HOSPITALITÉ
HOSPITALITÉ
Dans le monde antique, à l’origine, lorsque l’individu est encore peu protégé par les lois, l’hospitalité est un devoir fondamental et sacré. En Grèce, l’étranger qui demande asile est toujours accueilli comme un envoyé des dieux, sinon comme une divinité en personne. Les poèmes homériques font de fréquentes allusions à l’hospitalité. On est tenu de donner un repas à l’hôte, de le faire asseoir devant le foyer, de lui fournir une couche. À mesure que le droit public se développe, l’hospitalité entre dans les lois de la cité grecque. On reçoit les exilés d’une autre ville; on accueille les étrangers venus pour les fêtes religieuses ou bien les membres d’une colonie qui a gardé des liens avec la métropole qui l’a fondée. Par la proxénie, on oblige certains citoyens d’une ville à fournir le gîte et le couvert aux étrangers. L’établissement des relations internationales étend la notion d’hospitalité aux étrangers d’outre-mer, qu’ils soient commerçants, ambassadeurs ou diplomates. Ceux-ci sont protégés par des lois spéciales et possèdent leurs propres tribunaux et magistrats. À Rome la pratique de l’hospitalité n’est guère différente de celle qui existe en Grèce, mais elle revêt un caractère plus officiel et plus juridique. En accueillant son hôte, le Romain lui remet la moitié d’un objet, généralement une tête de poisson ou une tête de bélier en terre cuite, et garde l’autre moitié. Ainsi sont scellés par ce geste et par ce symbole un pacte et l’attachement de deux personnes. Sur ces objets sont gravés les noms des contractants. L’hospitalité publique est aussi régie par des conventions internationales, des traités d’amitié ou d’alliance qui ont pour objet de sauvegarder la liberté et les biens des étrangers à Rome. Mais les Romains ont ajouté l’hospitalité militaire qui donne la possibilité aux soldats de loger chez l’habitant, tandis qu’est dressée la liste des personnes dispensées d’accorder cette forme d’hospitalité.
Pour tenter de limiter ou d’arrêter les invasions barbares, ou du moins pour conjurer leurs périls, les empereurs romains avaient accueilli sur les terres frontalières de l’Empire un certain nombre de barbares. En échange ceux-ci devaient défendre les champs et les bois qui leur étaient concédés. Après la déposition de Romulus Augustulus par le chef des Hérules Odoacre en 476, et au moment où Théodoric à la fin du Ve siècle s’installe sur les ruines de Rome, cette coutume, loin de disparaître, est renforcée. Le barbare partage alors avec le Romain les terres et leurs revenus et les deux propriétaires sont liés par des lois d’hospitalité, d’aide, de défense et de sauvegarde mutuelles. Pourtant, peu à peu, ces liens d’hospitalité se distendent à mesure que s’accroissent les incertitudes politiques. Dans les faits, chaque terre est partagée entre les deux anciens propriétaires et l’hospitalité souvent fait place à la rivalité.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que hospes et hostis signifiaient tous deux, à l’origine, l’étranger. Ce n’est qu’au terme d’une évolution que le mot hostis désigna l’ennemi.
hospitalité [ ɔspitalite ] n. f.
• fin XIIe; lat. hospitalitas
1 ♦ Vx Charité qui consiste à recueillir, à loger et nourrir gratuitement les indigents, les voyageurs dans un établissement prévu à cet effet (hospice).
2 ♦ Antiq. Droit réciproque de trouver logement et protection les uns chez les autres.
3 ♦ (XVIIIe) Cour. Libéralité qu'on exerce en recevant qqn sous son toit, en le logeant gratuitement (⇒ hôte). Donner, offrir l'hospitalité à qqn. Demander, accepter, recevoir l'hospitalité (⇒ abri, asile, logement, refuge) . L'hospitalité traditionnelle des nomades.
♢ Par ext. Action de recevoir chez soi, d'accueillir avec bonne grâce. ⇒ accueil, réception. Merci de votre aimable hospitalité.
● hospitalité nom féminin (latin hospitalitas, -atis) Action de recevoir et d'héberger chez soi gracieusement quelqu'un, par charité, libéralité, amitié : Offrir l'hospitalité à quelqu'un. Générosité, bienveillance, cordialité dans la manière d'accueillir et de traiter ses hôtes : Un peuple connu pour son hospitalité. Asile accordé à quelqu'un, à un groupe par un pays : Donner l'hospitalité à des réfugiés politiques. ● hospitalité (citations) nom féminin (latin hospitalitas, -atis) Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, Bon souper, bon gîte et le reste ? Fables, les Deux Pigeons Louis Massignon Nogent-sur-Marne 1883-Paris 1962 Toute la révolte de l'Asie contre l'Europe provient de notre méconnaissance du droit sacré d'asile et d'hospitalité. Opera minora Centre de documentation scolaire ● hospitalité (synonymes) nom féminin (latin hospitalitas, -atis) Générosité, bienveillance, cordialité dans la manière d'accueillir et de traiter...
