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pourri

pourri, ie [ puri ] adj. et n.
XIIe; de pourrir
1Corrompu ou altéré par la décomposition. Arbre, bois, tronc pourri. Planche pourrie. Feuilles à moitié pourries. Fruits pourris. (Aliments) Avarié. Œufs pourris, viandes pourries. corrompu. Engueuler qqn comme du poisson pourri. Décomposé. Cadavres pourris.
2(1864) Désagrégé. Roche, pierre pourrie (humide et effritée). Glace, neige pourrie, à demi fondue. Ce câble est complètement pourri.
3Humide et mou. Temps pourri. Climat pourri. malsain. Un été pourri, très pluvieux. « Un hiver pourri, [...] humide et tiède » (Maupassant).
4Fig. (Personnes) Moralement corrompu. « Il a voulu se voir comme un produit typique d'une société tout entière pourrie » (Sartre). Politiciens pourris. Flic pourri. ripou. Pourri jusqu'à la moelle. Allus. littér. « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark » (trad. Shakespeare, « Hamlet »),se dit pour dénoncer les scandales, les abus.
N. Fam. T. d'injure Vendu ! Pourri ! Bande de pourris ! « Tous dans le même sac, je vous dis... Des pourris » (Aragon).
5Très mauvais, insupportable. dégueulasse, infect. Quelle boîte pourrie ! Un bled pourri. En mauvais état. Bagnole pourrie.
6Fam. POURRI DE : rempli de, qui a beaucoup de. Il est pourri de fric. Pourri de talent.
7 N. m. Ce qui est pourri. Une odeur de pourri ( putride) .

pourri nom masculin Partie pourrie de quelque chose, chose pourrie : Enlever le pourri.pourri, pourrie nom Personne corrompue, débauchée : Bande de pourris !

pourri, ie
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Altéré, attaqué par la décomposition.
d2./d Fig. Très humide, en parlant du temps, de la saison, etc. Un été pourri.
d3./d Fig., Fam. Gâté, corrompu.
|| Fig., Fam. Pourri de: plein de. Il est pourri de bonnes idées, ce garçon.
rII./r n. m. Ce qui est pourri. Une odeur de pourri.

