CTÉNAIRES
Faisant suite aux êtres unicellulaires dans l’échelle zoologique on trouve, à la base des animaux pluricellulaires, tout d’abord des Spongiaires, les plus primitifs des Métazoaires, encore sans organes définis, puis le grand groupe des Cœlentérés, qui comprend deux embranchements: les Cnidaires et les Cténaires .
Comme celui des Spongiaires, le corps des Cœlentérés ne possède que deux feuillets principaux: l’ectoderme et l’endoderme. Ce sont des diploblastiques ; le troisième feuillet, le mésoderme, qui existe chez les autres Métazoaires à partir des Cténaires, est remplacé chez les Cœlentérés par une couche intermédiaire, le mésenchyme, fait d’une mésoglée, matière gélatineuse anhiste contenant des cellules émigrées provenant généralement de l’ectoderme. Les Cœlentérés n’ayant pas de mésoderme n’ont pas de cœlome, celui-ci étant une cavité limitée par le mésoderme; ce sont des acœlomates .
Les Cténaires ou Cténophores sont donc, comme les Cnidaires, des diploblastiques, acœlomates, à symétrie bilatérale. Leur cavité interne est une cavité digestive, gastrale, que l’on nomme cavité gastro-vasculaire. Elle communique avec l’extérieur par un orifice unique, servant à la fois de bouche et d’anus.
Ces animaux sont marins, généralement transparents et pour la plupart pélagiques, vivant entre deux eaux ou près de la surface et se déplaçant en grande partie sous l’influence des courants marins. Ils possèdent cependant des organes locomoteurs constants, sous la forme de huit rangées de palettes, faites de cils modifiés. Ils possèdent en outre des cellules spéciales, les colloblastes , et un organe d’équilibration, le statocyste , au pôle opposé de la bouche.
Les Cténaires se divisent en trois classes: Filicténides, Nudicténides et Platycténides.
Les Filicténides
Hormiphora plumosa , dont le nom vulgaire est cydippe, et qui se trouve en Méditerranée, en est le meilleur exemple.
Morphologie
L’animal globuleux, transparent, irisé est de la grosseur d’une cerise; il se déplace dans l’eau par un mouvement continu assez rapide. Au pôle antérieur s’ouvre la bouche fissiforme, à l’opposé se tient le statocyste. D’un pôle à l’autre s’étendent huit bandes longitudinales équidistantes, les côtes, formées chacune d’une série de palettes vibratiles faites de cils agglutinés (fig. 1). En deux points opposés du corps se trouvent deux longs tentacules rétractiles dans des gaines et qui portent de courts prolongements latéraux: les tentilles. Ces dernières possèdent de nombreux colloblastes, cellules spéciales aux Cténophores qui servent à la capture de proies et à la défense.
Le colloblaste a été étudié au microscope électronique par Hovasse et de Puytorac (1962). Il montre en position antérieure une masse convexe en forme de cloche et une portion basale effilée (fig. 2). La surface convexe est couverte de deux couches de granulations glutineuses. À la base de la partie hémisphérique est un granule, le corps sphéroïdal, en relation avec un noyau allongé; un filament spiral, en contact aussi avec le corps sphéroïdal, naît dans le protoplasme périnucléaire. Il décrit deux ou trois tours de spire. Il traverse l’épiderme et va s’insérer sur la basale. Les colloblastes peuvent être soulevés au-dessus de la surface épithéliale par la résistance des objets auxquels ils sont collés. Le filament spiral s’étend alors, il ramène ensuite la cellule au niveau de l’épithélium dès que la résistance a cessé. Les colloblastes ne se détruisent pas au cours de leur fonctionnement.
