pontife [ pɔ̃tif ] n. m.
• 1538; lat. pontifex « grand prêtre des juifs »
1 ♦ Ministre du culte, de l'Antiquité romaine. Le grand pontife présidait le collège des pontifes.
2 ♦ Se dit des hauts dignitaires catholiques, évêques ou prélats. Le souverain pontife : le pape. « Pie VII, pâle, triste et religieux, était le vrai pontife des tribulations » (Chateaubriand).
3 ♦ (1611 « richard ») Fam. (souvent iron.) Personnage qui fait autorité et qui est gonflé de son importance. Les grands pontifes de la Faculté (⇒ mandarin) , de la critique, de la politique. ⇒ 2. ponte. « Le langage familier nomme encore aujourd'hui pontifes ceux qui ont plutôt égard à l'opinion des hommes qu'à la vérité de la chose » (Alain). ⇒ pontifier.
● pontife nom masculin (latin pontifex, -icis) Titre donné aux évêques et, en particulier, au pape, évêque de Rome et chef suprême de la chrétienté, appelé souverain pontife. Familier. Personne qui fait autorité dans sa spécialité et qui se donne des airs d'importance. Dans la Rome ancienne, titre sacerdotal. ● pontife (expressions) nom masculin (latin pontifex, -icis) Grand pontife, chef du collège des pontifes de Rome.
pontife
n. m.
d1./d Le souverain pontife: le pape.
d2./d Fig., Fam. Personne gonflée de son importance.
⇒PONTIFE, subst. masc.
A. —1. HIST. ROMAINE. Ministre du culte faisant partie d'un collège ayant juridiction et autorité dans les choses de la religion. Le collège des pontifes. Il fut dont décidé que la moitié des pontifes et des augures seraient désormais choisis parmi la plèbe (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p.398).
♦Grand(-)pontife, souverain pontife. Chef de ce collège. Scipion Nasica, souverain pontife (MICHELET, Hist. romaine, t.2, 1831, p.133). Jules César, devenu grand pontife, entreprit la réforme du calendrier (ALAIN, Propos, 1921, p.246).
2. RELIG. CATH.
a) Dignitaire de l'Église; en partic., évêque. Le grand archevêque Absalon de Lund (...) à la fois guerrier intrépide et saint pontife (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p.XXXII). Les infatigables efforts de tant d'illustres docteurs ou pontifes pour combattre l'arianisme (COMTE, Philos. posit., t.5, 1839-42, p.309). Je vais devenir évêque, pontife. Mais qu'est-ce qu'un évêque, un pontife? (DUPANLOUP, Journal, 1849, p.109). V. invoquer ex. 1.
— En appos. Confesseur pontife. La patience dont il est parlé au Commun des Martyrs Pontifes (BLOY, Femme pauvre, 1897, p.159).
b) (Souverain) pontife; pontife romain, de Rome. Pape. Ce saint pontife [Grégoire XIII] réunissait toutes les vertus apostoliques (STENDHAL, Abbesse Castro, 1839, p.147). [Jansénius] avait écrit une longue dédicace au Pontife romain (BREMOND, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.109):
• 1. ... les Conciles de Constance, de Bâle, de Pise ont déclaré que les Conciles oecuméniques sont supérieurs au Pape, alors que le Concile du Vatican a défini l'infaillibilité du Souverain Pontife à côté et, en fait, au-dessus de celle du Concile.
BOEGNER ds Foi et vie, 1936, p.113.
— Loc., péj. De pontife. [En parlant d'une attitude] Qui a certaines caractéristiques (en particulier, solennité allant jusqu'à l'affectation) propres à un pontife. Des airs de pontife. Le père et la mère Kallenberg qui, avec des gestes de pontifes, ont hissé le pavillon aux couleurs allemandes (GONCOURT, Journal, 1874, p.993).
3. RELIG. JUIVE. Grand-prêtre:
• 2. Le secret de la prononciation véritable des consonnes sacrées a disparu avec le sacerdoce d'Israël, l'une des prérogatives des pontifes ayant été d'appeler les bénédictions célestes sur leur peuple, en proférant le Nom.
WEILL, Judaïsme, 1931, p.98.
4. Toute autre personne revêtue d'un ministère sacré. Le pontife suprême, le Dalai Lama, cumule le pouvoir religieux et politique (Philos., Relig., 1957, p.54-2).
— En appos. avec valeur d'adj. On vit s'établir ici des princes pontifes, là des familles ou des tribus sacerdotales (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p.23).
B. —P. anal., gén. péj. Personne faisant autorité dans un domaine et ayant souvent une conscience excessive de son importance. M. de Bonald n'était pas seulement pour la France d'alors un grand publiciste, c'était un pontife de la religion et de la monarchie (LAMART., Nouv. Confid., 1851, p.293). Le succès commençait de bien poindre, et je m'amusais de la fureur qu'allumait chez quelques pontifes le seul fait d'oser écrire ou prononcer mon nom (JAMMES, Mém., 1923, p.29). Il n'y a pas de raison pour que le charlatan n'ait pas «la main plus heureuse» que le grand pontife de la faculté (G. MARCEL, Journal, 1923, p.287).