⇒POURRI, -IE, part. passé, adj. et subst.
I.— Part. passé de pourrir et empl. adj.
A.— 1. [En parlant de matières organiques] Qui a pourri, qui est attaqué par la pourriture. Tronc pourri; feuille, paille, racine pourrie; arbre pourri à la base, au pied, jusqu'au cœur; banc, escalier, parquet pourri; planche, porte, poutre pourrie; sentir le bois pourri; odeur de bois pourri, de feuilles pourries.
Planche pourrie.
En partic. [En parlant d'un aliment] Altéré, impropre à la consommation. Synon. avarié, gâté. Fruit, poisson pourri; viande pourrie; sentir l'œuf pourri. Ce gaz incolore [l'hydrogène sulfuré], combustible, qui a une odeur d'œufs pourris caractéristique, est toxique (QUÉRET, Industr. gaz, 1923, p. 142).
Expr. pop. Engueuler, traiter qqn comme du poisson pourri (v. poisson1).
♦ [Dans une injure] Tais-toi, boucle ton saladier, viande pourrie (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 40).
2. [P. méton.]
a) [En parlant d'une odeur, d'une saveur, d'une couleur] Qui est celle ou rappelle celle d'une chose pourrie. Voici une lande de boue où l'herbe rare jute comme une éponge, sur laquelle tombe le crépuscule d'un vert pourri (MORAND, Tendres stocks, 1921, p. 40). Elle but une gorgée de café; c'était un vrai café de petit matin, âcre et sucré comme celui qu'on boit sur le quai des gares après une nuit de voyage (...). Cette saveur pourrie attendrit le cœur de Françoise (BEAUVOIR, Invitée, 1943, p. 35). La brume qui se lève de bonne heure des marécages noyait déjà les rues : l'odeur pourrie et familière passa sur mon visage (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 305).
b) [En parlant d'eau, de terre] Qui contient des matières en putréfaction ou, p. ext., malsaines. [Le Drac] est hideux, pensait Durtal; cette rivière de bile doit charrier des fièvres; elle est maléficiée, pourrie avec ses plaques savonneuses (HUYSMANS, Cathédr., 1898, p. 15). On en est réduit, parfois, à boire l'eau corrompue, l'eau pourrie qui stagne dans les trous d'obus (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 61). Ces terrains ainsi infectés de spores charbonneuses sont appelés : champs pourris ou champs maudits (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 214).
3. P. anal.
a) [En parlant d'un organe, du corps] Qui est profondément altéré par une affection, une maladie. Doigt, poumon, sang pourri; dent, vessie pourrie. Le médecin ne m'en donne pas pour six mois; le foie pourri, mon vieux! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 253).
MÉD. VÉTÉR. Pied pourri. Synon. de piétin. V. ce mot ex. de Garcin.
b) [En parlant de matières non organiques, d'un objet] Qui se désagrège, en très mauvais état, détérioré. Voiture, vélo, moto complètement pourri(e); corde pourrie.
[En parlant d'une pierre, d'une roche] Qui s'effrite. On est dans le plus mauvais de la pente, dans une rocaille pourrie; on s'y accroche de la main, elle vous casse sous la main (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 249). L'inquiétude est de le savoir porté à s'en aller toujours vers ces côtes où la montagne est pourrie (GIONO, Bout route, 1937, p. 51).
[En parlant de la glace, de la neige] À demi fondue. Parfois, il jette un coup d'œil à droite et à gauche, un regard craintif, il voudrait déceler la fente perfide, cachée sous le matelas de neige pourrie, qui pourrait brutalement l'avaler (M. LIOTIER, Celui qui va devant, Paris, Arthaud, 1974, p. 161).
c) P. ext. Qui est usé et souillé ou malsain. J'ai vu ce grand vieillard qui, nu dans son paletot pourri, croisait les bras sur sa poitrine (CLAUDEL, Ville, 1893, II, p. 350). Je viens faire mes adieux au salon dont le tapis est à demi pourri (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 116). On condamnerait un boucher qui vendrait de la viande pourrie, mais le code permet d'imposer des logis pourris aux populations pauvres (LE CORBUSIER, Charte Ath., 1957, p. 17). V. braillement B ex. de H. Bazin, et geigneux ex. de Huysmans, s.v. geigneur.
d) Vieilli, p. exagér. [En parlant d'aliments] Ramolli par une trop longue cuisson. Il y a joliment longtemps que ces messieurs vous attendent. C'est toujours comme ça. Vous me faites manquer mon dîner quand il faut qu'il soit bon. Maintenant, tout est pourri de cuire (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 141).
4. [En parlant du temps, du climat et, p. méton., d'une période] Très humide, pluvieux. Printemps, été, dimanche pourri. L'hiver alors touchait à sa fin, un hiver pourri, comme on dit aux champs, humide et tiède (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 189). La nouvelle lune amènerait peut-être un temps sale et pourri, les chemins seraient difficiles. Ou bien le froid reviendrait (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 38).
Ciel pourri. Ciel très nuageux. C'était au soir de l'un de ces mauvais jours où, d'un bout à l'autre de la ligne, le ciel est pourri, où toutes les montagnes semblent au pilote rouler dans la crasse (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 141).
B.— Au fig.
1. Altéré dans son intégrité; qui a perdu ses qualités, sa valeur, sa force.
a) [En parlant d'une pers. ou de ce qui a trait à l'individu] Le loyalisme est un des rares sentiments qui ne me semblent pas pourris (MALRAUX, Voie roy., 1930, p. 79).
Pourri de + compl. V. décadentisme ex. de Montherlant et fini II A 2 ex. de Péguy.
b) [En parlant de groupes, d'instit., de phénomènes soc., pol.] Gouvernement, ordre pourri; loi pourrie. Enfin, il fallait bien qu'il vînt autre chose, puisque l'empire était pourri décidément, et que personne n'en voulait plus (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 498). Parlant de la France, qu'il méprisait, et de toute la société bourgeoise, il me dit : « Tout cela est pourri. Ça ne durera pas » (GREEN, Journal, 1932, p. 85).
[P. allus. à Shakespeare, Hamlet, I 4 : Il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark; pour dénoncer un scandale, un abus, ce qui ne va pas] Depuis longtemps il y avait quelque chose de pourri dans l'Empire d'Autriche-Hongrie. Fait de pays et de races diverses, hostiles, il ne tenait debout que par l'équilibre des forces opposées (MAUROIS, Édouard VII, 1933, p. 324). Il y a quelque chose de pourri dans cette vie humaine Quelque chose par quoi l'esprit voit se rétrécir son domaine (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 89).
