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ALUNS
ALUNS

On appelle communément alun le sulfate double de potassium et d’aluminium hydraté [K2S4, Al2(SO4)3, 24 H2O], qui reçoit souvent les noms usuels d’alun de potasse ou alun de roche, son appellation minéralogique étant kalinite. De nombreux composés semblables sont connus et, par extension, le mot alun désigne aujourd’hui tout sulfate double dont la formule peut s’écrire:

les symboles MeI et MeIII désignent des cations, généralement métalliques, respectivement mono- et trivalents, parmi lesquels: Li+, Na+, K+, Rb+, Cs+, Tl+, Ag+, et aussi NH4+ et des ions dérivés des amines organiques, de l’hydrazine et de l’hydroxylamine; les métaux trivalents peuvent être Al3+, Ti3+, V3+, Cr3+, Mn3+, Fe3+, Co3+, Ga3+, In3+, Ir3+. Les aluns correspondant à chaque couple possible ne sont pas tous connus. Expérimentalement, on a montré que la taille des ions joue un rôle déterminant dans la stabilité et la solubilité de ces composés qui sont d’autant plus faciles à préparer que l’ion monovalent est gros et l’ion trivalent petit. Ainsi connaît-on un seul alun du lithium (rayon ionique: 0,060 nm); le césium (rayon ionique: 0,169 nm) donne au contraire une série d’aluns très stables avec tous les métaux trivalents cités ci-dessus.

Des empilements ioniques de même type ont pu être obtenus en substituant à l’ion sulfate des ions possédant la même symétrie avec une particule centrale entourée de quatre atomes placés aux sommets d’un tétraèdre régulier, comme Se42-, Te42-, Be42-, ZrCl42-; le mot «alun» a été également utilisé pour désigner ces nouveaux composés.

Seuls l’alun de potasse et l’alun de soude sont des produits industriels, utilisés en teinturerie comme mordants et dans le traitement des cuirs, mais leur intérêt décline car ils sont très concurrencés par le sulfate d’aluminium.

1. Structure cristalline

En 1819, après avoir étudié et comparé les aluns de fer et d’aluminium, Eilhard Mitscherlich définit la notion d’«isomorphie» et établit une règle selon laquelle des substances doivent avoir la même formule lorsqu’elles possèdent la même forme cristalline et sont susceptibles de « syncristalliser », c’est-à-dire de donner des cristaux mixtes; cette règle appliquée aux aluns le conduisit à proposer la valence + 3 pour les sels ferriques, par comparaison avec l’aluminium, alors qu’à cette époque les valences + 1 et + 2 étaient admises pour ce métal. En réalité cette loi n’a pas de caractère absolu et ne s’applique même pas à tous les aluns.

L’alun cristallise soit sous forme d’octaèdres lorsque le dépôt a lieu à partir d’une solution neutre, soit sous forme de cubes ou alun de Rome, lorsque la solution mère est rendue basique par dissolution d’un excès d’alumine. Le passage d’une forme à l’autre est aisé et des octaèdres plongés dans une solution basique se transforment en cubes. Par évaporation très lente échelonnée sur plusieurs années à la température ordinaire, des cristaux énormes pesant parfois plusieurs kilogrammes ont été préparés. La «syncristallisation» est mise en évidence en plongeant successivement un cristal d’alun ordinaire dans une solution saturée d’alun de chrome violet et dans sa solution mère incolore; le cristal se recouvre alternativement de couches de chacun des deux aluns.

L’étude radiocristallographique des aluns, grâce à la diffraction des rayons X, a montré que si la forme cristalline est toujours la même et le système cristallin toujours cubique, trois variétés de structures existent néanmoins. La structure cubique est imposée par les atomes métalliques qui constituent un réseau du type chlorure de sodium. Les cations MeI et MeIII occupent des positions équivalentes aux ions Cl- et Na+ et la maille élémentaire mesure 1,213 nm d’arête dans le cas de l’alun ordinaire; chacun des huit cubes élémentaires contient un groupe sulfate et chaque ion métallique, qu’il soit mono- ou trivalent, est entouré de six molécules d’eau. La taille des ions trivalents est dans presque tous les cas comprise entre 0,057 et 0,070 nm tandis que les ions monovalents sont de volume très variable; ce sont ces derniers qui déterminent les trois classes d’aluns. La structure 見 correspond aux ions MeI de taille moyenne, comme K+ (r = 0,133 nm) et NH4+; la structure 塚 est liée aux ions MeI de petite taille, comme Na+ (r = 0,098 nm); la structure 廓, qui apparaît lorsque l’ion monovalent est gros, dans le cas du césium ou des dérivés ammonium quaternaires organiques (r NH3CH3+ = 0,180 nm), est un peu plus complexe et l’ion Cs+, par exemple, est lié non seulement à six molécules d’eau mais aussi à six atomes d’oxygène des groupes sulfates.