— Empl. adj. Je l'ai trouvé [Victor Hugo] ... charmant! Je répète le mot, pas du tout grand homme, pas du tout pontife (FLAUB., Corresp., 1872, p.353).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Il avait en lui [Alfred de Vigny], je le répète, du pontife (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.6, 1864, p.426).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1294 pontifice titre donné au pape (Mir. S. Eloi, 66, Peigné ds GDF.); déb. XVIe s. souverain pontif (FOSSETIER, Cron. marg., ms. Bruxelles 10509, f° 154 v° ds GDF. Compl.); 2. 1538 «personne revêtue d'un ministère sacré» (EST.); 1680 «ministre du culte» (RICH.); 3. 1611 «homme riche, magnificent» (COTGR.); 1794 pontifes du crime «maîtres en matière de» (CHÉNIER, Odes, p.231); 1872 adj. «pontifiant, qui affecte de la majesté» (FLAUB., loc. cit.). Empr. au lat. pontifex «pontife» et «prêtre chrétien, évêque, prélat», cf. fin Xes. pontifex «grand prêtre des juifs» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 177). Fréq. abs. littér.:695. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 1644, b) 944; XXes.: a) 1081, b) 395.
pontife [pɔ̃tif] n. m.
ÉTYM. 1538; pontif, XVe; pontifex « grand prêtre chez les juifs », 980; lat. pontifex « faiseur de ponts », l'institution des pontifes ayant été liée à l'origine, selon Varron, à la construction du pont Sublicius.
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1 Antiq. rom. Ministre du culte, appartenant au collège des pontifes (d'abord de 4 puis de 15 membres), qui avait la haute surveillance du culte et des autres sacerdoces. || Le Grand Pontife (lat. Pontifex maximus) présidait le collège des pontifes (→ Ficher, cit. 1). ⇒ Hiérophante. — Par ext. || Le père de famille était le pontife du foyer (cit. 5).
1 En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
Et consulté deux fois l'oracle sibyllin (…)
J. M. de Heredia, les Trophées, Rome et les Barbares, « Après Cannes ».
2 Relig. cathol. Haut dignitaire ecclésiastique, évêque ou prélat. || Office du commun des pontifes. || Saint…, pontife et martyr. || Le pontife romain; (1690) le souverain pontife (cour.) : le pape (→ Camerlingue, cit. 2; légat, cit. 2; mitre, cit. 3; pape, cit. 3). — Dans le même sens. || Le premier pontife, le pontife (→ 1. Encourir, cit. 5; évanouir, cit. 3; implorer, cit. 3; normand, cit. 2). — Poét. ⇒ Prêtre (→ Derviche, cit. 1).
2 Or nous faillons aussi : car depuis saint Grégoire
Nul pontife romain dont le nom soit notoire,
En chaire ne prêcha (…)
Ronsard, Disc. des misères de ce temps, « Disc. à G. des Autels ».
3 Le lendemain, j'assistai à l'office de la Saint-Pierre. Pie VII, pâle, triste et religieux, était le vrai pontife des tribulations.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 250.
3 Fig. Chef dont l'autorité a quelque chose de sacré, est entourée d'un respect religieux. || « Oh ! vous êtes les seuls pontifes, Penseurs… » (→ Pégase, cit. Hugo).
4 Le grand orateur (Vergniaud) avait été, en ce moment sublime, le pontife de la Révolution.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., VII, VIII.
4 (1888, Daudet; par métaphore, « homme magnifique, riche », 1611). Fam., et souvent iron. Personnage qui fait autorité et qui est gonflé de son importance. ⇒ Bonze (→ 1. Niche, cit. 3). || Les pontifes de la Faculté, de la critique, de la politique… || Ton, allure de pontife. ⇒ Pédant; pontifier.
5 Le langage familier nomme encore aujourd'hui pontifes ceux qui ont plutôt égard à l'opinion des hommes qu'à la vérité de la chose. Et comme il y a du pontife en chacun, par la condition humaine, ces remarques sont bonnes pour tous.
Alain, Propos, 6 juil. 1921, L'ordre extérieur…
6 Sur son lit d'agonie, Forain, qu'entouraient des docteurs, les observait. L'un d'eux l'ausculta : — Le cœur est bon, dit-il. — Le foie fonctionne normalement, dit l'autre. Quant au troisième, il affirma : Vous n'avez plus de râles. Cela va mieux. Courage !
Forain hocha la tête et, contemplant les trois pontifes, qui tentaient de le rassurer, il grommela : — En somme, je meurs… guéri !
Francis Carco, Nostalgie de Paris, p. 56.
7 (…) il aurait à coup sûr pu s'imposer comme peintre en dépit de l'incompréhension des grands pontifes de la Critique, mais il n'était pas homme à braver le ridicule.
Francis Carco, Ombres vivantes, p. 240.
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DÉR. (Du même rad.) Pontifical, pontificat, pontifier.
Encyclopédie Universelle. 2012.