MASANOBU (KANO)
Dans la seconde moitié du XVe siècle, le Japon fut le théâtre des rivalités des grandes familles guerrières, et le sh 拏gun Ashikaga Yoshimasa n’eut pas l’autorité nécessaire pour les apaiser. Les luttes de la période 牢nin (1467-1477) ravagèrent Ky 拏to, qui vit disparaître de nombreux édifices anciens. Sans se préoccuper des souffrances des habitants de la capitale, le sh 拏gun, esthète et mécène, négligeait ses devoirs politiques. Un important commerce avec la Chine et avec la Corée lui fournissait peintures et objets d’art.
En 1474, ayant abdiqué en faveur de son fils, Yoshimasa se retira au pavillon d’Argent (Ginkaku-ji) qu’il avait fait bâtir au pied des collines de l’Est (Higashiyama). C’est alors que fleurit la culture dite de Higashiyama, synthèse des goûts des moines zen et de ceux de la cour impériale. Le sh 拏gun s’entoure de moines, savants, poètes et peintres, d’acteurs de n 拏, fait appel à Geiami, maître jardinier, à N 拏ami et S 拏ami qui classent ses collections. Son peintre officiel aurait alors été Kan 拏 Masanobu.
Le fondateur d’une lignée
Depuis l’époque Kamakura, les monastères zen avaient été les grands centres de création de la peinture à l’encre (suibokuga ), technique nouvelle venue de Chine. Les œuvres des maîtres Song et Yuan inspiraient les moines qui peignaient des kakemono (rouleaux en hauteur à la mode chinoise). Au début du XVe siècle, Sh bun puis son élève Oguri S 拏tan (1413-1481), peintres officiels des sh 拏gun (g 拏y 拏 eshi), transposèrent les thèmes chinois (paysages et peintures de fleurs et d’oiseaux) sur les grandes surfaces des paravents et des portes à glissière des résidences seigneuriales. Mais les compositions moins denses ont tendance à perdre leur profondeur; une fois de plus, la peinture chinoise commence à se japoniser. Kan 拏 Masanobu semble avoir accentué cette tendance dans un art plus extérieur et plus décoratif.
On sait fort peu de choses sur ce fondateur d’une lignée qui devait, jusqu’en 1868, se maintenir au sommet de la peinture officielle. Dans les Honch 拏 gashi , rédigés à la fin du XVIIe siècle par Kan 拏 Ein 拏, fils de Sansetsu, la biographie de Masanobu reste sommaire. Né en 1434 dans une famille guerrière de Kan 拏, dans la péninsule d’Izu, il aurait été initié à la peinture à l’encre (kanga ) par son père Kanenobu. On peut supposer que ce dernier avait connu les artistes de l’école de Kamakura où, dès le XIIIe siècle, avaient été apportées de nombreuses œuvres chinoises de l’époque Song ainsi que le prouve le Butsu-nichi-an komotsu mokuroku , catalogue des trésors déposés au monastère zen de l’Enkakuji par H 拏j 拏 Yokimune (1251-1284).
Bien que disciple de la secte de Nichiren à laquelle ses descendants devaient rester fidèles, Masanobu fut accueilli, vers le milieu du XVe siècle, au Sh 拏koku-ji de Ky 拏t 拏, monastère zen fondé en 1282 par Ashikaga Yoshimitsu, qui jouissait de la faveur des sh 拏gun. De nombreux moines-peintres s’y étaient formés, parmi lesquels J 拏setsu, Sh bun et Oguri S 拏tan.
Masanobu semble avoir obtenu la protection de Kikei, abbé du Unch 拏-in (dépendance du Sh 拏koku-ji) qui avait la charge de tenir le registre des allées et venues des moines, ainsi que des comptes et des commandes shogunales. C’est dans ce registre, le Onry 拏ken jitsu roku , que l’on trouve en l’année 1463 la première mention de Masanobu, auteur d’une Kannon et de dix rakkan (arhat ) destinés à orner l’oratoire de Kikei.
On ignore la date de l’entrée de l’artiste dans l’atelier du sh 拏gun Yoshimasa en qualité de doboshu , peintre laïc, où il retrouva N 拏ami et Soami (adeptes de la secte amidiste Ji), grands connaisseurs de peinture chinoise et chargés d’établir le catalogue des collections de leur maître.
Au reste, les guerres d’ 牢nin ne tardèrent pas à éclater, entraînant l’exode des artistes qui fuirent la capitale.