[Avec l'idée d'excès, de facilité, facteurs de dégradation, de décadence] :
1. ... ces laides façades me parlent comme ne me parle point la nature. Les générations de notre temps sont trop civilisées, trop perfectionnées, trop pourries, trop savantes, trop factices pour faire leur bonheur avec du vert et du bleu.
GONCOURT, Journal, 1856, p. 252.
Pourri + compl. prép. La république : On ne l'établit pas chez un peuple pourri de civilisation, dans une population de 32 millions avec des fortunes monstrueusement colossales, avec des millions de prolétaires; il faut des mœurs, des terres à défricher (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 168).
c) [En parlant d'une situation, d'un état de choses] C'était une guerre pourrie, stagnante et morne (VIALAR, Éperon arg., 1952, p. 282).
2. Qui est corrompu moralement.
a) [En parlant d'une pers. ou d'un attribut de la pers.] L'esprit [chez Proust] n'a d'égal que parmi les plus grands, le caractère est non seulement, ainsi qu'il le dit quelque part du caractère des hommes de génie : « pétri de défauts », mais légèrement pourri de vices (DU BOS, Journal, 1922, p. 147).
[Dans une injure] C'est pas assez de la taule pour un cochon pareil! un sale maquereau pourri! (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 610).
b) [En parlant d'une société, d'une époque] Un régime pourri. On y respire [en France] cette odeur de vieille civilisation pourrie, ce parfum de Carnaval que les romantiques demandaient à Venise et les délicats d'avant-guerre, à certaines maisons de Chine (MORAND, Bouddha, 1927, p. 122). « Dans notre époque pourrie », s'écria-t-il, « l'armée reste un refuge sacré, le refuge de la grandeur (...) » (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 341) :
2. ... ce n'est pas en tant qu'il décrit une société pourrie que Proust fait œuvre révolutionnaire. Toutes les sociétés vues par un psychologue et par un moraliste paraissent pourries...
MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 153.
HIST. Bourg pourri.
3. Très mauvais, détestable. Synon. pop. dégueulasse, infect. Ah! c'est vraiment bien la peine d'avoir retiré du salon carré l'Embarquement de Cythère de Watteau pour y substituer la peinture pourrie de Claude Lorrain qui représenterait Diogène jetant son écuelle! (GONCOURT, Journal, 1894, p. 503).
P. antiphr. Du vieux Laffitte pour moi. Pour ces jeunes gens une tisane qui se laisse boire, quelque chose d'amusant. Allez Adrien. Ah! je crois que nous n'allons pas faire un petit repas trop pourri (LAVEDAN, Vx marcheur, 1895, p. 76).
II.— Adj., gén. péj., fam. Pourri de + subst. Plein de, qui a beaucoup.
A.— [Le subst. désigne une chose concr.] Pourri de dettes. Ton père est un distillateur pourri de fric (MAGNANE, Bête à concours, 1941, p. 284). Pour le blé, me dit Albert, il faudra l'engranger à Théotime. Ici, les greniers sont pourris de rats (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 249).
B.— [Le subst. désigne une chose abstr.] Être pourri de vices. Houfflack [violoniste des concerts Lamoureux] est pourri de talent, mais ce concerto de Wienawski, quelle ordure! (WILLY, Mouche des croches, 1894, p. 247). Quelle figure va faire cet article imprimé. Il ne signifie pas grand'chose. Il est pourri de naïvetés, agrémenté de faux style (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 205). Je sais bien que mon rôle, ça serait d'être sœur de charité et consolatrice, et tout : mais je ne peux pas. Aujourd'hui j'étais pourrie de bonnes résolutions : et voilà Volange qui se ramène. J'ai décampé (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 293).
Vieilli. Pourri de chic. — Oui très bien, brillant, charmant; car enfin, je suis pourri de chic, comme on dit dans le meilleur monde. — Pourri de chic? — Vous ne comprenez donc plus le parisien? (AVENEL, Calicots, 1866, p. 299). C'est pourri de chic, disait La Faloise, en examinant la tente de pourpre, tenue sur des lances dorées. On se croirait à la foire aux pains d'épice (ZOLA, Nana, 1880, p. 1422).
III.— Subst. Synon. de pourriture.
A.— Subst. masc. sing.
1. Ce qui pourrit, ce qui est complètement pourri. Les femmes assises autour des clayettes d'osier y triaient la récolte, détournant le vert et le pourri (HAMP, Champagne, 1909, p. 136). Il était là le canal, aplati dans sa terre, immobile, tout luisant de pourri (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 136). Thomas (...) piétina des algues mises à sécher et qui sentaient le pourri (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 31).
Humidité. Pour la saint-Michel, le temps devint sombre, rechignant, entremêlé de froid, de malsain et de pourri. Un brouillard noir traînait par la montagne (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 245).
2. Au fig. Ce qui est dégradé, corrompu; état de corruption. Maintenant, c'est des cœurs pourris. Et le malheur, garçon, c'est qu'ils sont pas mauvais : non, mais que si on restait trop longtemps près d'eux, on sentirait vite le pourri aussi (GIONO, Gd troupeau, 1931 p. 97). Je traite mon père comme du pourri!... Je m'époumone!... « Y avait pas un pire dégueulasse dans tout l'univers! » (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 48).
B.— Subst. Personne corrompue. Daudet parlait ce soir d'un Espagnol devenu un pourri parisien, d'un Miranda, chassé d'un cercle pour tricherie au jeu (GONCOURT, Journal, 1884, p. 401). Cette fois, les parlementaires furent bien convoqués mais, par crainte du bombardement de Paris, aucun des neuf cents fantoches, ou pourris, comme on disait alors ne répondit à la convocation (L. DAUDET, Ciel de feu, 1934, p. 106).
Ce pourri de + nom propre. Si sceptique, si dur de cœur que fût ce pourri de Maugé, il fut frappé par cette fraîche et charmante apparition (COPPÉE, Contes rap., 1889, p. 101).
[En injure] Bande de pourris! La Foule : Traître! vendu! pourri! — À bas Rabagas! (SARDOU, Rabagas, 1872, III, 12, p. 149). Et vous aussi, vous donnerez des coups de pied dans la porte des Français en criant : « Fauchés, pourris, colonialistes, soyez maudits! » (AYMÉ, Mouche, 1957, p. 238).
Prononc. et Orth. :[]. Ac., v. pourrir. Fréq. abs. littér. :872. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 543, b) 1 286; XXe s. : a) 1 618, b) 1 582. Bbg. QUEM. DDL t. 17, 18.

Encyclopédie Universelle. 2012.