Synonymes :
- accueil
hospitalité
n. f.
d1./d Libéralité qu'on exerce en logeant gratuitement un étranger. Demander l'hospitalité.
d2./d Fait d'accueillir chez soi généreusement, aimablement. Avoir le sens de l'hospitalité.
⇒HOSPITALITÉ, subst. fém.
A. — ANTIQ. Droit réciproque pour ceux qui voyageaient de trouver, selon des conventions établies entre des particuliers, des familles, des villes, gîte et protection les uns chez les autres. Les devoirs, le droit, la loi de l'hospitalité. Mais les Romains ne violèrent jamais l'hospitalité : Sylla trouva un asile dans la maison de Marius (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 142) :
• 1. Jupiter était le dieu de l'hospitalité; c'est de sa part que venaient les étrangers, les suppliants, « les vénérables indigents », ceux qu'il fallait traiter « comme des frères. »
FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 155.
B. — Vieilli
1. Accueil, hébergement des pèlerins, des voyageurs, des indigents dans des maisons hospitalières. (Ds ROB., Lar. Lang. fr.).
2. ,,Obligation où étaient certaines abbayes de recevoir les voyageurs`` (Ac.). En général, les monastères étoient des hôtelleries où les étrangers trouvoient en passant le vivre et le couvert. Cette hospitalité, qu'on admire chez les Anciens, (...) étoit en honneur chez tous nos religieux (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 549).
C. — Action de recevoir chez soi l'étranger qui se présente, de le loger et de le nourrir gratuitement. Il n'est besoin d'emporter avec soi ni armes, ni provisions, ni argent; l'hospitalité vous est offerte partout, cordiale et gratuite (LOTI, Mariage, 1882, p. 123). Cette hospitalité tout espagnole, généreuse et sans réserve, m'est offerte par un homme que je connaissais à peine (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 310) :
• 2. Aucun peuple n'a porté plus loin l'hospitalité que les anciens Écossais : chaque souverain avait dans son palais une salle des fêtes; tous les étrangers y étaient admis sans distinction.
BAOUR-LORMIAN, Ossian, 1827, p. 27.
• 3. ... de tous les coins de France, des caravanes s'acheminaient vers ce château où les artistes, les poètes, les savants trouvaient une hospitalité princière, une aise bon enfant, des dons de bienvenue et des largesses de départ.
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 78.
SYNT. a) Hospitalité des montagnards, des paysans; aimable, bonne, charmante hospitalité; demander, proposer, refuser l'hospitalité à qqn; accepter, exercer, pratiquer l'hospitalité; remplir le devoir de l'hospitalité; remercier qqn de son hospitalité; donner l'hospitalité à qqn pour la nuit. b) [P. réf. aux traditions de l'hospitalité] Salut d'hospitalité; repas, sel de l'hospitalité; rompre le pain de l'hospitalité.
— P. ext. Action de recevoir chez soi une ou plusieurs personnes de sa connaissance. Jamais non plus je n'oublierai votre maison de la rue de Grammont, l'exquise hospitalité que j'y trouvais, ces dîners du mercredi, qui étaient une vraie fête dans ma semaine (FLAUB., Corresp., 1856, p. 127). Madame de La Sablière est surtout connue pour avoir accordé à La Fontaine une hospitalité gracieuse (...). La maison de madame de La Sablière était l'hôtellerie des savants (A. FRANCE, Vie littér., 1892, p. 325).
— P. métaph. Il y a des moments où on a besoin de sortir de soi, d'accepter l'hospitalité de l'âme des autres (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 144).
D. — Asile, protection accordée à un exilé, à un réfugié. Tu sais, tu es hors la loi, mais il y a une maison où je t'offre l'hospitalité et où tu seras en sûreté (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1185). C'est sous une inspiration à la fois généreuse et calculée que l'Angleterre offrait l'hospitalité à ces états réfugiés (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 82) :
• 4. Il oublie qu'il m'a probablement sauvé la vie en m'accordant un asile à une époque où l'hospitalité passait en France pour le plus grand des crimes.
JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 284.
E. — Générosité de cœur, sociabilité qui dispose à ouvrir sa porte, à accueillir quelqu'un chez soi, étranger ou non. Un cœur plein de bienveillance et d'hospitalité. Notre voyage dans la Turquie d'Europe, chez les Bulgares et chez les Serviens, a été, de la part des Turcs, des Bulgares et des Serviens, un enchaînement continuel de prévenances, d'hospitalité, de bontés inexprimables (LAMART., Corresp., 1833, p. 343).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « hébergement gratuit des étrangers, pélerins, indigents » (Dial. S. Grégoire, 127, 6 ds T.-L.); 2. 1538 antiq. (EST. ds FEW t. 4, p. 498 b). Empr. au lat. hospitalitas « action de recevoir comme hôte, liens d'hospitalité, rapports entre les hôtes » à l'époque class.; « droit de gîte » à l'époque médiév. ([863] XIe s. ds NIERM.). Fréq. abs. littér. : 913. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2237, b) 1833; XXe s. : a) 918, b) 438.
hospitalité [ɔspitalite] n. f.