En général, seuls les aluns de même type «syncristallisent», ce qui permet de séparer sous forme d’alun le rubidium (alun 見) du césium (alun 廓), le rhodium de l’iridium ou le gallium de l’indium. Lorsque la taille de l’ion monovalent est à la limite de deux types de structure, la taille de l’ion trivalent peut jouer un rôle; ainsi l’alun de rubidium-aluminium cristallise dans le type 見 alors que l’alun de rubidium-chrome est de type 廓.

2. Propriétés des aluns

Tous les aluns fondent dans leur eau de cristallisation à des températures variables mais inférieures à 120 0C. L’alun ordinaire fond à 92,5 0C et sa dissolution dans l’eau se fait avec absorption de 41,8 kilojoules par mole; sa solubilité varie énormément avec la température, de 29,5 g par litre à 0 0C à 84 g par litre à 30 0C pour atteindre 1 540 g à 100 0C. Il est insoluble dans l’alcool. Les solutions aqueuses ne contiennent que des ions libres, non associés; elles ont une réaction acide faible: les aluns ne sont pas des complexes. L’alun fondu dans son eau de cristallisation, puis refroidi, prend l’aspect d’une masse vitreuse ou alun de roche; dès 100 0C il se déshydrate lentement, la perte d’eau est rapide à 200 0C, et le résidu boursouflé ou champignon d’alun n’est qu’un mélange des deux sulfates anhydres. Les aluns correspondant aux ions monovalents les plus petits sont instables à la température ordinaire; l’alun de lithium-aluminium n’est stable qu’à température inférieure à 0 0C et celui de sodium s’effleurit à l’air.

3. Préparation

L’alun d’aluminium et l’alun de fer étaient connus des Anciens et Pline les cite dans son Histoire naturelle . Très tôt l’industrie de l’alun fut une source de profit considérable pour la Turquie d’où il fut d’abord importé; plus tard, on trouva en Italie les minéraux nécessaires à sa fabrication et le pape tenta d’établir un monopole. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la technique évolua peu; les sources naturelles étaient l’alunite, sulfate basique double de formule KAl3(SO4)2(OH)6, qui apportait à la fois le sulfate de potassium et l’aluminium; de nombreux dépôts de schistes pyriteux étaient également exploités et l’impureté principale était le fer. Ces produits bruts étaient calcinés vers 500 0C afin de ne pas perdre d’anhydride sulfurique. Par dissolution du résidu dans l’eau, une partie de l’alumine en excès précipite et la solution basique évaporée laisse déposer l’alun de Rome sous forme de cubes.

Au milieu du XIXe siècle, l’acide sulfurique devient un produit industriel courant et l’alumine en excès peut être dissoute; le gain de matière première est voisin de 30 p. 100. Le stade ultime de l’évolution de ces procédés de préparation consiste à attaquer l’alumine Bayer pure [cf. ALUMINIUM] par de l’acide sulfurique et à additionner la solution obtenue de sulfate de potassium en quantité calculée.

4. Utilisations

On utilisa largement l’alun tant qu’il fut le plus facile à purifier; mais l’industrie moderne de l’aluminium et de ses composés fabrique du sulfate pur qui a pris progressivement sa place, depuis que la teneur en fer a pu être rendue inférieure à 0,005 p. 100.

L’industrie de la teinturerie est la plus ancienne et la principale utilisatrice d’alun. L’alumine hydratée donne avec de nombreux colorants, souvent à fonction acide, des laques très stables; cette propriété est utilisée dans les techniques de mordançage. Les solutions chaudes d’alun sont fortement hydrolysées et les textiles de laine qu’on y plonge provoquent au sein même de la fibre un dépôt d’alumine qui fixera ultérieurement la teinture ; dans le cas du coton, la précipitation directe d’alumine se fait mal et les fibres sont, au préalable, imprégnées d’une solution basique de soude. La teinte obtenue présente, grâce à cette opération, une excellente résistance au lavage, à la lumière et à l’usure.

L’industrie papetière utilise l’alun dans le lissage et l’encollage du papier qui ont pour but d’en obturer les pores par dépôt de «résinate» d’alumine.

L’alun ordinaire est encore utilisé en tannerie dans la préparation des peaux fines pour la ganterie; il s’agit d’un tannage de mauvaise qualité: le cuir ainsi obtenu, résistant mal à l’eau, doit être suiffé. L’alun de chrome est le sous-produit des industries utilisant le bichromate de potassium comme agent oxydant; il trouve également des débouchés en tannerie dans le tannage au chrome.

Encyclopédie Universelle. 2012.