoup de jeunes gens partent vers l’Orient, attirés par la drogue et parfois par une image très vague des philosophies orientales. De jeunes Européens, surtout du Nord, se mêlent aux Américains. Vers 1972, environ 1 500 jeunes Français se trouvaient ainsi en Inde. Si Katmandou est le lieu le plus fréquenté, Goa constitue aussi un centre important et, en Europe même, les Baléares, et surtout Ibiza et Formentera, sont des lieux de rassemblement. Cette marginalisation n’est pas seulement géographique. L’écrivain Ken Kesey et son groupe, les merry franksters , explorent, de 1964 à 1967, les techniques qui chassent les contrôles de la conscience et ouvrent la voie des paradis artificiels: hallucinogènes, danse et musique rock, jeux de lumière psychédéliques conduisent à la edge city , au «pays des limites». Gary Snyder, Neal Cassady jouent le même rôle d’inspirateurs du mouvement hippy. Des beatniks aux hippies la dérive est plus totale. Les beatniks étaient souvent des artistes ou des écrivains cherchant un nouveau mode d’expression. Les hippies forment un mouvement plus nombreux. Et surtout ils entraînent des masses importantes, d’étudiants essentiellement. Autour de Telegraph Avenue, à côté de l’université de Californie à Berkeley, ou à l’est de Greenwich Village à New York se créent des collectivités très marginales, sans activité professionnelle régulière.
Des enquêtes récentes ont montré qu’environ 30 p. 100 des étudiants américains ne donnent aucun sens à leurs études, regrettent d’être dans un collège ou une université, ou voudraient s’en libérer.
Les drogues «dures», et surtout le L.S.D., dont le grand-prêtre fut Timothy Leary, sont la marque la plus visible de cette vie faite à la fois de chute et de refus. Si la philosophie de Leary, prêchée à son groupe de Milbrook dans l’État de New York et présentée en 1968 dans The Politics of Ecstasy , est d’une extrême confusion, le thème de l’élargissement de la conscience, qui remonte aux expériences de William James, trouvera avec Huxley ou Alan Watts une expression plus élaborée.
Mais ceux qui quittent une société devenue trop intégratrice n’en appellent pas toujours à des valeurs différentes. Ils ne veulent plus jouer le jeu et partent dans un trip (voyage au propre ou au figuré). L’irrationalisme se répand à un point tel que, pendant la grande manifestation contre la guerre du Vietnam en 1967, à laquelle participe en particulier Norman Mailer, on voit des sorciers menacer la Maison-Blanche.
Sous cet aspect, la contre-culture ne dénonce pas un ennemi particulier; elle refuse l’«aliénation» (au sens le plus vague de ce mot). Ce qui correspond à l’état d’une société qui ne connaît pas de grands conflits sociaux internes, à cause à la fois d’une très forte croissance économique et de l’acuité de la guerre froide et des conflits internationaux. Parce que la classe dirigeante et l’élite politique se sont identifiées à un type d’économie et de culture, le refus ne peut être que total et rejeter un type de société, d’institutions et d’organisations qui apparaît comme intégrateur et manipulateur, égoïste et, selon le mot de Herbert Marcuse, «unidimensionnel».
La culture parallèle
Le refus ne mène pas qu’à l’éclatement ou à la fuite. Il anime aussi des utopies; il suscite la création de communautés et la recherche d’une philosophie nouvelle. À une société qui se définit par sa croissance, son mouvement, ses changements incessants s’oppose l’idée d’un retour à l’équilibre qui, d’abord purement volontaire, en appelle récemment aux exigences de l’écosystème.
L’équilibre est d’abord celui d’une communauté, définie par les échanges entre ses membres, libérée des contraintes sociales qui divisent et isolent. Communautés parfois insouciantes de leur subsistance et qui ne durent pas; d’autres fois plus prudentes, mais qui choisissent des formes d’activité économique éloignées des contraintes de la vie industrielle. Les plus petites communautés peuvent être nommées des familles, et le mouvement hippy exalte le renouveau d’une famille large et de l’affection portée aux enfants. Toutes les relations sociales devront être des relations directes, interpersonnelles. Le thème de l’amour et de l’altruisme conduit à un mysticisme inspiré de l’Orient et dans lequel la recherche de l’expression et du contrôle de soi, la réunion harmonieuse de l’âme et du corps se réalisent. C’est Gary Snyder qui introduisit le zen sur la côte Pacifique, mais c’est D. T. Suzuki et surtout Alan Watts qui en furent les principaux interprètes. Ginsberg reçoit en 1954 une illumination. Partout, aux États-Unis et même en Europe, se multiplient les swamis, plus ou moins critiqués. Jack Kerouac, en publiant Les Clochards célestes , en 1958, devient lui aussi un fidèle du zen.
