LÉGALITÉ
La légalité est d’abord le caractère d’un acte ou d’un fait qui est conforme à la loi. C’est aussi l’ensemble des règles juridiques applicables dans un pays donné à un moment donné. À ce dernier point de vue, la légalité se confond avec le droit positif. Il convient donc, lorsque l’on examine la légalité d’un acte, de le confronter non seulement à la loi formelle, mais à l’ensemble des dispositions du droit en vigueur concernant l’activité dont il s’agit et quelle que soit la nature des règles qui en sont la source. Ainsi, en France, la légalité est constituée par toute une série de normes qui s’échelonnent selon une hiérarchie allant de l’arrêté réglementaire à la Constitution.
C’est en l’envisageant ainsi dans son contenu concret que la notion de légalité revêt toute son importance. Il apparaît en effet que la légalité forme en quelque sorte la structure juridique de la société et qu’en même temps elle est créatrice d’obligations puisque la légalité d’un comportement ou d’une situation révèle leur soumission aux sujétions incluses dans la règle. Or, si la légalité oblige, on est nécessairement conduit à s’interroger d’une part sur le fondement, d’autre part sur l’étendue de l’obligation.
1. Légalité et légitimité
La légalité s’apprécie par rapport à l’ordre juridique établi, mais, à moins de se satisfaire de la quiétude que dispense le positivisme, l’esprit ne peut manquer de mettre en cause la valeur de cet ordre. Si la loi enjoint de dénoncer ceux que l’on soupçonne d’hostilité au régime politique, on ne verra pas sans émotion un fils accuser son père. L’horreur qu’inspire ce geste ne saurait être couverte par sa légalité. C’est dire que – plus profond que la régularité formelle qu’exprime la légalité d’un acte – il est nécessaire que sa valeur soit fondée sur un principe qui la justifie. Ce principe, c’est la légitimité. En effet, dès que les gouvernants sont tenus pour légitimes, les règles qu’ils édictent bénéficient de l’autorité qu’ils tiennent de leur légitimité. La question est alors de savoir à quelles conditions le pouvoir peut être considéré comme légitime.
Les caractères de la légitimité
Sans revenir sur ce débat qui n’a jamais cessé de hanter la pensée politique, il suffit de rappeler que la légitimité est un caractère qui s’attache à un pouvoir jugé. Elle n’est pas immanente au phénomène du pouvoir; elle ne lui est attribuée qu’à partir du moment où il est évalué par rapport à une norme. Elle procède d’une comparaison entre le pouvoir et un principe normatif indiquant ce qu’il doit être ou doit faire. Et, comme ce principe lui-même exprime une valeur, il est nécessairement entaché de subjectivité; il traduit un choix ou un parti pris. Sans doute s’agissant d’une valeur qui n’est impérative que si elle est reconnue comme telle par le groupe, les préférences individuelles s’estompent-elles dans le choix collectif; il n’en reste pas moins que sur le plan de la réflexion toute légitimité est relative, puisqu’elle est tributaire d’une série de facteurs contingents (poids de l’histoire, degré d’évolution des mentalités, stature des personnalités dirigeantes, etc.) dont l’action est attestée par la succession des principes de légitimité qui, dans un pays donné, se sont imposés au cours des temps. Si l’on ajoute que la légitimité n’est pas indélébile, car un pouvoir qui a été tenu pour légitime peut cesser de l’être dès lors qu’en face d’exigences sociales nouvelles il ne sait ni les réduire ni s’en inspirer, on comprendra que la légitimité ne saurait à elle seule constituer l’assise d’un ordre juridique stable, car sa mise en cause suscite moins des citoyens que des fanatiques, des rebelles ou des indifférents.