Le statocyste aboral est une cupule de 1 mm de large environ creusée dans la mésoglée et bordée de longs cils qui se soudent en une sorte de membrane hyaline. La cavité ainsi délimitée communique avec l’extérieur par six ouvertures. Des cils agglutinés forment quatre lames ou ressorts dont les extrémités libres convergent vers le centre de la cupule et sont enchâssées dans la masse du statolithe. De la base de chacun des quatre ressorts partent quatre aires ciliées qui se divisent et les huit bandelettes ciliées formées aboutissent à la dernière palette locomotrice correspondante. Le statocyste commande ainsi le fonctionnement des huit rangées de palettes ciliées jouant un rôle capital dans la vie de l’animal dont une grande partie du comportement est sous la dépendance de l’équilibration.
Organisation
Le corps de l’animal est constitué par une masse de mésoglée revêtue d’un ectoderme et creusée d’un système de cavités et de canaux constituant l’appareil gastro-vasculaire, qui joue à la fois le rôle d’appareil digestif et d’appareil vasculaire en distribuant dans tout l’organisme les sucs nourriciers élaborés dans la cavité gastrique. La mésoglée est une sorte de tissu diffus comprenant des cellules mésenchymateuses musculaires et nerveuses, réparties au sein d’une substance fondamentale d’aspect gélatineux qui montre, au microscope électronique, de très fines fibrilles sans disposition particulière. Le cydippe est hermaphrodite, les produits génitaux se forment dans la paroi de certains canaux gastro-vasculaires et sont expulsés par la bouche. La fécondation a lieu dans la mer, puis les œufs tombent sur le fond où ils se développent. La larve présente l’ébauche d’un vrai mésoderme selon quatre champs disposés en croix. Le cydippe, animal pélagique, se meut grâce à ses palettes natatoires, la bouche en avant. Pour s’enfoncer, l’animal cesse tout mouvement. Les tentacules explorent l’eau ambiante pour saisir les petites proies servant de nourriture. Les déchets de la digestion sont rejetés par la bouche.
Autres types de Filicténides
Hormiphora plumosa est le type de l’ordre des Cydippides. Chez Deiopea kaloktenota (fig. 3), type de l’ordre des Lobata, le corps est comprimé transversalement et aplati sur la face orale, les tentacules sont réduits à leur portion basilaire. Cestus veneris (fig. 3) est un Cestide : son corps, comprimé transversalement et très allongé dans le sens sagittal, peut atteindre 1,50 m de long. Les deux grands tentacules sont absents, remplacés par de nombreux petits tentacules accessoires. Les côtes très modifiées courent le long du bord inférieur du ruban.
Les Nudicténides et les Platycténides
La classe des Nudicténides est représentée par des animaux n’ayant ni sole plantaire, ni tentacule. L’espèce principale est Beroe ovata . Sa forme est celle d’une pyramide aplatie dont la base représente l’ouverture buccale très grande. Les huit côtes sont égales et équidistantes, formées d’un nombre énorme de petites palettes ciliées. La bouche donne accès dans un immense pharynx qui réduit le corps à un sac à parois minces.
Les Platycténides montrent une face buccale aplatie et transformée en sole plantaire, sur laquelle ils rampent. Leur corps est aplati selon l’axe principal, d’où différenciation d’une face dorsale et d’une face ventrale. Les canaux gastro-vasculaires ont de petits diverticules donnant naissance à des papilles dorsales qui sont des organes respiratoires. On peut se représenter un Platycténide comme une Beroe à immense pharynx qui, en dilatant la bouche, aurait étalé tout son pharynx sur le sol.
Le genre Ctenoplana (fig. 4) possède des gaines tentaculaires formant des cheminées tubulaires nettement détachées du corps de l’animal. La bouche est circulaire, située au centre de la face ventrale. D’ordinaire les Ctenoplana rampent lentement sur le sol, mais elles peuvent le quitter, se contracter en invaginant leur face ventrale et devenir une cloche comparable à une Beroe . Les Ctenoplana peuvent se reproduire asexuellement par lacération spontanée, l’animal détache de la marge de son disque de petits fragments qui se différencient et après régulation embryonnaire donnent en 120 heures un nouveau Cténophore.
Le genre Tjalfiella a pour habitat l’archipel malais. Ces animaux possèdent trois bouches: une dite principale, centrale et ventrale, qui sert à la fixation et deux bouches alimentaires s’ouvrant au sommet des deux cheminées d’où sortent les tentacules.