La société doit être conçue comme une communauté; il faut, dit Kenneth Rexrote, en rechercher l’unité fondamentale. Et c’est à l’ésotérisme et à l’astrologie plus qu’à l’économie et aux sciences qu’on demande le chemin de cette unité.
Ces divagations n’ont pas une importance extrême, et peu nombreux sont ceux qui firent l’effort d’interpréter des traditions bouddhiques éloignées du champ d’expérience de l’Amérique du XXe siècle.
Beaucoup plus réelle est l’apparition, au-delà de communautés nombreuses bien que souvent éphémères, d’une culture underground qui possède ses moyens de diffusion, qui établit des liens entre ses lecteurs, qui les fait participer à des mouvements de pensée, à des formes d’art et aussi à des mouvements politiques.
Après Village Voice de New York, longtemps la seule importante, les principales publications underground furent le San Francisco Oracle , le Los Angeles Free Press , le East Village Other , et le Fifth Estate de Detroit. En France, en 1972, on comptait environ cent cinquante revues underground, la plupart éditées dans des lycées, des universités ou des usines. Quelques-unes, en particulier Actuel , qui s’est transformé depuis, l’éphémère Tout , ou encore Parapluie , Zinc , etc., ont réussi à atteindre un large public. La plupart de ces publications utilisent des couleurs dites psychédéliques, des mises en pages moins classiques, donnent beaucoup de place à la musique pop et aux messages personnels. Ce vaste réseau, complété par des films comme ceux de A. Warhol et par des scènes de théâtre «off off Broadway», peut mettre en mouvement des masses immenses de jeunes gens. Le grand rassemblement de Woodstock est resté le moment le plus symbolique de cette culture de la jeunesse, contestataire et novatrice, marginale et communautaire à la fois.
L’Europe à partir de 1964 a découvert le Living Theatre, porteur de ce pacifisme communautaire. Paradise Now est un titre de spectacle assez clair. Si les étudiants contestataires en France résistèrent à un angélisme qu’ils estimaient démobilisateur politiquement, le Living Theatre fut au centre du festival d’Avignon où vinrent mourir les dernières vagues de Mai-68.
La rupture culturelle
Cette culture parallèle oppose souvent des valeurs à d’autres, l’expressivité à l’instrumentalité, la personne à la règle, le groupe à la bureaucratie. Elle n’est pas constamment contestataire, puisqu’elle ne se préoccupe pas souvent de nommer et d’attaquer un adversaire.
Cependant, entre la marginalité et l’opposition, la frontière est toujours confuse. Il serait faux d’analyser la contre-culture en termes purement culturels. Beaucoup ont senti qu’elle avait une dimension conflictuelle et ont parlé de conflit de générations. L’idée se présente dès l’abord puisque 95 p. 100 en général de ceux qui participent aux manifestations de la contre-culture ont de quinze à trente ans. Elle est pourtant bien confuse. Aux États-Unis, les relations familiales ne sont pas, dans l’ensemble, plus archaïques ou plus autoritaires qu’en Europe, et c’est pourtant là que la crise est le plus profonde. On entend bien des anathèmes contre la génération des parents, mais ils ne sont qu’un thème mineur. Mouvement de jeunes, certes, mais pas contre leurs aînés. La jeunesse se révolte – si l’on met à part les mouvements proprement sociaux, qui ont bouleversé les universités – parce qu’elle souhaite deux ensembles opposés de changement. L’emprise de la société sur la jeunesse ne cesse de croître; celle-ci et ce qu’on appelait l’«adolescence» cessent d’être protégées par la «vie privée» de la famille; la jeunesse a de l’argent; elle devient consommatrice. Surtout, l’éducation devient un élément du système de production au lieu d’être seulement un lieu de reproduction de la culture établie.