C’est précisément l’intérêt du principe de légalité que d’éviter que, dans la vie courante des peuples, les hésitations qui tourmentent les philosophes politiques viennent suspendre l’exécution des devoirs des citoyens. Il n’est pas possible que les individus s’interrogent à chaque instant sur la légitimité des gouvernants dont les décisions les obligent. Implicitement, ils admettent le troisième type de légitimité identifié par Max Weber: la légitimité rationnelle, celle qui est fondée «sur un système de règles délibérément établies» et qui, de ce fait, s’identifie avec la légalité. Seulement, cette identification est le résultat d’une présomption : si le pouvoir légal est le pouvoir légitime, c’est parce que la loi qui le fonde est elle-même légitime. Quant à savoir d’où vient cette validité de la loi, deux explications ont cours dans le monde occidental: l’une envisage l’auteur de la loi, et c’est celle que traduit le principe de légalité entendu dans son acception française, l’autre met en cause le contenu de la loi, et c’est celle qu’exprime la formule anglo-saxonne de la rule of law.
Le principe de légalité
Le principe de légalité est directement issu de la conception romaine: lex est quod populus jubet atque constituit , définition qui, dans la terminologie révolutionnaire, deviendra: «La loi est l’expression de la volonté générale.» La légalité n’est ainsi formelle qu’en apparence, car, à travers l’auteur de la loi, c’est le contenu de celle-ci qui est décisif. Si elle est vraiment, directement ou par représentation, l’œuvre du peuple, il n’y a pas de risque qu’elle soit arbitraire. Or, c’est bien cette fin que vise le principe de légalité: il garantit que la loi est la même pour tous. Assurément elle peut être dure, voire dangereuse pour les libertés. Peu importe, pourvu qu’elle soit égale: «Pourvu que le législateur se charge lui-même d’enlever aux hommes leur indépendance, ils sont à peu près contents» (Tocqueville, De la démocratie en Amérique ). À l’appui du principe de légalité on retrouve ainsi l’attachement à l’égalité qui, si souvent, dans la mentalité latine, prime le souci de la liberté.
La rule of law , en revanche, s’impose à raison du fait qu’elle est conçue comme la condition de la liberté inséparable de la dignité humaine. La rule of law est irréductible au concept latin de légalité; elle n’est pas le règne de la loi (à laquelle, en dépit de la multiplication contemporaine des textes édictés par le Parlement, ne s’attache pas une valeur de principe, mais seulement de recette pour trancher des cas); c’est le règne du droit. Or, ce droit est celui qui, tout au long de la common law , s’est formé comme un système de garantie des libertés anglaises. C’est dans la mesure où il respecte ces règles écrites ou non écrites que le pouvoir peut être tenu pour légal parce que c’est en ce sens qu’il sera un government under law.
La présomption sur laquelle repose l’autorité du principe de légalité n’est cependant pas irréfragable. Il arrive en effet qu’un pouvoir dont la légitimité n’est pas globalement contestée édicte des règles qui heurtent la conscience des gouvernés. Lorsque la violence faite à cette conscience vise des principes sur lesquels elle ne peut transiger, l’individu se trouve confronté à un conflit de devoirs: son devoir de citoyen de respecter la loi formulée par des gouvernants régulièrement établis, son devoir d’homme d’exiger «la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine» (préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme , adoptée par l’Assemblée générale de l’O.N.U., le 19 décembre 1948), dignité qui serait bafouée s’il était tenu d’agir contre l’enseignement de sa conscience. Ce conflit qui dressa contre Créon la frêle Antigone n’a jamais cessé d’être présent dans l’histoire de l’humanité. Ses données sont celles qui constituent le problème de la loi injuste , question d’école pour les théoriciens de tous ordres – philosophes, théologiens, publicistes, moralistes –, source d’angoisse que notre temps a eu le triste privilège d’introduire dans la vie quotidienne de l’homme ordinaire. Cependant, les spéculations auxquelles donnent lieu ce problème se situent à un niveau tel qu’elles découragent tout espoir de lui apporter une solution simple et univoque. N’est-ce point, d’ailleurs, parce qu’aucune réponse de cet ordre ne lui paraissait satisfaisante que Socrate a accepté de boire la ciguë? Et n’y aurait-il pas quelque outrecuidance à prétendre, par une ruse dialectique, prendre en défaut son héroïque sagesse?
