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DÉTENTION PROVISOIRE
DÉTENTION PROVISOIRE

DÉTENTION PROVISOIRE ou PRÉVENTIVE

Mesure que peut prendre la juridiction répressive saisie, à l’encontre d’une personne mise en examen, d’un prévenu ou d’un accusé, et aux termes de laquelle l’individu qui y est soumis est placé sous écrou pour une période plus ou moins longue, bien qu’il n’ait pas encore été statué sur sa culpabilité. Mesure grave, car attentatoire aux garanties des droits de la personne devant la justice, une telle mise en détention est contraire à la présomption d’innocence. L’intérêt social et la bonne administration de la justice peuvent cependant la justifier; on peut en effet craindre que, en liberté, l’individu fortement suspect, voire le délinquant, ne perpètre à nouveau une ou plusieurs infractions; on peut craindre aussi qu’il ne disparaisse, se soustrayant ainsi à ses responsabilités ou qu’il fasse disparaître les preuves essentielles. Enfin, dans certains cas, on peut légitimement penser que la sécurité de l’individu sera plus efficacement garantie en prison. Si la loi souligne le caractère exceptionnel de cette mesure, son application dans la pratique révèle une toute autre réalité: sur trois mis en examen surveillés judiciairement, deux sont en détention provisoire. Leur proportion n’a cessé de s’accroître au sein de la population carcérale pour atteindre près de 50 p. 100 dans les années 1980.

La France a en fait connu depuis 1808 une succession de réformes en matière de détention avant jugement. Celle-ci s’appelle détention provisoire depuis la loi du 17 juillet 1970, ce dernier terme ayant remplacé celui de «préventive». Cette différence de vocable a le mérite de bien mettre en évidence le changement intervenu: désormais, la liberté est la règle, et la détention l’exception; l’expression liberté provisoire que l’on opposait à détention préventive n’a plus cours. Au reste, le régime institué par le Code d’instruction criminelle avait été modifié dans un sens libéral en 1865, puis en 1933; par la suite, des textes de 1935 et de 1939 l’avaient plus sévèrement réglementé. Enfin, le Code de procédure pénale était revenu en 1958 à des conceptions plus libérales, et c’est dans sa lignée que se situe la loi du 17 juillet 1970 et les articles 137 et 144 à 150 du Code de procédure pénale, modifiés à plusieurs reprises depuis lors.

En matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement et si l’application du contrôle judiciaire ne paraît pas propice, la détention provisoire peut être ordonnée ou maintenue lorsqu’elle apparaît comme «l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices», ou comme nécessaire «pour protéger la personne concernée, pour mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement, pour garantir le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice ou pour préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction». Il en est de même lorsque l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. Jusqu’en 1970, le placement en détention préventive résultait de la délivrance d’un simple mandat de dépôt ou d’arrêt du juge d’instruction. La procédure s’est ensuite considérablement alourdie au gré de multiples réformes pas toujours inspirées par le seul souci du respect des droits de la défense: c’est aussi la compétence exclusive du juge d’instruction en cette matière qui a été remise en cause. C’est désormais par une ordonnance motivée que le juge d’instruction prescrit la détention provisoire, et ce quel que soit l’état de l’information. Depuis 1984, il est obligé de statuer à l’issue d’un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du parquet puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat. L’ordonnance de placement en détention provisoire est susceptible d’appel devant la chambre d’accusation, mais cet appel n’en suspend pas l’exécution. Cette suspension peut cependant être obtenue depuis une réforme de 1993 qui donne au président de la chambre d’accusation le pouvoir d’estimer, sur requête du parquet ou de l’intéressé, que la détention n’est pas «manifestement nécessaire» pendant la procédure d’appel. Ce dispositif, appelé communément «référé-liberté», est une garantie supplémentaire imposée par le législateur pour contrer un pouvoir du juge d’instruction maintes fois contesté.

La durée de la détention provisoire est limitée à un an en matière criminelle et à quatre mois en matière correctionnelle. Toutefois, la possibilité de prolongation jusqu’au jugement est toujours possible dans le premier cas, sous réserve du respect du débat contradictoire lors de chaque prolongation. Dans le second cas, la prise en compte de l’éventuel passé judiciaire de l’intéressé et des peines encourues permet une multitude de possibilités allant d’une prolongation maximale de deux mois au maintien de la détention jusqu’au jugement. En toute matière, la mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire peut être demandée à tout moment au juge d’instruction par le procureur de la République, la personne mise en examen ou son conseil. La partie civile ne peut présenter que des observations. Lorsqu’une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la détention provisoire sauf dans certains cas particuliers où ce pouvoir appartient à la chambre d’accusation.

La détention provisoire est exécutée dans une maison d’arrêt, mais les individus qui la subissent ne sont pas mêlés aux détenus ayant fait l’objet d’une condamnation définitive. Ils ne sont astreints ni au travail pénitentiaire ni au port du costume, ils jouissent de facilités de communication avec l’extérieur plus importantes que les autres détenus pour pouvoir préparer leur défense; ils communiquent librement avec leur avocat. En cas de condamnation, le temps passé en détention provisoire est imputé sur la durée totale de la peine; mais, en cas de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, l’individu peut, sous certaines conditions, obtenir une indemnité de l’État; encore faut-il que le préjudice subi «ait été manifestement anormal et d’une particulière gravité».

Détention provisoire incarcération de la personne mise en examen avant jugement.

Encyclopédie Universelle. 2012.