LYSOSOMES
Les lysosomes, ou corpuscules lytiques (du grec lusis , dissolution, et sôma , corps), sont des composants de toutes les cellules eucaryotes, tant animales que végétales. Ils constituent les organites centraux d’un système cytoplasmique complexe servant à la digestion d’une grande variété de matériaux d’origine exogène (hétérophagie) et endogène (autophagie). En plus de leur rôle dans la nutrition de la cellule, ils interviennent dans de nombreuses fonctions spécialisées. Leurs perturbations pathologiques sont impliquées dans nombre de maladies.
Caractères distinctifs
On reconnaît les lysosomes à deux caractères: ils sont entourés par une membrane ; ils contiennent un mélange d’hydrolases acides – enzymes hydrolytiques ayant leur optimum d’activité en milieu acide – de spécificité telle qu’elles peuvent, agissant ensemble, digérer complètement, ou presque, les protéines, les acides nucléiques, les oligoet polysaccharides, les lipides simples et complexes, et bien d’autres constituants biologiques importants.
Le concept de lysosome est un concept fonctionnel, établi originalement sur la base de critères purement biochimiques. Il englobe une grande variété d’entités morphologiques, qui vont des vacuoles alimentaires des protozoaires aux tonoplastes des cellules végétales, en passant par d’innombrables granulations et inclusions cytoplasmiques que leurs particularités de coloration, notamment intravitale, ont signalées à l’attention des anciens cytologistes. Dans beaucoup de cellules animales, les lysosomes se présentent au microscope électronique sous la forme de corpuscules denses à contenu polymorphe (fig. 1).
Il est d’usage de distinguer entre lysosomes primaires et secondaires . Ces derniers sont des sites de digestion intracellulaire; ils ont la nature de vacuoles digestives. Les lysosomes primaires, ou vierges, sont les formations qui renferment des hydrolases lysosomiales – ou leurs précurseurs – nouvellement synthétisées et n’ayant pas encore joué un rôle digestif. Représentés le plus souvent par de petites vésicules peu apparentes détachées de l’appareil de Golgi, les lysosomes primaires peuvent exceptionnellement prendre la forme de vacuoles de stockage de grande dimension, semblables à des grains de sécrétion. C’est le cas dans les leucocytes polymorphonucléaires.
Mécanismes fonctionnels
Les lysosomes jouent un rôle essentiel dans la digestion intracellulaire . Ce processus a lieu dans des vacuoles limitées par une membrane – les lysosomes secondaires – au sein desquelles un pH acide, de l’ordre de 4,5 à 5,0, conforme aux exigences des hydrolases lysosomiales est maintenu activement par une pompe à protons située dans la membrane. Cette acidité explique le «lysosomotropisme» de très nombreux composés faiblement basiques: ils se concentrent dans les lysosomes (et dans les endosomes, voir ci-dessous) par protonation et donnent lieu à des phénomènes tels que la coloration vitale (par exemple rouge neutre, acridine orange), la vacuolisation par appel osmotique d’eau (par exemple chloroquine) et divers effets pharmacologiques.
Exceptionnellement, hydrolases et acidité lysosomiales sont déversées dans une cavité extracellulaire où elles exercent leur action digestive. Les ostéoclastes creusent la matrice osseuse par un tel mécanisme. Celui-ci intervient aussi dans certaines lésions pathologiques des tissus de soutien.
Les substrats de la digestion lysosomiale proviennent de l’extérieur, ou de l’intérieur de la cellule. Dans le premier cas (hétérophagie ), la capture des matériaux se fait par phagocytose, pinocytose ou toute autre forme d’endocytose , c’est-à-dire par un processus faisant intervenir une invagination de la membrane plasmique qui se referme autour du matériel capté et se détache dans le cytoplasme sous la forme d’une vacuole scellée contenant ce matériel. Les objets et molécules englobés de cette manière sont souvent fixés par des récepteurs spécifiques situés sur la membrane plasmique (endocytose par récepteur interposé). Ce phénomène permet aux cellules de sélectionner certains nutriments dans leur milieu environnant, par exemple les lipoprotéines de faible densité porteuses de cholestérol. Il leur donne, par ailleurs, le moyen de limiter l’action d’hormones et d’autres agents actifs qui se fixent sur des récepteurs de surface. De nombreuses régulations métaboliques et hormonales en dépendent.
Avant d’atteindre les lysosomes, les matériaux captés par endocytose transitent souvent par des vésicules, appelées endosomes , acidifiées comme les lysosomes par une pompe à protons, mais dépourvues d’hydrolases. Ce sont des centres de tri , d’où, notamment, une part importante du matériel membranaire utilisé par l’endocytose est recyclée vers la surface cellulaire. La plupart des substances fixées sur des récepteurs s’en détachent dans les endosomes sous l’influence de l’acidité locale, rejoignant ainsi la masse des composés solubles captés «en vrac». Certains matériaux restent attachés à leurs récepteurs et accompagnent ceux-ci dans leur périple ultérieur, par exemple vers le pôle opposé de la cellule où ils sont déchargés à l’extérieur. Ces matériaux sont ainsi transportés à travers la cellule en échappant à la destruction lysosomiale (diacytose).