Publié en 1934 par le K 拏fukuji, le Gison dais 拏 shoki (registre du moine Gison du Daij 拏-in) signale la mort de N 拏ami au Hasedera, proche de Nara et la présence dans cette ville de Masanobu ainsi que celle du tenka e-dokoro , c’est-à-dire Tosa Mitsunobu, chef de l’atelier de la cour impériale. On peut supposer que, dès ce moment, eut lieu une rencontre entre ces deux peintres.
S’établissant vers 1474-1478 au Higashiyama, Yoshimasa, pour orner sa nouvelle résidence, fit appel à ses artistes familiers. Il avait pour habitude de choisir le style dans lequel devaient être traités les décors qu’il leur demandait. C’est ainsi qu’en 1483, Masanobu orna les sh 拏ji du Jod 拏-ji de vues des lacs Xiao et Xiang à la manière de Mu-xi et de Yu-jian tandis que Ma Yuan lui servit de modèle pour le Seishi-an et pour le Tokyud 拏 (1487) où il exécuta dix portraits de moines célèbres. Pour le même bâtiment, devant représenter l’entrée du Buddha dans le Nirvana (Butsu nehan ), il s’inspira de l’œuvre célèbre de Minch 拏 (1352-1431), conservée au T 拏fukuji.
Ainsi, grâce aux collections du sh 拏gun cataloguées par S 拏ami dans Kundaikan sau ch 拏ki , il eut l’occasion d’acquérir une connaissance approfondie de techniques très diverses et il est très probable qu’il put, en copiant des œuvres chinoises, réunir toute une série de modèles ou fumpon qu’il dut transmettre à ses descendants. Il fit également le portrait du sh 拏gun, de son épouse Hino no Tomiko, de son fils Yoshitora (1465-1489) ainsi que celui de son protecteur Kikei et de son successeur Kisen Waj 拏, exécuté à sa demande quatre jours avant son décès. Or, ces portraits étaient traités dans le style officiel apparu à la cour impériale dès l’époque Kamakura (nise-e ), ce qui semble indiquer une influence des Tosa.
Fut-il, après la mort d’Oguri S 拏tan (1481), le peintre officiel du sh 拏gun? Cela semble probable. Toujours est-il que sa renommée lui attira une nombreuse clientèle parmi l’aristocratie guerrière de l’entourage du sh 拏gun. Lors du décès de ce dernier en 1490, il obtint la protection des Hosokawa, rivaux des Ashikaga dans leur désir de s’assurer le monopole du commerce avec la Chine des Ming. Il fit pour ceux-ci de nombreux décors, tous disparus, comme ceux qui ont été énumérés précédemment. L’ampleur de ses travaux incite à penser qu’il s’assura l’aide d’un important atelier, exemple que devaient suivre ses descendants. C’est dans ce sens que les historiens d’art actuels le considèrent comme le véritable fondateur de sa lignée.
L’influence Ming
On attribue à Kan 拏 Masanobu un kakemono représentant un thème chinois, Zhou Maoshu admirant les lotus en fleur , peinture à l’encre rehaussée de couleurs à l’eau, très transparentes. La composition en «un coin», à la mode de Ma Yuan, peintre académique des Song du Sud, évoque plutôt les œuvres Ming de l’école de Zhi, dans laquelle se perpétue la tradition Song. Dans la partie droite, un grand arbre aux ramures vertes abrite la nappe d’eau bleutée d’une rivière sur laquelle se détache la barque de Zhou Maoshu. Ce dernier porte un vêtement vert et rose aux manches rehaussées de rouge et son serviteur un costume blanc. Dans les lointains, des brouillards laissent transparaître un bois de pins et des collines. L’œuvre porte le cachet en forme de gourde que l’on retrouve chez ses successeurs et qui y fut peut-être apposé plus tardivement. Il en est de même pour le H 拏tei, qui fait montre d’un réalisme dépourvu de la spiritualité des maîtres zen, en même temps que d’une grande habileté dans le maniement de l’encre. On y remarque une inscription d’un moine qui vécut de 1440 à 1518. Le paravent à six feuilles du Shinj an, au Daitokuji de Ky 拏to, s’inspire aussi des peintures de fleurs et d’oiseaux de l’école de Zhi (katch 拏-e ). La grue blanche parmi les rochers et les bambous semble annoncer dans une composition moins savante les créations de Motonobu, le fils du peintre.
Encyclopédie Universelle. 2012.