2. La légalité, condition de l’état de droit
Sur le plan du droit positif, le principe de légalité engage des conséquences qui, pour ne mettre en cause aucune philosophie, n’en ont pas moins une portée considérable. Certes, sur les sujétions qu’elle impose aux individus, il est inutile de s’étendre: l’obligation d’observer les prescriptions de la réglementation en vigueur et les sanctions qui l’accompagnent pèsent sur une part de plus en plus considérable de la vie de chacun. Mais qu’en est-il de la situation des organes de l’État, et spécialement de l’Administration, en face de la légalité? Ici ce n’est plus son fondement qui est en cause, mais l’étendue de son application.
L’étendue de la légalité
La réponse de principe est claire: toutes les autorités étatiques sont soumises à l’obligation de respecter non seulement les règles de droit qui, par leur origine, leur sont extérieures, mais encore celles qu’elles ont elles-mêmes établies: ainsi l’Administration est-elle tenue de se soumettre aux règlements qu’elle a faits et aux normes posées par le juge administratif qui procède d’elle. Là où cette obligation est consacrée par les principes du régime, on dit qu’il y a «État de droit» par opposition à l’«État de police» où les gouvernants et leurs agents sont affranchis de toute subordination à la légalité.
Si la soumission de l’Administration au principe de légalité doit demeurer incontestée, sa mise en œuvre doit cependant être conciliée avec les exigences propres à l’action administrative. À cet égard, on observera d’abord que le poids de la légalité ne pèse pas également sur toutes les autorités publiques. L’étendue de leur obligation dépend de la place où elles sont situées dans la hiérarchie administrative. À l’échelon inférieur, elles sont assujetties à l’ensemble de la légalité: ainsi, pour le maire, la légalité commence avec les arrêtés préfectoraux et remonte la pyramide des règles juridiques jusqu’à inclure la Constitution. Aux degrés intermédiaires, la légalité ne comprend que les règles posées par les autorités supérieures. Au sommet, pour le Premier ministre par exemple, elle n’est plus constituée que par la Constitution, la loi, les décrets autonomes et les principes généraux du droit qui, définis par la jurisprudence, ont valeur législative.
On notera, en second lieu, que si l’Administration est liée par les règles qu’elle a édictées, elle a la faculté de les modifier ou de les abroger. Ce n’est pas dire cependant que le principe de légalité ne joue plus, car le changement de réglementation est lui-même subordonné au respect de règles qui, quant à l’autorité compétente, au moment et aux formes, en conditionnent la régularité. Il est notamment à souligner que la modification de l’ordonnancement juridique ne peut pas rétroactivement porter atteinte aux droits conférés par la réglementation antérieure. Le principe de légalité est ainsi l’assise du respect des droits acquis.
Enfin et surtout, on doit considérer que l’application de ce même principe n’implique nullement la passivité des autorités administratives. Sans doute existe-t-il des cas où la loi leur impose d’agir dans un certain sens dès que sont réunies les conditions qu’elle fixe. Ainsi en va-t-il, par exemple, lors de la délivrance d’un permis de chasse. Dans cette hypothèse où la liberté d’appréciation de l’agent public est pratiquement nulle, on dit que sa compétence est liée. Il est évident que des situations de ce genre ne peuvent être multipliées sans dommage pour le bon fonctionnement de l’Administration. La loi ne peut tout prévoir, et il est même préférable qu’elle ne prévoie pas tout de façon à laisser aux fonctionnaires la faculté d’adapter leur conduite à des circonstances qui sont soit complexes soit changeantes. Lorsque cette liberté est laissée à l’agent, le pouvoir qu’il met en œuvre est qualifié de pouvoir discrétionnaire . Ainsi en est-il en matière de police, par exemple, lorsque la loi, ayant énuméré les autorités compétentes pour intervenir et énoncé les moyens mis à leur disposition, les laisse libre d’apprécier l’opportunité de leur action, le moment où elles doivent intervenir et les formes de leur intervention.
