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LOURDES
LOURDES

LOURDES

Lourdes — 4 281 habitants au recensement de 1852 — doit sa célébrité aux apparitions de 1858 (11 fév.-16 juill.).

Bernadette Soubirous, 14 ans, analphabète et sans instruction religieuse, asthmatique et encore impubère, est la fille d’un meunier ruiné, tombé à l’état de «brassier» (manœuvre louant ses bras à la journée pour 1,50 F). Elle habite le plus minable logis de la ville: le cachot, ancienne prison désaffectée à cause de son insalubrité.

Le jeudi 11 février, vers midi, elle va ramasser du bois et des os à la grotte située au bord du Gave, à 1 km à l’ouest de la ville. En se déchaussant pour passer l’eau, elle entend «comme un coup de vent»; elle s’étonne car l’air est calme et les arbres ne remuent pas. Elle voit la niche de la grotte s’éclairer d’un halo de lumière où apparaît une très jeune fille, silencieuse. Devant elle, Bernadette, d’instinct, récite son chapelet. Lorsqu’elle est sur le chemin du retour, sa sœur lui arrache la confidence, sous le sceau du secret, mais le révèle aussitôt à sa mère. Toutes deux sont battues «avec le bâton à battre les couvertures». Bernadette obtient pourtant de retourner à la grotte le 14, puis le 18 février. Aqueró (en patois: Cela , ainsi qu’elle appelle la jeune fille du rocher) lui parle pour la première fois: «Voulez-vous avoir la grâce (en patois: aouè la gracia ) de venir ici pendant quinze jours?» Bernadette se rend chaque matin à la grotte, du vendredi 19 février au jeudi 4 mars. Elle voit l’apparition «tous les jours, sauf un lundi (22 fév.) et un vendredi (26 fév.)». La foule grossit: de 100 personnes le 21 février à 8 000 le 4 mars, dernier jour de la quinzaine, où l’on attend un grand miracle. Rien ne se produit. L’affaire semble finie. Mais, au matin du 25 mars, Bernadette se sent de nouveau attirée à la grotte. Et sur sa demande quatre fois répétée, Aqueró , dont elle ignorait l’identité, répond: «Je suis l’Immaculée Conception.» Bernadette ne comprend pas ces paroles, qui font difficulté à son curé. Le pape Pie IX, en effet, avait défini le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge en 1854, mais l’identification grammaticale de la Vierge à ce privilège était déroutante.

Bernadette eut encore deux apparitions impromptues et silencieuses: le 7 avril et le 16 juillet. La dernière fut tellement discrète qu’elle faillit échapper à l’histoire.

Après une épidémie de visionnaires (13 avr.-9 juill.) à laquelle Bernadette resta tout à fait étrangère, l’évêque de Tarbes, Mgr Laurence, entame une enquête qui aboutit, le 18 janvier 1862, à la reconnaissance de l’apparition. Le jugement se fondait sur le témoignage de Bernadette, sur le mouvement de prière et de conversions et sur les miracles. Dans la masse confuse des guérisons dont on parlait, la commission épiscopale en sélectionna sept avec un sens clinique et critique très averti pour l’époque (dossier critique in R. Laurentin, Lourdes, Documents authentiques , t. V).

Durant les années suivantes, les guérisons ne sont pas objet de constat. À partir de 1866, on publie les plus frappantes dans les Annales de Lourdes . En 1882, le docteur de Saint-Maclou fonde le Bureau des constatations médicales. Le Bureau retient deux mille cas jusqu’en 1905. À cette date, Pie X demande que les constats soient établis en forme canonique, selon les exigences en vigueur pour les procès de canonisation, avec un double jugement: médical puis religieux. Trente-trois guérisons sont ainsi reconnues de 1907 à 1913. Puis les constats s’interrompent. Mgr Théas les réorganise en 1946: le Bureau médical établit les dossiers sur place. Un Comité international de médecins éminents en juge. Le Bureau médical est saisi chaque année d’une trentaine de cas; il n’en retient que deux ou trois pour examen; vingt-deux seulement ont été canoniquement reconnus depuis 1946.

Ce petit nombre tient aux raisons suivantes: il est difficile d’établir des dossiers complets. L’exigence des preuves scientifiques est de plus en plus complexe. Les médecins traitants laissent de moins en moins voyager les grands malades. Et presque tous voyagent en étant soumis à un traitement qui doit être normalement présumé cause de la guérison. On ne saurait trop souligner la difficulté de principe en cette matière: un Comité médical répugne normalement à déclarer une guérison «inexplicable», car le postulat de la méthode scientifique, c’est de ne jamais démissionner devant l’inexplicable. L’allergie aux miracles s’étend aujourd’hui aux évêques et commissions épiscopales, qui ont plus d’une fois refusé d’entériner les dossiers reconnus, au point de vue médical, par le Comité international.

Depuis 1890, Lourdes est de moins en moins axé sur le miracle, mais de plus en plus sur le message reçu par Bernadette: prière et conversion. La pastorale du pèlerinage s’est renouvelée en ce sens, durant ces dernières années.

La facilité des transports aidant, le nombre des pèlerins de Lourdes n’a cessé d’augmenter. Le cap du million fut franchi en 1908. Les 3 millions sont dépassés régulièrement depuis 1964; les 3 500 000, depuis 1972. Plus de 50 000 malades sont accueillis chaque année: 64 354 en 1972, dont 41 608 hospitalisés.

C’est depuis 1874 qu’on organise des trains de malades. C’était une sorte de défi de l’espérance, que ne cessent de renouveler des initiatives fort variées: pèlerinages d’aveugles, de malades mentaux, de polios (10 000 en 1973), y compris des «respiratoires» avec relais de poumons d’acier de l’hôpital au train et à la grotte. Lourdes rassemble aussi des catégories marginales que la rencontre libère de leur isolement: parents d’enfants handicapés, gitans, etc.

Récupéré par le commerce et sa laideur proverbiale, discuté, y compris par des catholiques (qui restent libres de ne pas y croire), Lourdes reste le défi qui impressionna Zola, comme l’atteste son journal de voyage (août 1892), publié en 1958. Ce défi de la prière et de la souffrance ambulante est de toute manière une folie: pour Zola, celle de l’espérance humaine préscientifique; pour les pèlerins, celle de Dieu qui défie la sagesse des sages, et donne aux malades, même non guéris, son don inexprimable qui ne déçoit pas.

Lourdes
v. de France (Hautes-Pyrénées); 16 581 hab.
Grand centre de pèlerinage du monde catholique.
Grotte de Massabielle, où Bernadette Soubirous déclara avoir vu la Vierge Marie (1858); une basilique sup. (1876), au-dessus de la grotte, et une basilique souterraine Saint-Pie-X (1958) sont consacrées à la Vierge.

Encyclopédie Universelle. 2012.