ricaner [ rikane ] v. intr. <conjug. : 1>
1 ♦ Rire à demi de façon méprisante ou sarcastique. « Il avait le rictus d'un homme qui ricane » (Martin du Gard). Il ricane de tout.
2 ♦ Rire de façon stupide, sans motif ou par gêne. Il passait son temps « à ricaner tout seul sans que l'on pût savoir pourquoi » (Courteline).
● ricaner verbe intransitif (variante du normand recaner, braire, du francique kinni, mâchoire, avec influence de rire) Rire d'une manière méprisante, sarcastique ou stupide.
ricaner
v. intr. Rire à demi, avec une intention moqueuse ou méprisante.
|| Rire sottement.
⇒RICANER, verbe
A. — Empl. intrans.
1. Rire d'une manière forcée ou contenue avec une intention malveillante, pour exprimer de la moquerie ou du mépris. Ricaner d'un air mauvais, narquois. Il entendit ses camarades ricaner autour de lui et murmurer de leur voix méchante: — Eh! Bâtard, regarde donc; voici ta mère (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 54).
2. Rire sottement sans motif ou pour cacher sa gêne. Ricaner bêtement. C'étaient des gros mots, fortement salés, qui faisaient ricaner les filles rougissantes (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Bapt., 1884, p. 47). Je balbutiai: « Excusez-moi... Ma vieille tête... » Mais, comme quand j'étais gêné et intimidé, je ricanais un peu, je ne pouvais me retenir de ricaner (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 272).
B. — Empl. trans.
1. [Gén. en incise] Dire, exprimer en se moquant ou en faisant preuve de cynisme. Émile, c'est ça ton actrice? ricana Louise, lorsque Denise fut sortie. Veux-tu que je te dise, moi?... Eh bien! C'est une femme de maison! (DABIT, Hôtel, 1929, p. 203).
2. Empl. trans. indir. Ricaner de qqn, de qqc. Se moquer méchamment, avec mépris. Eh bien, du premier coup d'œil, j'ai deviné en eux ce je ne sais quoi qui, à de certaines heures, leur donnait le droit de ricaner des autres (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 890).
— Ricaner de + inf. Plus tard, à Paris, Stépha me raconta que les enfants ricanaient de me voir si mal habillée (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 278).
REM. Ricanant, -ante, part. prés. en empl. adj. a) Qui ricane, rit de manière sarcastique. Bouche ricanante. Pourquoi une petite institutrice ricanante avait-elle eu le front de se mettre au travers de sa route? (MAURIAC, Génitrix, 1923, p. 394). b) [P. méton. du suj.] Son air de supériorité bourgeoise et ricanante qui était quelque chose d'écrasant (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 766).
Prononc. et Orth.:[], (il) ricane [-kan]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. fin du XIVe s. « braire » (EUSTACHE DESCHAMPS, Œuvres, VI 15, 7 ds T.-L.: chanoine qui ricanne Comme uns asnes en un moustier); 2. a) 1538 « rire avec affectation » (EST. d'apr. FEW t. 16, p. 325b); b) 1690 « rire de façon stupide, sans motif » (FUR.). B. Trans. 1. 1884 ricaner de quelque chose (ZOLA, Joie de vivre, p. 883); 2. 1887 « dire en ricanant » (ID., Terre, p. 30). Var., prob. sous l'infl. de rire1, de l'a. fr. rec(h)aner « braire », d'orig. norm. (1121-34, PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, 44 ds T.-L.). Rechaner est dér. de l'a. norm. cane « dent », qui représente l'a. b. frq. kinni « joue », v. quenotte. Voir G. ROQUES ds Mél. K. Baldinger, 1979, t. 2, pp. 586-587. Fréq. abs. littér.:1 012. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 428, b) 1 697; XXe s.: a) 2 296, b) 1 646.
DÉR. Ricanerie, subst. fém., rare. Action de ricaner; rire mauvais, grinçant ou ironique. Cette causerie pleine de l'âcre ironie qui change la gaîté en ricanerie, accusa l'épuisement d'âmes livrées à elles-mêmes, sans autre but que la satisfaction de l'égoïsme (BALZAC, Mais. Nucingen, 1838, p. 594). — []. Att. ds Ac. dep. 1835. — 1re attest. 1740-55 (SAINT-SIMON, Mém., éd. A. de Boislisle, t. 24, p. 169); de ricaner, suff. -erie.
ricaner [ʀikane] v. intr.
ÉTYM. 1538; « braire », v. 1400; réfection, sous l'infl. de rire, de l'anc. franç. recaner, rechaner « braire », du picard kenne, chane « joue », d'un francique kinni « mâchoire »; cf. all. Kinn « menton »; p.-ê. avec infl. de hanner « hennir ».
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1 Rire à demi de façon forcée, avec une intention méprisante, sarcastique, ou avec une joie méchante (→ Collet, cit. 5; énervement, cit. 2; onde, cit. 19; railler, cit. 8). — Dire en ricanant (→ Héler, cit. 1; 1. nazi, cit.).
1 Coupeau s'arrêta devant la Joconde (…) Boche et Bibi-la-Grillade ricanaient, en se montrant du coin de l'œil les femmes nues; les cuisses de l'Antiope surtout leur causèrent un saisissement.
Zola, l'Assommoir, t. I, III, p. 95.
2 Il avait le rictus d'un homme qui ricane, mais un regard cruel et l'œil congestionné derrière le monocle.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 98.
♦ Une voix qui ricane. ⇒ Ricanement.
2 (1690). Rire de façon stupide, sans motif. || Élève qui est toujours en train de ricaner.
2.1 Comme vous êtes bon ! Ah ! cher enfant !
Il le contemplait et versait des larmes, tout en ricanant de bonheur.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, IV, éd. du Milieu du Monde, p. 342.
3 (…) il passait les trois quarts du temps à faire la sieste en son fauteuil, le reste à ricaner tout seul sans que l'on pût savoir pourquoi (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, I.
3 Trans. ind. (XVIIIe). || Ricaner de (qqn, qqch.), s'en moquer avec une joie méchante.
4 Trans. dir. (Fin XIXe, Loti). Dire en ricanant. || Ricaner une réponse. || Il ricana : tu m'ennuies. — En incise. || Non, ricana-t-elle.
4 (…) je crois vous entendre ricaner : « Ce qu'elle peut être naïve ! »
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 55.
♦ Au participe passé :
5 M. Warting (…) proposa de rompre ces pourparlers fallacieux :
— J'ai des offres ailleurs.
L'Arménien Kalentian dit :
— (…) Ou vous traitez avec nous, ou avec personne.
Il conclut par sa syllabe ricanée :
— Yes !
Pierre Hamp, la Peine des hommes (Moteurs), p. 11.
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DÉR. Ricanant, ricanement, ricanerie, ricaneur. — V. Ricasser.
Encyclopédie Universelle. 2012.