GAÏA
GAÏA
Dans la Théogonie d’Hésiode, Gaïa, la Terre, «aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants», est nommée aussitôt après le Chaos et immédiatement avant Éros ou le Tartare. Elle est donc l’élément primordial, d’où naquirent les races divines. C’est d’abord sans l’aide d’aucun élément mâle qu’elle engendra Ouranos, «égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière», ainsi que les «hautes montagnes, plaisant séjour des déesses», et Pontos, personnification masculine de «la mer inféconde aux furieux gonflements». Alors seulement, unie à Ouranos, elle enfanta des dieux et des déesses proprement dits. Vinrent d’abord les six Titans: Océan, Coéos, Crios, Hypérion, Japet et Cronos; et les six Titanides: Théia, Rhéa, Thémis, Mnémosyne, Phoebé et Thétis; puis les trois Cyclopes: Argès, Stéropès et Brontès; enfin les Géants aux cent bras, les trois Hécatonchires: Cottos, Briarée et Gygès. «C’étaient donc de terribles fils que ceux qui étaient nés d’Ouranos et de Gaïa, et leur père les avait en haine [...]. À peine étaient-ils nés qu’au lieu de les laisser monter à la lumière, il les enfouissait tous dans le sein de Gaïa.» Ainsi s’explique la révolte de celle-ci, qui créa le «blanc métal d’acier» pour en faire une grande serpe et demanda à ses enfants de la venger. Tous se récusèrent, sauf le plus jeune, «le grand Cronos aux pensers fourbes». Écoutons Hésiode (Théogonie , trad. Mazon, 1972): «Et le grand Ciel vint, amenant la nuit; et, enveloppant Terre, tout avide d’amour, le voilà qui s’approche et s’épand en tous sens. Mais le fils, de son poste, étendit la main gauche, tandis que, de la droite, il saisissait l’énorme, la longue serpe aux dents aiguës; et, brusquement, il faucha les bourses de son père, pour les jeter ensuite, au hasard, derrière lui. Ce ne fut pas pourtant un vain débris qui lors s’enfuit de sa main.» Des éclaboussures de sang qui rejaillirent sur elle, Gaïa fut en effet fécondée, et c’est ainsi qu’avec le cours des années naquirent les Érinyes, les Géants, les Nymphes dites Méliennes (ou Nymphes des grèves, mères de la race humaine selon certaines cosmogonies). Une fois libérée d’Ouranos, Gaïa s’unit à l’autre enfant qu’elle avait conçu seule, Pontos, et eut encore Nérée, Thaumas, Phorcys, Céto et Eurybie (cinq divinités marines). Elle dut cependant bientôt se retourner contre Cronos, qui n’avait pas hésité à enfermer ses frères dans le Tartare et à dévorer les petits-enfants dont Rhéa l’avait pourvue. C’est pourquoi, lorsque celle-ci fut grosse de Zeus et alla chercher conseil auprès de ses parents réconciliés, Gaïa décida de cacher l’enfant dans une caverne profonde et de lui substituer une pierre enveloppée de langes pour calmer la voracité de Cronos. Plus tard, elle aida Zeus dans sa lutte contre son père en lui révélant que seule une alliance avec les Titans, possesseurs de la foudre, du tonnerre et de l’éclair, lui donnerait la victoire. Pourtant elle ne se rallia pas entièrement à Zeus: offensée de la défaite de ses enfants, les Hécatonchires, elle s’unit à Tartare et conçut de ses œuvres le monstre Typhon, qui déclara la guerre aux dieux et les tint longtemps en échec. Avec Tartare également, elle eut un autre monstre, Échidna. Dans d’autres théogonies, Gaïa se voit attribuer la maternité de nombreux autres êtres monstrueux (par exemple: Antée, Charybde, les Harpyes, Python, le dragon qui gardait la Toison d’or): tout ce qui est monstrueux ne peut être aux yeux des Grecs qu’issu de la Terre, du cycle infernal de la vie et de la mort, de la génération et de la corruption, bref de la nécessité; à quoi s’opposent, en une lutte toujours renaissante, les forces de la lumière et de la liberté, de l’esprit et de l’art, forces porteuses d’un Monde, sur la Terre mais contre elle; forces par lesquelles l’homme acquiert l’immortalité en brisant le cycle, immortel lui aussi, de la nature, et que magnifient les Olympiens.
Gaia ou Gê
Encyclopédie Universelle. 2012.