Les limites du pouvoir discrétionnaire
Le qualitatif «discrétionnaire» utilisé pour définir cette sorte de compétence ne laisse pas, de prime abord, d’être inquiétant. Il évoque la fantaisie, voire l’arbitraire. Assurément, ces risques ne sont pas absolument imaginaires. Il faut reconnaître cependant que, dans un ordre juridique sagement équilibré, ils sont moins graves et moins fréquents que l’on pourrait le redouter. D’une part il n’existe pas d’acte totalement discrétionnaire, car quelle que soit la marge de liberté dont dispose l’Administration, l’usage qu’elle fait ou peut faire de ses prérogatives est toujours subordonné à la recherche d’un intérêt public. Et il ne s’agit pas là de l’expression d’un souhait plus ou moins platonique: en France, le but d’intérêt général constitue une condition à la légalité des actes administratifs. Sa méconnaissance est sanctionnée par le juge qui annulera l’acte entaché de détournement de pouvoir, c’est-à-dire accompli en vue d’un but autre que celui en vue duquel la loi avait organisé le service dans le cadre duquel il a été effectué. D’autre part il y a lieu de tenir compte de l’existence d’un contrôle juridictionnel qui prive l’Administration du droit de délimiter seule la sphère d’action où elle est maîtresse de ses initiatives.
Dans tous les pays où règne l’État de droit, des recours sont organisés pour permettre aux particuliers de contester la légalité des décisions prises ou des règles posées par l’Administration. Ce qui distingue les systèmes de droit en cette matière, ce sont les modalités d’ouverture des recours, les juridictions susceptibles d’être saisies et l’étendue de leurs pouvoirs d’investigation. Mais le principe lui-même d’un contrôle de la légalité est partout admis, car aucun État n’ose plus s’affirmer officiellement comme un État de police. En France, le contrôle de la légalité est principalement exercé par l’entremise de recours pour excès de pouvoir portés devant les tribunaux administratifs, accessoirement par l’exception d’illégalité soulevée devant le juge judiciaire auquel on demande de constater l’illégalité de l’acte et, en conséquence, de ne pas l’appliquer dans le litige qui lui est soumis.
Sans doute, dans toutes ces hypothèses, le juge ne peut-il vérifier que la légalité de l’acte; il n’a pas à substituer son appréciation sur l’opportunité à celle qui a déterminé l’action de l’Administration. Mais du moins peut-il dire jusqu’où s’étendent les conditions mises à sa légalité et, du même coup, c’est lui qui délimite la sphère de liberté dont disposait l’auteur de l’acte. En outre, il ne peut pas oublier qu’en France du moins le juge administratif est créateur de règles de droit. Par conséquent il peut, dans le silence de la loi, réduire la marge du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’Administration, et le Conseil d’État n’a pas manqué de le faire lorsqu’il a estimé qu’en décidant ainsi il ne paralysait pas l’efficacité de l’action administrative.
Une conclusion optimiste quant à l’effectivité du principe de légalité ne saurait cependant être retenue. En effet, dans la plupart des États, il est admis aujourd’hui que la légalité, valable pour les périodes normales, peut être mise en vacance lorsque les circonstances deviennent particulièrement graves. Sous le nom d’état de crise, d’état de danger, d’état d’urgence, d’état de siège, toutes les législations prévoient les cas où les exigences du salut public justifient une inflexion de la légalité. Mais, en dehors même des prévisions législatives, il arrive que les mêmes nécessités conduisent à reconnaître, au profit de l’Administration, des facultés qui, en périodes normales, excéderaient le cadre de la légalité. En France, cet impératif, admis par la jurisprudence, a été mis en forme par les juristes sous le nom de théorie des circonstances exceptionnelles. Elle consiste à reconnaître que certaines situations de fait ont pour effet de suspendre à l’égard de l’Administration l’obligation de respecter les règles ordinaires et de soumettre les actes à l’application d’une légalité particulière aux circonstances. Comme il appartient au juge à la fois de vérifier l’existence de ces circonstances et de définir le contenu des règles dont elles déclenchent l’entrée en vigueur, on ne peut pas dire qu’elles affranchissent totalement l’Administration de sa subordination à la légalité. Seulement, il est à redouter (et l’expérience prouve que cette crainte n’est pas vaine) qu’à partir du moment où l’anormal est institutionnalisé dans l’aménagement d’un régime juridique spécial, il cesse d’être exceptionnel pour se rapprocher du droit commun. L’Administration est alors incitée à se réclamer de ce régime particulier pour couvrir des mesures arbitraires. Trop souvent, en matière de police notamment, l’exception est devenue la règle. Dans ce cas ce n’est plus la loi qui protège l’individu, sa seule garantie réside dans l’indépendance du juge.
légalité [ legalite ] n. f.