L’école est de plus en plus considérée comme un lieu de travail: si vous n’y allez pas, vous risquez la chute sociale. Sentiment qui remplace l’idée ancienne selon laquelle l’école permettait l’ascension. En même temps, apparaissent des entreprises de plus en plus vastes et de plus en plus autonomes de socialisation de la jeunesse: les campus abritent ou enferment aux États-Unis neuf millions d’étudiants, et la durée des études s’allonge en même temps qu’augmente le nombre des étudiants. D’où une tension croissante entre une collectivité de jeunes et une éducation de plus en plus intégratrice. L’hédonisme de la contre-culture est aussi un rejet de la «formation» rendue de plus en plus dure à mesure que la distance entre les programmes d’enseignement et les activités professionnelles après le collège s’allonge.
Paul Goodman, romancier avec The Empire City (écrit de 1941 à 1958) et Making Do , en même temps que sociologue et moraliste avec Growing up Absurd , a, mieux que tout autre, exprimé cet anarchisme utopique en rupture avec les catégories de l’ordre social. Il s’agit là d’une utopie véritable, c’est-à-dire réaliste, ayant inspiré le projet d’urbanisme Communitas que Goodman élabora avec son frère Percival et qui est l’un des plus intelligents de l’après-guerre. Plus récemment, Ivan Illich, prenant la défense de l’éducation personnelle contre la formation sociale et dénonçant les inégalités créées par l’école et, beaucoup plus largement, toutes les formes d’intégration et de manipulation sociales, a repris la même action critique, rendue plus forte encore du fait que sa voix vient du Tiers Monde et met en cause la domination des modèles importés des pays riches par les pays pauvres et soumis.
Appels à la dissidence qui rejoignent souvent des actions politiques, surtout pendant la période centrale de l’agitation contre la guerre du Vietnam.
La contestation culturelle
Mais cette action politique va beaucoup plus loin quand elle analyse la société dite capitaliste ou technocratique, définie par sa capacité à manipuler non plus seulement le travail, mais la consommation, l’information, les transports, l’éducation. La figure de Marcuse domine cette contestation culturelle et sociale qui est menée à la fois au nom de Freud et au nom de Marx et qui voit dans les «marginaux» l’agent principal de la lutte contre une intégration sociale remplaçant la contrainte par la tolérance et pratiquant ce que l’auteur appelait, dès son ouvrage Éros et civilisation , la «désublimation répressive». La contre-culture conduit à mettre en cause les catégories de la pratique sociale, la frontière du normal et du pathologique, du légal et de l’interdit. R. D. Laing et le mouvement de l’antipsychiatrie, proche de la critique sociale que Michel Foucault fait de la notion de folie, n’opposent pas un type de valeurs à un autre ou une révolte culturelle à un ordre social; ils contestent un ordre social et culturel.
Les universités libres ou critiques de Berlin, de Berkeley ou de Londres ont été le lieu, fragile mais important, d’expression de cette contestation, qui a souvent été reprise directement par des groupes proprement politiques, en même temps qu’elle exerçait une influence profonde sur le changement d’orientation de beaucoup d’économistes, de sociologues, de psychiatres ou d’ethnologues. Aux États-Unis, le mouvement de radicalisation marqué par l’apparition des hippies et les incidents du procès de Chicago a été accéléré par l’entrée en scène du Black Power (Pouvoir noir), par la lutte violente entre les militants noirs et la police et par la guerre contre le Vietnam dans les années 1967-1970.
Il serait pourtant faux d’identifier la contre-culture à un mouvement social et politique et de considérer que la jeunesse a remplacé la classe ouvrière comme acteur central des luttes sociales. Mais il serait plus faux encore de n’y voir que déviance et marginalité ou, à l’inverse, pure innovation et créativité.
Cette contre-culture se développe au moment où un changement de culture et de société n’est pas encore accompagné par une transformation de la scène sociale et politique, qui se trouve ainsi vide: les anciens conflits sont pris en charge par les institutions, les nouveaux sont encore confus. C’est en un tel moment qu’apparut ce qu’on nomme le «socialisme utopique». La contre-culture actuelle se situe dans un contexte analogue. Pas plus que son prédécesseur, elle n’est une simple étape, une forme primitive des luttes sociales; elle met en cause des aspects fondamentaux de la nouvelle culture, en même temps qu’elle prépare l’apparition de nouvelles luttes sociales.