Après ce tri, les endosomes (ou des vésicules s’en détachant) fusionnent avec des lysosomes. Ceux-ci peuvent être primaires, mais le plus souvent ils ont déjà servi et sont du type secondaire. Suite à cette fusion, qui dépend de la coalescence des membranes limitantes des deux vésicules impliquées, le matériel capté est exposé à l’action des hydrolases lysosomiales et digéré . Les produits finals de la digestion – acides aminés, sucres simples, acides gras, mononucléosides et autres petites molécules – traversent la membrane lysosomiale, par diffusion passive ou par transport assisté, et viennent alimenter le métabolisme cellulaire. Chez beaucoup de protozoaires, les résidus incapables de quitter les lysosomes de cette manière sont rejetés en bloc dans le milieu extérieur par un phénomène d’exocytose (défécation cellulaire ). La plupart des cellules des animaux supérieurs sont incapables de défécation et les résidus indigestes s’accumulent dans leurs lysosomes; ce qui explique l’aspect polymorphe du contenu de ceux-ci. Cette accumulation est généralement bien tolérée, sauf lorsqu’elle devient excessive, comme c’est le cas dans de nombreuses maladies de dépôt congénitales (thésaurismoses) dues à une déficience génétique grave d’une hydrolase lysosomiale. Les vacuoles des cellules végétales jouent un rôle similaire de «dépotoirs».
Les substrats de l’autophagie cellulaire sont des organites tels que des mitochondries, des ribosomes ou des éléments membranaires, ou encore des constituants du cytosol, qui pénètrent dans les lysosomes – ou dans des vésicules apparentées – sous la forme de bourgeons se détachant du cytoplasme environnant. On ignore si cette ségrégation a lieu au hasard ou si elle est sélective. Elle donne naissance à des structures que l’on désigne du nom de vacuoles autophagiques aussi longtemps que leur contenu est reconnaissable. Les objets de la ségrégation autophagique subissent le même sort que ceux de la capture endocytaire.
Les hydrolases lysosomiales sont synthétisées, parfois sous la forme de précurseurs inactifs, et déversées cotraductionnellement dans la lumière du réticulum endoplasmique par des ribosomes liés aux membranes de cette structure, tout comme le sont les protéines sécrétoires. Au même titre que ces dernières, elles sont acheminées vers l’appareil de Golgi en subissant divers remaniements, dont des glycosylations. Dans le Golgi, certaines de leurs chaînes oligo-saccharidiques sont garnies de terminaisons mannose-6-phosphate . Ce groupement sert en quelque sorte d’« adresse» spécifique. Il est reconnu par un récepteur membranaire qui sépare les hydrolases lysosomiales des protéines sécrétoires et assure leur transport sélectif vers le compartiment lysosomial. Dans les lysosomes, les précurseurs inactifs des enzymes sont activés par protéolyse.
Ces divers mécanismes sont clairement établis phénoménologiquement, et le rôle capital des coalescences membranaires dans leur déroulement est bien apprécié, mais les éléments moteurs et directionnels qui les sous-tendent sont fort mal compris. On soupçonne la participation de divers constituants du cytosquelette .
Rôle physiopathologique
Chez de nombreux micro-organismes unicellulaires et invertébrés primitifs, le rôle des lysosomes est avant tout nutritif. L’hétérophagie sert à la capture et à la digestion des aliments exogènes, l’autophagie à l’utilisation contrôlée des constituants cellulaires propres en cas de pénurie alimentaire. Cette fonction a perdu de l’importance chez les animaux supérieurs, où elle n’intervient que pour quelques nutriments particuliers, tel le cholestérol. En revanche, la digestion lysosomiale y est adaptée à de multiples fonctions spécialisées . Ainsi, selon le type cellulaire impliqué, le mécanisme hétérophagique sert à la défense contre les envahisseurs étrangers, au nettoyage des alvéoles pulmonaires, à la réabsorption rénale, au remaniement osseux, au catabolisme des protéines plasmatiques, à la régulation d’effets hormonaux, à la synthèse d’hormones thyroïdiennes et à bien d’autres processus physiologiques. L’autophagie joue un rôle très général dans les multiples phénomènes autolytiques qui interviennent dans le renouvellement (turnover ) des constituants cellulaires, ainsi que dans l’adaptation , la différenciation et le développement .
Les lysosomes sont fréquemment impliqués dans la genèse d’affections pathologiques. Les hydrolases qu’ils hébergent peuvent léser le cytoplasme, si elles sont libérées à l’intérieur de la cellule, ou endommager les structures extracellulaires, si elles sont déversées à l’extérieur. Par ailleurs, la surcharge des lysosomes par des matériaux non digérés et la dilatation qui en résulte peuvent compromettre le fonctionnement cellulaire normal. Grâce à l’élucidation de ces mécanismes, nombre de maladies se sont révélées comme des manifestations d’une pathologie digestive cellulaire:
– Décharge intracellulaire du contenu lysosomial (les structures cellulaires sont endommagées et souvent la cellule meurt): silicose, inflammations, intoxications par des drogues lysosomotropes, des agents membranolytiques, des lysines bactériennes.
– Décharge extracellulaire du contenu lysosomial (les structures conjonctives extracellulaires sont endommagées): arthrite rhumatoïde et autres affections auto-immunitaires, intoxications par excès de vitamine A, hypersécrétion d’hormone parathyroïdienne.
– Surcharge (la cellule est étouffée par ses lysosomes hypertrophiés): thésaurismoses génétiques, néphrose, athérome, cystinose, intoxications par des macromolécules indigestes (dextranne, PVP) ou par des drogues lysosomotropes (chloroquine, gentamicine), accumulation de lipofuscine (sénescence).
Les causes de ces anomalies sont diverses: génétiques, infectieuses, toxiques, endocriniennes, nutritionnelles ou auto-immunitaires. À leur tour, ces notions inspirent de nouvelles méthodes de prévention et de traitement. Elles sont exploitées aussi par une chimiothérapie plus sélective des affections cancéreuses.
Encyclopédie Universelle. 2012.