ROMAINS (J.)
ROMAINS LOUIS FARIGOULE dit JULES (1885-1972)
Né dans le Velay, venu enfant à Paris, Jules Romains est reçu à l’École normale supérieure en 1905 et à l’agrégation de philosophie en 1909. Il enseigne pendant dix ans, mais depuis 1903 il a parallèlement une activité littéraire importante et il devient vite le représentant le plus brillant de l’unanimisme, doctrine qui marque toute son œuvre. Il l’exprime d’abord dans des poèmes, La Vie unanime (1908), où il exalte la solidarité, la communion qui fondent l’existence en groupe et transcendent les émois individuels en une «âme collective». Le poète a pour mission de révéler cette universalité spirituelle que les unanimistes, «groupe fraternel d’artistes», substituent au Dieu des croyants. Dans les recueils suivants, Odes et Prières (1909-1913) et Un être en marche (1910), le volontarisme philosophique reste très discret, comme en arrière-plan de ses descriptions chaleureuses de toutes les activités humaines. En 1913, il publie Les Copains , récit où l’humour vient détendre son ambition réformiste: l’imagination et la fantaisie existent aussi dans les groupes. Son théâtre, qui connaîtra un large succès entre 1920 et 1930, s’inspire de cette même veine satirique; Knock ou le Triomphe de la médecine (1923) et Donogoo (1930), ses deux pièces les plus jouées, sont des farces souvent proches du «canular». Cependant, la critique de la médecine, avec Knock , de la science, avec Donogoo , reste très actuelle et sérieuse. Pendant la même décennie, Jules Romains élabore le monumental projet des Hommes de bonne volonté : vingt-sept volumes publiés entre 1932 et 1946, à Paris, puis à New York, où il passe le début de la guerre avant de rejoindre le Mexique et, enfin, de retourner en France. Les Hommes de bonne volonté sont une fresque simultanéiste de la vie politique et sociale de l’Europe entre 1908 et 1933. Le dessein unanimiste subsiste et Jules Romains entend saisir la vie dans sa totalité; il veut peindre des groupes et non suivre les aventures d’un héros ou accumuler une série de tableaux dont l’unité apparaîtrait par la suite. Rejetant la perspective de La Comédie humaine de Balzac — décrire un monde second, tout à la fois reflet et explication du monde réel —, Jules Romains transporte le lecteur à travers les pays et les activités les plus variés pour un dialogue avec le monde dominé par une constante confiance en la volonté de l’homme. Ni les deux guerres mondiales ni les luttes sociales ne viennent remettre en cause l’humanisme fondamental de Jules Romains et son projet de paix et d’harmonie universelles. N’est-ce pas justement cette inébranlable foi dans le progrès de l’histoire et de la civilisation qui, liant cet immense roman réformateur à l’époque de l’entre-deux-guerres où ces idées dominent, en rend la lecture aujourd’hui difficile? C’est là le problème de toute littérature engagée dont on voit le mal qu’elle éprouve à survivre à la période dont elle rend compte.
Encyclopédie Universelle. 2012.