ruminer [ rymine ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1350 fig.; lat. ruminare
1 ♦ (1380; a éliminé ronger) Mâcher de nouveau (des aliments revenus de la panse), avant de les avaler définitivement (en parlant des ruminants). ⇒ régurgiter. Les vaches ruminent l'herbe. — Absolt Les vaches « ruminant lentement, clignaient leurs paupières lourdes » (Flaubert ).
2 ♦ Fig. Repasser (une chose) dans son esprit, soumettre plusieurs fois à l'attention (avec une idée de lenteur). ⇒ remâcher, retourner (dans sa tête). Ruminer son chagrin. « Il était homme à ruminer son doute, comme il ruminait autrefois ses opérations commerciales, pendant les jours et les nuits, en pesant le pour et le contre, interminablement » (Maupassant). — Absolt « Qu'as-tu à ruminer ? » (Molière).
● ruminer verbe intransitif (latin ruminare, de rumen, -inis, panse) En parlant de certains animaux, pratiquer la rumination : Les cerfs ruminent. ● ruminer verbe transitif Ramener les aliments de l'estomac dans la bouche pour les mâcher : Les vaches ruminent l'herbe des prés. Tourner et retourner quelque chose dans son esprit : Ruminer une idée. ● ruminer (synonymes) verbe transitif Tourner et retourner quelque chose dans son esprit
Synonymes :
- remâcher
- repasser
- repenser
- revenir sur
ruminer
v. tr.
d1./d Opérer la rumination.
d2./d Fig. Penser et repenser à (qqch), ressasser. Ruminer un dessein.
⇒RUMINER, verbe trans.
A. — 1. PHYSIOL. ANIM. Mâcher une seconde fois un aliment après l'avoir régurgité. Un herbivore ventru qui rumine toute une prairie (DUHAMEL, Conf. min., 1920, p. 69). Son cadavre [d'un homme] engraisse l'herbe que rumine le bœuf, sa cendre amende le sol où puise le froment (ARNOUX, Juif Errant, 1931, p. 223). P. métaph. Arthur se mit à faire les cent pas, ruminant l'herbe tendre de ses sentiments (H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p. 288).
— Empl. abs. Des vaches rousses et blanches (...) ruminaient, couchées de biais dans l'herbe (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 202). V. masure B 2 ex. de Flaubert.
2. P. anal., rare. [Le suj. désigne une pers.] Mastiquer longuement. Au lieu de prendre leur temps et de ruminer chaque morceau, ils avalaient quatre à quatre comme gens affamés (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 150).
B. — Au fig.
1. Qqn rumine qqc.
a) Tourner et retourner quelque chose dans son esprit. Synon. méditer (v. ce mot A). Ruminer un coup, un projet; ruminer une idée. Le candidat se mit à ruminer son plan d'attaque, ses visites, la lettre officielle pour le secrétaire perpétuel (A. DAUDET, Immortel, 1888, p. 161). Il ne ressentait aucun trouble et put ruminer son affaire tout à loisir (AYMÉ, Derr. chez Martin, 1938, p. 146).
♦ Empl. abs. Après avoir bien ruminé, longtemps ruminé (Ac. 1935). Tu vois bien que monsieur l'abbé rumine, lui dit sa femme, ne le trouble donc pas (BALZAC, Employés, 1837, p. 177).
— Ruminer de + inf. Former le projet de faire quelque chose. [Henry James] ruminait d'en interdire la réimpression [d'une œuvre de jeunesse], s'il faisait fortune avec ses comédies (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 166).
b) En partic. Revenir de façon obsessionnelle sur un même thème, une même préoccupation. Synon. remâcher, ressasser. Ruminer des regrets, des scrupules; ruminer sa vie, son passé; ruminer ses ennuis, ses remords, ses soucis, ses souvenirs; ruminer un dilemme, une déception, une vengeance. Il rêvassait encore, remâchait et ruminait ses embêtements, avait hâte de dormir pour oublier (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 141). Le Promeneur solitaire, tout en herborisant, ne s'interrompt guère de ruminer ses chagrins, (...) il revient toujours aux vieilles obsessions de sa vie (MAURIAC, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 119).