• 1606; « loyauté » 1370; lat. médiév. legalitas
1 ♦ Caractère de ce qui est légal, conforme au droit, à la loi. La légalité d'un acte, d'un règlement, d'une mesure.
2 ♦ Absolt Ce qui est légal; état, situation, pouvoir conforme au droit. ⇒ régularité. Respecter la légalité. « Il restait dans les limites de la légalité » (Balzac). Gouvernement qui sort de la légalité par un excès de pouvoir. « Les vacances de la légalité » (Blum).
⊗ CONTR. Arbitraire, illégalité.
● légalité nom féminin (latin médiéval legalitas, -atis) Caractère de ce qui est conforme à la loi : La légalité d'une mesure. Ensemble des actions qui sont conformes à la loi, qui ne la transgressent pas : Rester dans la légalité. ● légalité (citations) nom féminin (latin médiéval legalitas, -atis) Léon Blum Paris 1872-Jouy-en-Josas 1950 Les vacances de la légalité. In Le Populaire 5 février 1927 Commentaire « L'histoire nous enseigne que toute révolution politique, c'est-à-dire le passage d'un régime politique à un régime différent, a presque toujours comporté ce que j'appellerais une vacance de légalité… Ces périodes de vacance de légalité sont, par définition, des périodes de dictature. » Napoléon III, empereur des Français Paris 1808-Chislehurst, Kent, 1873 [La France] a compris que je n'étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Lettre à la Commission consultative, 31 décembre 1851 Commentaire Napoléon III évoque ici le plébiscite approuvant le coup d'État du 2 décembre 1851. ● légalité (expressions) nom féminin (latin médiéval legalitas, -atis) Principe de légalité, règle fondamentale du droit public selon laquelle l'exercice du pouvoir par les organes de l'État doit être conforme au droit. ● légalité (synonymes) nom féminin (latin médiéval legalitas, -atis) Caractère de ce qui est conforme à la loi
Contraires :
- illégalité
légalité
n. f.
d1./d Caractère de ce qui est légal. Contester la légalité d'une décision.
d2./d Situation légale, ensemble des actes et des moyens autorisés par la loi. Sortir de la légalité.
⇒LÉGALITÉ, subst. fém.
A. — Conformité à la loi. Légalité des actes. M. Cavaignac (...) a voulu « mettre un terme à l'agitation du pays » causée par l'inquiétude où nous sommes sur la légalité du jugement rendu (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 466). Les tribunaux judiciaires jugent de la légalité et du caractère obligatoire d'un arrêté préfectoral (BARADAT, Organ. préfect., 1907, p. 94) :
• 1. ... il [Robespierre] ne connaissait d'autre moyen d'écarter ses concurrents que de les faire périr par le tribunal révolutionnaire, qui donnait au meurtre un air de légalité.
STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 452.
B. — État légal; situation légale; ensemble des actions effectuées, des moyens utilisés, conformément aux prescriptions de la loi. Légalité républicaine; respecter la légalité, rester dans (les limites de) la légalité. Je ne pense pas que la Révolution ait rien produit de plus serré, de plus fort sur la légalité des vingt-cinq dernières années en France (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 55). Agis, arrêté court par la résistance des éphores, fut contraint de sortir de la légalité : il déposa ces magistrats et en nomma d'autres de sa propre autorité (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 457) :
• 2. La légitimité des actions humaines consiste dans leur conformité à la loi générale, et leur légalité [it. ds le texte] dans leur conformité aux lois locales. Légitimité est perfection, bonté absolue, nécessité; légalité [it. ds le texte] est convenance, bonté relative, utilité. L'état le meilleur de société est celui où l'état légitime est légal, et où l'état légal est légitime; c'est-à-dire, celui où les lois locales sont des conséquences naturelles de la loi générale : où tout ce qui est bon est une loi, et où toute loi est bonne.
