VIGÉE-LEBRUN (É. L.)
VIGÉE-LEBRUN ÉLISABETH LOUISE (1755-1842)
Dans l’histoire du goût français, Élisabeth Louise Vigée-Lebrun tient la place du peintre des grâces, célèbre pour avoir mis à la mode une image flatteuse, au moral et au physique, de la société de la fin de l’Ancien Régime. L’«amie de la reine», comme l’ont appelée les historiens du XIXe siècle, a pourtant survécu à la civilisation chère aux Goncourt; elle a laissé des Souvenirs , partiellement apocryphes. Née dans un milieu de petits artistes parisiens, elle fréquente les peintres, reçoit les conseils de Doyen et de Greuze surtout: elle en garde l’expression un peu mélancolique de ses figures féminines. Jeune fille fêtée pour ses dons et sa beauté, elle épouse le marchand de tableaux Jean-Baptiste Lebrun. C’est à une femme que cette femme peintre doit le grand succès de sa carrière.
En 1778, elle réalise son premier Portrait de la reine Marie-Antoinette en grande robe de satin blanc (Kunsthistorisches Museum, Vienne), qui est destiné à l’impératrice Marie-Thérèse. L’accueil est enthousiaste, on lui commande des répliques, la reine se plaît à poser pour elle, l’admet dans ses petits appartements et voilà le peintre devenu une confidente! En 1783, elle expose un Portrait de la reine en gaulle mettant en valeur l’éclat du teint et surtout la grâce de la souveraine vêtue d’une simple robe de mousseline et d’un chapeau de paille. C’est le triomphe de la mode, mais certains trouvent scandaleux ce «négligé» peu majestueux et l’on retire du Salon l’ouvrage pour le remplacer par un Portrait en grand habit où la reine tient une rose (musée de Versailles). Cela ne correspond guère aux tendances sévères et nobles des peintres du néo-classicisme, mais la toile a donné de Marie-Antoinette une image universellement connue et reproduite. Avec le temps, le peintre modifie insensiblement les traits de son modèle, arrondit l’ovale du visage, efface les détails un peu lourds du profil pour arriver au grand Portrait de Marie-Antoinette et de ses enfants (1787, musée de Versailles) où, dans le cadre d’apparat, se tiennent une mère et ses enfants, vision douce, un peu isolée, exprimant une sensualité grave, qui se veut une lointaine résonance du Portrait d’Hélène Fourment de Rubens. L’entourage de la reine cherche à être représenté avec ce nouveau «naturel», les dames de la cour deviennent ses amies; la belle Mme Vigée-Lebrun organise des dîners qui rassemblent les célébrités d’un moment.
Le secret d’une telle réussite réside, sans doute, dans une habileté certaine, un coloris agréable, l’«intelligence du cœur». Ne nous dit-elle pas: «je tâchais, autant qu’il m’était possible, de donner aux femmes que je peignais l’attitude et l’expression de leur physionomie; celles qui n’avaient pas de physionomie, on en voit, je les peignais rêveuses et nonchalamment appuyées»? Reflet d’une nouvelle orientation de la sensibilité, contemporaine de Diderot, de Greuze et surtout de Rousseau. Deux toiles du Louvre en sont les meilleurs exemples: La Femme au manchon (Mme Molé-Raymond, 1787) et l’autoportrait avec sa fille (1789). Costumes et modèles sont ceux du David d’avant la Révolution. Mais le sentiment en est plus outré, la technique plus lâche, mièvre. Plus proche des peintres qui montent, comme David ou Vincent, une autre femme, Mme Labille-Guiard, lui dispute la première place de femme peintre. Et ce n’est qu’à la protection royale que Mme Vigée-Lebrun doit d’être admise à l’Académie en 1785. Avec la Révolution commence pour elle le périple des cours de l’Europe monarchique, de l’Italie à l’Autriche et à la Russie. Elle y laisse de nombreux portraits, reflets d’un monde qui se survit. Même son Portrait de Mme de Staël en Corinne , peint en 1808 (musée Rath, Genève), ne suit pas tout à fait les tendances de la peinture contemporaine. La leçon sensible de Greuze s’attarde, sans atteindre au lyrisme d’un Prud’hon.
Encyclopédie Universelle. 2012.