Le genre Coeloplana (fig. 4) s’éloigne plus que le précédent des Cténaires typiques. Les Coeloplana sont très colorés et vivent sur les coraux. Toutes les espèces peuvent quitter leur hôte et flotter d’une façon inerte. Les deux sacs tentaculaires ne sont plus saillants, les tentacules pinnés sont très longs. Il n’y a plus de palettes ciliées (fig. 4).
Plus régressé encore est le genre Savangia qui n’a plus de cheminée tentaculaire, ni de palettes ciliées, ni d’organe sensitif aboral.
Affinités des Cténaires
Les Cténaires sont étroitement apparentés aux Cnidaires, à tel point qu’on les réunissait autrefois dans le même embranchement des Cœlentérés. Cnidaires et Cténaires sont des diploblastiques acœlomates, alors que tous les autres Métazoaires, sont des triploblastiques réalisant leur organogenèse avec trois feuillets cellulaires fondamentaux au lieu de deux. On a décrit deux espèces, l’une appartenant aux Cnidaires, l’autre aux Cténaires, comme faisant la transition entre Cnidaires et Cténaires. Il s’agit, d’une part, de la méduse Hydroctena salenskii qui a deux tentacules avec gaine tentaculaire et un organe des sens aboral; mais Dawydoff (1953) a montré que c’était une vraie Hydroméduse. D’autre part, le cydippe Euchlora rubra possède des cnidoblastes (cellules caractéristiques des Cnidaires) à la place des colloblastes. Après une controverse entre divers auteurs, Picard (1955) admet que les nématocystes appartiennent bien à Euchlora rubra .
Malgré cela Cnidaires et Cténaires, quoique ayant des caractères communs, doivent former deux embranchements séparés. Dans la classification animale, aux derniers diploblastiques que sont les Cténaires succèdent les plus primitifs des triploblastiques (animaux ayant un vrai mésoderme): les Platodes. On avait cru trouver dans les Platycténides les ancêtres des Platodes. Mais les Platycténides ne seraient que des Cténaires que leur mode de déplacement par reptation a rapprochés des Planaires. Cependant la présence d’un mésoderme en croix au cours du développement des Cténaires montre que c’est avec eux que l’on voit apparaître l’ébauche du vrai mésoderme caractéristique des triploblastiques, quoique celui-ci n’existe plus chez l’adulte. On peut penser que les Cténaires se sont détachés très tôt d’une souche d’où sont sortis aussi les Cnidaires et que les Planaires sont aussi issues de la souche des Cténaires.
cténaires [ ktenɛr ] n. m. pl.
• 1929; du lat. sc. ctenaria, du gr. kteis, ktenos « peigne »
♦ Embranchement d'animaux pélagiques, transparents, à symétrie bilatérale, à organes locomoteurs en forme de palettes. Au sing. Un cténaire. — On dit aussi CTÉNOPHORES [ ktenɔfɔr ], 1839 .
cténaires ou cténophores
n. m. pl. ZOOL Embranchement de métazoaires marins à symétrie bilatérale, généralement pélagiques, se déplaçant à l'aide de huit palettes ciliées, autref. réunis aux cnidaires dans les coelentérés.
— Sing. Un cténaire ou un cténophore.
ÉTYM. XXe; lat. sc. ctenaria, Haeckel, fin XIXe (1878); lat. sc. ctenophora, Eschscholtz, 1829; désignant antérieurement un ordre de diptères; du grec kteis, ktenos « peigne », et -phore.
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♦ Didact. (zool.). Embranchement d'animaux diplo-blastiques pélagiques transparents, à symétrie bilatérale, dépourvus de cnidoblastes (→ Cnidaires), mais munis de colloblastes (cellules spéciales par lesquelles ils capturent leurs proies) et de palettes ciliées servant à leur locomotion (→ Cœlentérés, cit.). || Les cténaires possèdent un statocyste très complexe. — Au sing. || Un cténaire. || Le béroé est un cténaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.