BONALD, Législ. primit., t. 2, 1802, p. 25.
Prononc. et Orth. : [legalite]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1450 « avantage légalement accordé » (Arch. Nord, B 19478, pièce 91 : les eschevins... semblables privileges ou legalitez tenoient); 2. fin XVe s. legalité « qualité de l'action qui est faite selon la loi naturelle; loyauté » (GEORGES CHASTELLAIN, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 300); 3. 1606 « caractère de ce qui est conforme à la loi » (CRESPIN d'apr. FEW t. 5, p. 240b); 1611 (COTGR.). Dér. de légal; suff. -(i)té; cf. le lat. médiév. legalitas attesté aux sens de « ensemble des droits qui se rattachent à une propriété ou à une fonction » (1011 ds NIERM.), « capacité d'ester en justice » (1100, ibid.), « loyauté » (1103, ibid.). L'angl. legality est attesté aux sens d'« observation des règles » dep. ca 1460 ds NED : legalite, et de « légitimité, conformité à la loi » dep. 1533-34, ibid. : legalitee. Fréq. abs. littér. : 187.
DÉR. Légalitaire, adj. Qui tend vers la légalité; qui la pratique ou s'en inspire. Dans l'histoire entière de la construction, rien n'est plus pur, rien n'est plus fort, rien n'est plus catégorique que ces murs dépouillés qui suspendent dans l'espace les gradins, les arches, les voûtes, et répandent, jusqu'aux confins de la terre connue, l'esprit légalitaire et ordonnateur des Latins (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 45). — []. — 1re attest. 1912 (ID., Hist. art, p. 246); de légalité, suff. -aire.
BBG. — DUB. Pol. 1962, p. 330. - GOHIN 1903, p. 291. - VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p. 257.
légalité [legalite] n. f.
ÉTYM. 1606, au sens 1; « loyauté », fin XVe, Chastellain; du lat. médiéval legalitas, du lat. class. legalis. → Légal.
❖
1 Caractère de ce qui est légal, conforme au droit (→ 3. Droit, II., 1.), à la loi. || La légalité d'un acte, d'un règlement, d'une mesure. || Acte d'une légalité douteuse.
2 La légalité : ce qui est légal; état, situation, pouvoir conforme au droit. || Respecter, observer, côtoyer (cit. 3), violer la légalité. || Rester dans les limites de la légalité. || Légalité qui reparaît, remplace l'arbitraire (cit. 11). || Ordonnance du 9 août 1944 sur le rétablissement de la légalité républicaine en France. || Gouvernement qui sort de la légalité. ⇒ Excès (de pouvoir).
1 (…) il fut un de ces profonds scélérats qui abritent leurs entreprises et leurs mauvaises actions derrière le paravent de la légalité et sous le toit discret de la famille.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 897.
2 (…) il restait dans les limites de la légalité, ni plus ni moins qu'une Opposition parlementaire.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 463.
3 (…) elle (la Commune) avait tourné peu à peu, comme tous les pouvoirs qui durent, à la légalité.
Jaurès, Hist. socialiste…, t. VII, p. 6.
4 — Le principe de légalité. On peut le formuler en des termes très simples et que voici : il n'est pas un organe de l'État qui puisse prendre une décision individuelle qui ne soit conforme à une disposition par voie générale antérieurement édictée. Ou sous une autre forme, une décision individuelle ne peut jamais être prise que dans les limites déterminées par une loi matérielle antérieure.
L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. III, VI, §99.
♦ Allusion historique :
5 Sorti de la légalité pour rentrer dans le droit.
Prince Louis-Napoléon Bonaparte, Lettre à la Commission consultative, 31 déc. 1851.
6 Les vacances de la légalité.
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CONTR. Arbitraire, illégalité.
Encyclopédie Universelle. 2012.