ÉTYM. V. 1206, au sens 1; lat. hospitalitas, de hospitalis « d'hôte, hospitalier », de hospis « hôte ».
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1 Vx. Charité qui consiste à recueillir, à loger et nourrir gratuitement les indigents, les voyageurs dans un établissement prévu à cet effet (⇒ Hôpital, 1.; hospice, 2.; hospitalier, I.). || « Les hôpitaux et maladreries où l'hospitalité n'était point gardée » (Furetière, 1690).
♦ Obligation où étaient certaines abbayes de recevoir les voyageurs. || Il y avait hospitalité dans telle abbaye (Académie).
2 (1538, R. Estienne). Didact. (Dans l'antiquité). Droit réciproque de trouver logement et protection les uns chez les autres. || L'hospitalité, institution de l'antiquité grecque et latine. || Hospitalité entre les personnes, les familles, les villes. || Droit d'hospitalité entre deux villes. || Violer l'hospitalité, les droits, les lois de l'hospitalité. || « Pâris viola l'hospitalité en ravissant Hélène, la femme de son hôte » (Furetière, Dict.).
1 (…) les anciens croyaient que toute nourriture préparée sur un autel et partagée entre plusieurs personnes établissait entre elles un lien indissoluble et une union sainte (…) Cette même opinion est le principe de l'hospitalité antique. Il n'est pas de notre sujet de décrire cette curieuse institution. Disons seulement que la religion y eut une grande part. L'homme qui avait réussi à atteindre le foyer ne pouvait plus être regardé comme un étranger (…) Celui qui avait partagé le repas sacré était pour toujours en communauté religieuse avec son hôte (…)
Fustel de Coulanges, la Cité antique, III, 1.
3 (1530). Cour. Le fait de recevoir quelqu'un chez soi en le logeant éventuellement, en le nourrissant gratuitement (⇒ Hôte).
♦ Exercer, pratiquer l'hospitalité, l'hospitalité envers quelqu'un (→ Commande, cit. 5). || Donner, offrir l'hospitalité à quelqu'un. ⇒ Abriter, accueillir, héberger, loger, recevoir, traiter (→ Partager le pain et le sel). || Demander, accepter, recevoir l'hospitalité (⇒ Abri, asile, logement, refuge). || Exilé qui reçoit l'hospitalité d'un pays. || Abuser de l'hospitalité de qqn. || Avoir le sens de l'hospitalité. || Maison où l'on pratique une large, une généreuse hospitalité. → La maison du Bon Dieu. || Hospitalité affable, amicale, cordiale (→ Cordialité, cit. 3). || L'hospitalité traditionnelle des musulmans. || Pays, terre de l'hospitalité (→ Ensanglanter, cit. 5).
2 (Une magnificence) que ce patriarche (Abraham) faisait paraître principalement en exerçant l'hospitalité envers tout le monde.
Bossuet, Histoire universelle, I, 3.
3 Les femmes nous servirent un repas. L'hospitalité est la dernière vertu restée aux sauvages au milieu de la civilisation européenne; on sait quelle était autrefois cette hospitalité; le foyer avait la puissance de l'autel.
Lorsqu'une tribu était chassée de ses bois, ou lorsqu'un homme venait demander l'hospitalité, l'étranger commençait ce qu'on appelait la danse du suppliant; l'enfant touchait le seuil de la porte et disait : « Voici l'étranger ! » Et le chef répondait : « Enfant, introduis l'homme dans la hutte. » L'étranger, entrant sous la protection de l'enfant, s'allait asseoir sur la cendre du foyer.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 296.
4 La célèbre bibliothèque d'Alexandrie n'était ouverte qu'aux savants ou aux poètes connus par des ouvrages d'un mérite quelconque. Mais aussi l'hospitalité y était complète, et ceux qui venaient y consulter les auteurs étaient logés et nourris gratuitement pendant tout le temps qu'il leur plaisait d'y séjourner.
Nerval, les Filles du feu, « Angélique », I.
♦ Action de recevoir chez soi, d'accueillir avec bonne grâce. || Je vous remercie de l'hospitalité que vous m'avez donnée, de l'hospitalité que j'ai reçue chez vous (Académie). ⇒ Accueil, réception. || Merci de votre aimable hospitalité.
5 Vous êtes bien bon de m'offrir dans votre Bretagne une hospitalité qu'il me serait si doux d'accepter.
Sainte-Beuve, Correspondance, 329, 16 nov. 1833, t. I, p. 397.
Encyclopédie Universelle. 2012.