— Empl. abs. Ressasser des idées sombres. Synon. broyer du noir. Ils restèrent à ruminer pendant trois semaines, sans rien faire (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 4). « Sors! au lieu de ruminer », conseillait Lecouvreur (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 242).
♦ PSYCH. Être en proie à la rumination mentale. Plus les malades ruminent, moins ils ont de mouvements d'agitation (JANET, Obsess. et psychasth., t. 1, 1903, p. 237).
2. Qqn rumine sur qqc. Réfléchir longuement sur quelque chose. Synon. méditer (à/sur qqc.). La Charte, sur laquelle il venait de ruminer, offrait à son ambition la magnifique voie de la Députation (BALZAC, Vieille fille, 1836, p. 284).
REM. 1. Rumineur, -euse, subst. Personne qui rumine (supra B 1 a). Il appelait à pleine voix son petit ou son grand ami, que, le plus souvent (...) il surprenait couché, languissant (...). « Rumineur, qu'as-tu, qu'as-tu, qu'as-tu donc enfin? » (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 149). 2. Rumineux, -euse, subst., pop. Personne qui est en proie à une idée fixe, à une obsession. La bande immonde des rumineux (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 452).
Prononc. et Orth.:[], (il) rumine [-min]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Déb. XIIIe s. « réfléchir longuement sur une chose » (Ste Julienne, 828 ds T.-L.); 2. 1328 « (de certains animaux) remâcher les aliments à demi-mâchés » (Propriétés des choses, II, 10, 14, ibid.). Empr. au lat. ruminare « ruminer » et par suite « répéter, remâcher », dér. de rumen « premier estomac des ruminants ». Ruminer a éliminé au sens propre l'a. fr. rongier (v. ronger). Fréq. abs. littér.:387. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 342, b) 666; XXe s.: a) 642, b) 608. Bbg. QUEM. DDL t. 6.
ruminer [ʀymine] v. tr.
ÉTYM. 1530, fig.; lat. ruminare; a éliminé au sens 1. le verbe ronger.
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1 (Sujet n. d'animal ruminant). Mâcher de nouveau des aliments revenus de l'estomac (⇒ Régurgitation) avant de les avaler définitivement. ⇒ Remâcher. || Les bœufs, les vaches ruminent l'herbe. — Absolt. || Animaux qui ruminent. ⇒ Ruminant.
1 (…) les vaches, un jarret replié, étalaient leur ventre sur le gazon, et, ruminant lentement, clignaient leurs paupières lourdes (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, VIII.
2 (1372). Sujet n. de personne. Repasser (une chose) dans son esprit, soumettre plusieurs fois et lentement à l'attention. ⇒ Méditer, remâcher, ressasser, retourner, tourner (dans sa tête)… || Ruminer son chagrin, ses ennuis (cit. 4). ⇒ Dévorer (fig.). || Ruminer un plan (→ Phrase, cit. 11), un projet. ⇒ Machiner. || Ruminer sa leçon. ⇒ Apprendre, repasser. — Repenser longuement à, avec complaisance ou nostalgie. || Ruminer son bonheur (→ Chair, cit. 56; 1. court, cit. 14).
2 J'épuise en quelque façon mon malheur d'avance; plus j'ai souffert à le prévoir, plus j'ai de facilité à l'oublier; tandis qu'au contraire, sans cesse occupé de mon bonheur passé, je le rappelle et le rumine, pour ainsi dire, au point d'en jouir derechef quand je veux.
Rousseau, les Confessions, XI.
3 (…) il était homme à ruminer son doute, comme il ruminait autrefois ses opérations commerciales, pendant les jours et les nuits, en pesant le pour et le contre, interminablement.
Maupassant, l'Inutile Beauté, « L'épreuve », II.
4 Il ruminait jour et nuit les passe-droits dont il se prétendait victime (…)
Gide, Journal, 1er août 1930.
♦ (1600). Absolt (ou intransitif).
5 — Si, dit Yoland à Lucet, on se cotisait pour lui offrir une tévé pour son anniversaire, ça empêcherait son cerveau de ruminer.
R. Queneau, les Fleurs bleues, p. 66.
6 On ruminait, on ne pensait plus (…)
Brice Parain, De fil en aiguille, p. 145.
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DÉR. Ruminant, rumination, ruminement.
Encyclopédie Universelle. 2012.