Le succès des mouvements révolutionnaires étudiants de 1968, aux États-Unis, en Allemagne et surtout en France, allait marquer de manière inattendue le déclin de la contre-culture: d’un côté, ce succès a accéléré la formation de nouveaux mouvements sociaux, en particulier celui des femmes, trop engagé dans des luttes proprement sociales pour s’enfermer dans une contre-culture; de l’autre côté surtout, la «nouvelle vieille gauche» s’est développée alors si fortement, conduisant souvent à un sectarisme doctrinaire, parfois au terrorisme politique, qu’elle a remplacé un excès relatif de préoccupations culturelles par un excès extrême d’idéologie et par un isolement de plus en plus grand de groupes militants par rapport à des changements culturels et sociaux profonds qui furent alors réinterprétés de manière plus conformiste par les mass media. Les années 1969-1975 marquent un recul net, parfois presque complet de la contre-culture. Mais le changement de conjoncture économique, l’abandon de l’espoir de transformations sociales, associés au recul très rapide, au moins en Europe occidentale, de l’idéologie marxiste, ont provoqué un certain retour à la contre-culture. Le mouvement des femmes, par exemple, après avoir remporté des victoires sociales et politiques importantes, s’est replié dans des groupes d’analyse ou de conscience, dans lesquels l’affirmation d’une culture lesbienne a pris le pas sur la recherche d’une action féministe. De la même manière, les mouvements régionaux en France, qui ont connu des échecs politiques répétés, se replient sur une action culturelle dans laquelle se retrouvent ex-révolutionnaires et ex-traditionalistes. Mais ce repli sur la contre-culture ne peut être que temporaire. Malgré les difficultés économiques qui retardent l’élaboration de projets à long terme, ce qui fut d’abord contre-culture devient de plus en plus nouvelle culture et, par conséquent, nouvelles formes d’action sociale. C’est en Allemagne surtout que semble s’opérer ce passage de la culture alternative à la création d’une nouvelle force politique dans laquelle écologistes et pacifistes s’unissent aux divers courants alternatifs et aux féministes, et qui menace de bouleverser l’équilibre traditionnel des conservateurs et des socialistes. Des tendances analogues, mais plus faibles, s’étaient déjà manifestées aux Pays-Bas et en Italie (avec le Partito radicale). Elles n’ont jusqu’à présent pas eu de succès en Grande-Bretagne ni en France, mais on peut faire l’hypothèse que, tôt ou tard, ces nouvelles expressions culturelles et ces nouvelles formes de protestation sociale pénétreront sur la scène politique, comme, il y a un siècle, les partis ouvriers se firent une place en détruisant le vieil équilibre entre Tories et Whigs.
contre-culture [ kɔ̃trəkyltyr ] n. f. ♦ Littér. Culture définie en opposition à la culture dominante, formée d'éléments de la culture populaire, etc. « On démystifie Malraux ou Gide. Une contre-culture est née. On fera des thèses sur Lucky Luke et son message » (Les Nouvelles littéraires, 1972).
● contre-culture, contre-cultures nom féminin Ensemble des manifestations culturelles hostiles ou étrangères aux formes de la culture dominante.
contre-culture
n. f. Ensemble des systèmes de valeurs esthétiques et intellectuelles qui se définissent par leur opposition aux valeurs culturelles traditionnelles, jugées contraignantes et caduques. Des contre-cultures.
contre-culture [kɔ̃tʀəkyltyʀ] n. f.
ÉTYM. 1972; de contre-, et culture.
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♦ Littér. Culture définie en opposition à la culture dominante (considérée comme culture de classe) et formée d'éléments variés empruntés à la « culture populaire », etc. || « On démystifie Malraux ou Gide. Une contre-culture est née. On fera des thèses sur Lucky Luke et son message » (les Nouvelles littéraires, 21 août 1972). || Des contre-cultures.
1 Certaines thèmes de la contre-culture sont incorporés à la machine de l'ordre établi, en général comme soupapes. Quant à la contre-culture qui reste contestataire, justement elle « reste » et elle sait qu'elle reste.
2 (La conception, l'espérance de la « base ») ce n'est pas, enfin, négation de la culture, ni même « contre-culture » rejetant les acquis de millénaires d'hominisation ou d'humanisation de l'homme.
Roger Garaudy, Parole d'homme, p. 191.
Encyclopédie Universelle. 2012.